
« Notre réseau de bus est marginal. Il représente 4 % des déplacements. Nous devons le faire décoller. » D’entrée, Jean Dionis, président de l’Agglomération d’Agen et maire de la ville-centre, donne le ton. Lors du dernier conseil communautaire, jeudi 6 juin, l’ambition a été affichée clairement : accélérer la transition écologique par une refonte du réseau de transport. Adopté par 61 voix pour, 17 contre et 5 abstentions, ce nouveau plan acte plusieurs chantiers majeurs : réduction de l’empreinte carbone, développement du covoiturage, promotion du vélo… et surtout, réforme en profondeur du maillage bus. L’objectif est simple : augmenter la fréquence, passer la vitesse commerciale des bus de 15 à 22 km/h, et mieux desservir les zones d’emploi. Dès septembre 2026, sept lignes remplaceront les dix actuelles. Un contrat au coût annuel net de 10,7M€. Mais si l’axe technico-économique semble clair, la géographie, elle, se tend.
La première couronne monte au créneau
C’est un fait : plusieurs communes de la première couronne voient leur desserte directe amputée. Et leurs maires n’ont pas mâché leurs mots. À commencer par Francis Garcia, maire du Passage-d’Agen, visiblement piqué au vif par la disparition annoncée de la ligne 10. « On voudrait dissuader les Passageois de prendre le bus qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! », tonne-t-il. « Cette ligne irrigue Béoulaygues et Ganet, soit 1 500 foyers. Ce sont les quartiers les plus peuplés de ma commune. Et tout ça serait sacrifié sur l’autel de la vitesse commerciale ? » Un argument partagé par Laurence Lamy, maire de Bon-Encontre, qui ne décolère pas : « C’est une iniquité territoriale flagrante. Aujourd’hui, 24 % des Bon-Encontrais vivent à moins de 400 mètres d’un arrêt. Demain, ce sera à peine 7 %. Et encore, sans la ligne 2 qui traversait le cœur du bourg, l’un des plus gros pôles de fréquentation. Que reste-t-il ? »
Une mobilité plus rapide… mais à quel prix ?


En réponse aux critiques, Jean Dionis oppose une logique systémique. « On veut un réseau moderne, rapide, structurant. Les bus qui serpentaient dans tous les quartiers, ça ne fonctionne plus. Il faut des axes directs, des pôles d’échanges. » C’est là qu’intervient l’une des innovations de la réforme : le TSR, transport sur réservation. Une dizaine de minibus viendront chercher les usagers chez eux ou près de leur domicile pour les amener vers des pôles clés : hôpital, zones commerciales, gares. Un système plus flexible que le traditionnel transport à la demande. Mais le compromis ne convainc pas tout le monde. Pascale Luguet, maire de Boé, s’alarme surtout des points de rendez-vous imposés. « On va demander à des familles de déposer leurs enfants sur certaines des routes les plus accidentogènes de la commune ? »
Derrière le débat technique, une question plus politique s’esquisse : celle de l’équité entre communes urbaines et rurales. Si les petites communes pourront bénéficier du TSR, les zones urbaines moyennes comme Bon-Encontre ou Le Passage estiment être les grandes perdantes. « Nous avons fait des efforts sur le logement social, sur la densité, on nous avait promis une contrepartie en matière de services publics. Et là, on nous supprime des lignes structurantes », regrette Laurence Lamy. Même son de cloche du côté de Francis Garcia, qui parle de « choix politiques » contreproductifs : « En quoi priver de transport les zones les plus peuplées est-il un progrès ? »
Le pari risqué d’un changement de culture
Jean Dionis, lui, assume. Il rappelle que « l’agglo, ce sont 44 communes » et qu’il faut « cesser de croire qu’on pourra satisfaire tout le monde ». Et d’insister : « On veut une hausse de fréquentation de 2 % par an sur dix ans. Cela suppose un changement de culture, une nouvelle lisibilité du réseau, pas un patchwork illisible. » Mais la pédagogie suffira-t-elle ? Le nouveau plan, s’il veut convaincre au-delà des bancs du conseil, devra affronter le test du terrain. D’autant qu’à l’automne 2026, lorsque le nouveau réseau entrera en service, une autre échéance se profilera : celle des municipales. Et à en juger par les échanges musclés de ce conseil, le dossier des transports pourrait bien en être l’un des thèmes phares.
Kéolis reconduit à la tête du réseau
À l’issue d’un vote du conseil communautaire le 5 juin, l’Agglomération d’Agen a décidé de renouveler sa confiance à Kéolis pour la gestion de son réseau de transports publics. Déjà délégataire depuis plusieurs années, l’opérateur a été préféré à RATP Dev dans le cadre d’une nouvelle Délégation de Service Public d’une durée de dix ans, qui prendra effet en juillet 2025. Le choix s’est porté sur une offre dite « variante », mettant en avant la maîtrise des coûts tout en accompagnant les évolutions du réseau. Parmi les engagements pris : l’extension du Transport sur Réservation (TSR) à l’ensemble des 44 communes de l’Agglomération, une organisation pensée pour mieux répondre aux besoins, notamment en milieu rural ou en horaires décalés.
Le contrat comprend également un volet environnemental important. Kéolis prévoit un plan d’investissement permettant de faire circuler, d’ici 2029, au moins 80 % de véhicules fonctionnant au BioGNV sur le réseau qu’il exploite directement. Une orientation en cohérence avec les objectifs de transition énergétique portés par la collectivité, et qui aurait donc convaincu les élus.
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