Urgences d’Agen : l’ARS tente d’éteindre le début d’incendie

Contraint d'absorber une activité élargie, notamment à cause de fermetures régulières dans les établissements voisins, le service d'urgences d'Agen a lancé un ultimatum à sa direction et à l'ARS pour obtenir du renfort, des moyens et une rémunération à la hauteur de leurs efforts.

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L’état des lieux //

Au crépuscule d’un été marqué par de nombreux incendies, un feu menace le service des urgences du centre hospitalier Agen-Nérac (CHAN). Celui-ci n’est pas l’œuvre des flammes mais de la colère des soignants, à bout de force. Si la vie de l’hôpital n’est jamais un long fleuve tranquille, cette saison estivale a été particulièrement dure pour l’équipe agenaise. De manière structurelle, les urgences sont souvent amenées à pallier la désertification de la médecine de ville. D’un point de vue plus conjoncturel, le CHAN a subi un afflux de patients causé notamment par les fermetures répétées des urgences de la clinique Esquirol Saint-Hilaire, d’Auch et du SMUR de Moissac. Pour mesurer à quel point la situation locale est critique, ce cas agenais a été pris en exemple par les deux grands syndicats d’urgentistes : SUdF et l’AMUF. Dans un communiqué, ces organisations expliquent que le service est « au bord de la rupture ». « Rien que cet été, ce sont 5700 heures de TTA (ndlr, temps de travail additionnel) qui ont été nécessaires pour assurer la continuité des soins sur le territoire. En guise de remerciement pour ces efforts consentis, le doublement du forfait de TTA initialement convenu a été supprimé. Cette décision survient alors même que l’offre d’urgence du secteur est dégradée, ce qui accentue encore la surcharge de l’équipe des urgences du CH d’Agen. Certains cumulent plus de 250 heures extra-supplémentaires et sont épuisés. » En conséquence, le SAMU 47, le SMUR et les urgences du CHAN ont menacé de fermeture si leur direction n’était pas en mesure d’apporter des réponses rapides. Les syndicats, eux, se disent solidaires et apportent leur soutien à « tous ceux qui décideront de ne plus être volontaires pour travailler dans des conditions dégradantes et non conformes ».

Un constat partagé par l’ARS //

Le directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, Benoît Elleboode, s’est rendu sur site mardi 26 et vendredi 29 août pour tenter de répondre aux soignants. En premier lieu, il souligne les efforts réalisés : « Aujourd’hui, si le service d’urgences a tenu c’est parce que les urgentistes étaient volontaires pour faire du temps additionnel au-delà des obligations parfois légales de temps de travail. » Une fois cela dit, Benoît Elleboode tente d’analyser les causes du problème. Dans une anaphore, il énumère toute une série de points qui font dérailler le système et impactent directement les soignants. « Ils sont à l’os parce qu’ils ont parfois besoin de plus de ressources pour travailler. Ils sont à l’os parce qu’ils ont des contrariétés au quotidien dans leur exercice, parce qu’on n’a pas anticipé la fermeture d’autres services d’urgence annoncés parfois à la dernière minute. Ils sont à l’os parce que des fois ils ont des contrariétés d’utilisation de systèmes d’information, de manque d’équipements qui leur sont indispensables et qui leur faciliteraient les choses. Ils sont à l’os aussi parce qu’ils ont besoin de recruter du fait de ne pas être assez nombreux. »

Quelles solutions à court terme ? //

L’empathie, c’est bien, mais cela ne soulage pas le fardeau pour autant. L’ARS Nouvelle-Aquitaine avance donc une première série de mesures concrètes. « En attendant que l’on puisse discuter avec la région Occitanie, puisque les urgentistes d’Agen font la régulation du SAMU du Gers la nuit, j’ai décidé de financer pendant six mois une ligne complémentaire d’assistante de régulation médicale », indique Benoît Elleboode. Et de poursuivre : « On a aussi pris des décisions s’agissant des jours où la clinique ferme. Il y aura à ce moment-là un urgentiste à la régulation, une infirmière et une aide-soignante de plus dans le service pour faire face à l’augmentation d’activité. »

Quid de la rémunération ? //

L’un des points importants soulevés par les syndicats concerne la rémunération. Si le recours à l’intérim tend à disparaître au vu des émoluments faramineux demandés par certains, les urgentistes salariés n’ont pas gagné au change. Le temps de travail additionnel est rémunéré sur une base forfaitaire inférieure à la rémunération horaire « de base ». Le doublement de ce forfait n’est plus à l’ordre du jour. « On a fait des efforts pour que les rémunérations des urgentistes, tout en étant légales, puissent être au maximum de ce qui était possible au vu des efforts et notamment de temps supplémentaires qu’ils font. » Satisfaisant ? Probablement pas, mais l’ARS refuse de dépasser les plafonds fixés par la loi, dépassements qui seraient, en cas de contrôle, redressés.

À plus long terme ? //

La question de l’attractivité est centrale. Benoît Elleboode affirme que, contrairement à d’autres établissements, le CHAN a la chance d’avoir « une équipe très soudée ». Un atout pour attirer de nouveaux praticiens que l’ARS souhaite accompagner d’un petit bonus financier. « On a discuté d’autres solutions, notamment de moyens légaux de valoriser des jeunes urgentistes qui viendraient s’engager au centre hospitalier d’Agen avec des primes d’engagement quand ils viennent travailler. » D’autres sujets sont sur la table, comme le « projet architectural » des urgences qui doit tenir compte tant des besoins d’espace pour les patients que de locaux tertiaires, de nouvelles chambres de garde pour que les urgentistes et les internes puissent dormir pendant leur garde. L’informatique s’ajoute à la liste avec « l’objectif d’avoir des systèmes d’information qui leur facilitent la tâche » au lieu de la ralentir. Enfin, une organisation interne revue dans l’établissement « pour faciliter le flux des patients ». L’ARS veut par ailleurs faciliter la possibilité pour les généralistes d’exercer aux urgences par la VAE ou le deuxième diplôme.

Vers des fermetures contrôlées ? //

Si les fermetures d’urgences sont actuellement subies, souvent du jour au lendemain, l’ARS n’exclut pas de prévenir ce problème en procédant à une répartition différente. « Il faut éviter d’avoir des urgentistes sur des lignes dans la région où il n’y a pas de charge de travail correspondante. Il est plus pertinent que ces urgentistes aillent plutôt là où leur présence est vraiment nécessaire. » Cela impliquera-t-il des fermetures ponctuelles de services ici et là pour mieux renforcer les points chauds ? Affaire à suivre.

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