Agriculture : des finances saines pour la Chambre d’agriculture, pas pour les exploitants

La Chambre consulaire présidée par Karine Duc a présenté un compte financier excédentaire pour 2025 mais tire la sonnette d'alarme pour le tissu agricole local.

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Quand il est question de gestion et de gros sous du côté de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne (CDA 47), les interrogations sont de mise. Les démêlés, encore récents, avec la Cour des comptes au sujet de la gouvernance ou du lac de Caussade font planer une ombre constante. Cependant, la présentation du compte financier 2025 ce mardi 18 novembre a permis de clarifier les choses : « Il y a une gestion saine, contrairement à bon nombre d’autres chambres qui affichent de lourds déficits », affirme la présidente Karine Duc. Et les faits lui donnent raison.

Un atterrissage bien négocié

Le budget rectificatif 2025 permet de consolider un résultat significativement meilleur que les projections du prévisionnel réalisé à l’aube de l’exercice. Sous le contrôle de l’expert-comptable Patrick Mauri, du cabinet @com, un excédent de 35 800 € se dégage, là où le budget initial prévoyait un déficit avoisinant les 500 000 €. Les ratios ne sont peut-être pas aussi hauts qu’en 2024 mais « l’atterrissage » a bien été négocié. À effectifs globalement constants, c’est-à-dire une soixantaine de personnes, les dépenses de fonctionnement ont été revues à la baisse de 10%. Le fonds de roulement et la capacité d’autofinancement ont été bien préservés. La trésorerie a été amputée de près de 900 000 € par rapport à l’an passé, la faute à l’acquittement d’une (lourde) créance auprès des Chambres d’agriculture France. Il reste toujours 1,35 M€ dans les caisses. À ces bons chiffres, il faut ajouter que la CDA 47 n’affiche aucune dette bancaire ou fournisseurs. Pas de cadavre dans le placard, donc.

Prudence pour 2026

Pour 2026, le budget initial s’avance avec la plus grande « prudence ». Le résultat de fonctionnement est attendu dans le négatif (-330 000 €) avec une nouvelle chute de la trésorerie qui s’explique par de nouveaux investissements, des projets de sauvetage, des départs en retraite ou encore l’organisation du National Blond. Là encore, des efforts de gestion en cours de route ne sont pas à exclure pour relever les indicateurs.

Des rafales d’alerte envoyées aux autorités

Mise en place de France Service Agriculture, gestion de l’épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), assurance multirisque climatique, taxe MACF (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières), Mercosur, impasses techniques pour les filières, déclin de l’élevage… Les sujets qui nourrissent la colère agricole sont nombreux. Presque chacun d’eux a fait l’objet d’une motion, quasiment toutes votées à l’unanimité (une seule abstention). La cible n’est autre que l’État, le Parlement et tous les organismes qui font autorité. « On a souvent tendance à faire croire que c’est la faute de l’Europe mais c’est souvent l’État français qui écrase et appuie sur la tête des agriculteurs », s’insurge Jean Marboutin, élu à la CDA 47. En dépit de leurs divergences politiques, les différents syndicats que sont la Coordination rurale (majoritaire), la FDSEA ou les Jeunes agriculteurs ont affiché une totale solidarité entre eux. À l’unisson, ils dénoncent la « machine administrative » qui impose des conditions d’exercice « intenables » voire « meurtrières », comme en attestent les défaillances financières faute de rentabilité et les nombreux suicides dans la profession.

Toutes les filières sous pression

Dans un réquisitoire musclé, Karine Duc n’a pas mâché ses mots. « On est face à une idéologie qui n’a que faire de la réalité pratique du terrain. On ne va pas dans le mur, on y est déjà ! On ne sait plus comment faire comprendre à quel point la catastrophe va être dévastatrice. À une échéance très courte, le paysage lot-et-garonnais va évoluer dramatiquement. Nous avons de plus en plus de difficultés à produire ici, ce qui engendre des importations à outrance. Elles le sont déjà dans des proportions folles et cela va empirer. La concurrence déloyale est inacceptable. Il n’y a aucune légitimité technique à maintenir ces positions dogmatiques. On a absolument besoin de préserver les filières de notre territoire. Quand la loi ne nous sert plus et ne nous permet pas de travailler correctement, certains agriculteurs commencent à envisager de prendre des risques », prévient-elle sous une salve d’applaudissements aux allures de cri désespéré. Par « risques », la présidente de la Chambre laisse penser que la voie du dialogue atteint ses limites, tout comme le modèle agricole aujourd’hui à bout de souffle. Éleveurs, céréaliers, arboriculteurs, maraîchers, viticulteurs… Quasiment tous les acteurs semblent craindre pour leur survie, en l’absence de solutions phytosanitaires ou de biocontrôle fiables et autorisées pour lutter contre les ravageurs en pleine explosion. Même chose vis-à-vis des dispositifs d’accompagnement face aux aléas climatiques. Après la noisette, d’autres filières « locomotives » dans le département deviennent des proies menacées : la fraise, le kiwi… « C’est grâce à elles qu’on installe nos jeunes et qu’on obtient des prêts bancaires », rappelle Julien Capdeville. Punaises, cochenilles, virus et bactéries complètent les caprices du ciel. « Si je prends mon cas personnel, j’ai 200 hectares qui ont été frappés par la grêle l’an passé, je n’ai rien pu sortir. Tu affiches des pertes à six chiffres et on te donne 3000 balles (sic) en compensation. Derrière, il n’y a plus de trésorerie et ce sont les familles qui finissent par trinquer », révèle Guillaume Pouliquen, céréalier à Agnac, avec une certaine angoisse. Le niveau d’alerte est tel que sans réponse de Paris dans les mois sinon semaines à venir, des actions d’ampleur sont à envisager. La gouvernance de la Chambre d’agriculture ne l’a pas évoqué, mais on sent que la coupe est bien pleine.

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