Santé : l’inquiétante situation financière du Pôle de santé Vallée du Lot

Malgré des progrès importants réalisés au niveau de sa gestion, l’établissement souffre de ses lourds arriérés et d’une baisse des aides de l’ARS qui doit aider d’autres structures en déficit.

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« Forte dégradation de la situation financière de nos établissements », « une situation de trésorerie extrêmement tendue »… Ces propos lourds de sens ont été adressés par Bruno Chauvin à ses agents au cœur de l’été. Le directeur du Pôle de Santé Vallée du Lot (PSVL) dresse un bilan quelque peu inquiétant de l’institution hospitalière. Mais qu’en est-il vraiment ? Les difficultés ne sont pas nouvelles pour le PSVL. Au fi l des ans, ce sont pas moins de 25 millions d’euros de dettes qui ont été accumulés, avec un déficit annuel oscillant généralement entre 5 et 7M€. Pour tenter de sortir de l’ornière, de gros efforts ont été entrepris. « L’objectif est de gérer en bon père de famille, d’entrer dans une ère d’efficience », commente Julien Lavialle, directeur adjoint, arrivé en 2022 pour s’occuper notamment des affaires financière, du contrôle de gestion et de la performance. Entre autres mesures, les comptes sont scrutés quotidiennement, les réorganisations sont nombreuses et les dossiers médicaux plus exhaustifs permettent une meilleure valorisation des prestations par l’Assurance maladie et les compagnies privées. « En réalité, la situation du PSVL n’est pas pire que l’an dernier, elle est même plutôt meilleure. L’activité médicale est très soutenue avec un bon niveau de recettes », note Bruno Chauvin. L’établissement récent avec de très beaux équipements et la possibilité d’exercer dans le privé comme le public demeure attractif pour le corps médical et peut même ouvrir de nouveaux services comme récemment l’unité de pathologies digestives forte de 14 lits. La partie privée, de son côté, se porte bien, avec un excédent budgétaire. L’hôpital villeneuvois nage ainsi en plein paradoxe. Tandis que le fonctionnement s’améliore, l’état financier empire…

Une exception qui n’en est plus une

Pendant longtemps, le PSVL était un cas un peu isolé, vivant sous perfusion de l’Agence régionale de santé. À grands renforts de deniers, le défi cit a pu être soulagé. Seulement voilà, de nombreuses autres structures ont récemment plongé dans le rouge. L’ARS Nouvelle-Aquitaine doit désormais répartir. « Pour l’exercice 2022, nous avions reçu une aide de 6,4 M€. Pour 2023, elle est tombée à 4 M€, révèle Julien Lavialle. C’est une baisse substantielle. À cela s’ajoute l’infl ation énergétique. La facture d’électricité a par exemple de augmenté de 750 000 €. Les revalorisations salariales accordées par l’Etat font aussi grimper les dépenses de personnel de 1,5 M€. L’Etat qui dans le même temps réclame le remboursement d’un trop-perçu à hauteur de 1,8 M€… »

Les salariés préservés, les fournisseurs mis à contribution

Tout cela, en plus de la forte dette, finit par peser lourd dans la balance et n’est pas sans conséquence sur le quotidien. Avec une trésorerie exsangue, l’administration du PSVL doit jouer les funambules. Au-delà de la poursuite des soins, la priorité numéro 1 est de payer tous les salariés, soit environ 1500 agents (entre les antennes de Villeneuve, Penne d’Agenais, Tournon et Fumel). Derrière, il faut malheureusement faire des choix, comme limiter le renouvellement de matériel quand ce n’est pas absolument nécessaire et puiser dans les stocks. Le PSVL a dû se résoudre dernièrement à ne pas s’acquitter des charges sociales. Les fournisseurs sont quant à eux payés au-delà des 200 jours. Afi n d’éviter que certains d’entre eux ne cessent de livrer, une politique s’est mise en place. « Nous essayons de hiérarchiser. Tout ce qui concerne les médicaments, le soin ou l’alimentation passe naturellement en premier. Nous priorisons aussi les prestataires locaux et plus particulièrement les plus fragiles. Il est préférable de faire attendre un peu plus ceux qui ont les reins plus solides », concèdent Bruno Chauvin et Julien Lavialle.

Pas de fermeture à l’ordre du jour

Que faut-il craindre à l’avenir ? En dépit des inquiétudes fortes et grandissantes à cause du manque de visibilité, les dirigeants ne souhaitent pas tomber une posture trop alarmiste : « Des fermetures de services ou d’établissements ne sont pas à l’ordre du jour. Le PSV répond à un besoin de santé sur un large territoire et ne devrait pas être abandonné par les pouvoirs publics. » Il faut néanmoins espérer que de nouveaux fonds soient rapidement débloqués sous peine de complications dans les prochains mois. Affaire à suivre…

Le CH Agen-Nérac pas tellement mieux lôti

Avec 10 M€ de déficit annuel pour un budget avoisinant les 210 M€, le Centre hospitalier d’Agen-Nérac (CHAN) est bien loin de son quasi-retour à l’équilibre obtenu par l’ancien directeur Didier Lafage et son équipe en 2019… « Les bouleversements de la crise covid se font encore sentir et mettent en exergue les limites du mode de financement de l’hôpital que nous devons, à mon sens, réinventer », souligne Jean-François Vinet, l’actuel directeur, en poste depuis le début le début de l’année. Les problèmes sont clairement identifiés : l’inflation énergétique, la non-compensation des revalorisations salariales et la difficile augmentation de l’activité malgré des personnels soignants plus nombreux qu’avant. Si le CHAN n’a pas encore sonné l’alerte comme le PSVL, la direction se fait tout de même des cheveux blancs. « Nous avons parfois du mal à respecter le délai légal du paiement des fournisseurs, autour des 50 jours. J’ai également songé au cours du premier semestre à différer les charges sociales », admet Jean-François Vinet.

Des menaces toujours présentes

En tant que délégué régional de la Fédération hospitalière de France, ce dernier est en contacts réguliers avec ses homologues de la Nouvelle-Aquitaine et constate les mêmes problèmes quasiment partout. « Même des établissements jugés très sains plongent dans le rouge. On a quelques marges de manœuvre mais on peut être sûrs d’une chose : les hôpitaux ne pourront pas s’en sortir seuls par eux-mêmes. Il y a de profonds changements à opérer au niveau national. » Jean-François Vinet estime que le maillage territorial actuellement en vigueur demeurera sanctuarisé. « Les centres hospitaliers ne pourront pas être abandonnés par les pouvoirs publics, ce n’est pas concevable. En revanche, il y a toujours le risque de voir des services fermer temporairement par manque de personnel, comme ce fut le cas aux urgences de Marmande. Cette menace-là n’est pas écartée. » Agen aurait par exemple bien besoin de renforts en pneumologie ou en néphrologie par exemple. La crise de l’hôpital est loin d’être terminée.

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