Agen : voyage au centre du réseau de chaleur urbain

Après dix ans de réflexion et dix-huit mois de travaux, le réseau de chaleur urbain d’Agen entre en service. Une révolution silencieuse, qui transforme les déchets du quotidien en énergie propre et locale.

0 Shares

Sous un soleil d’automne, élus, techniciens et partenaires se sont retrouvés le 28 octobre dernier sur le site de la Sogad, au Passage-d’Agen. L’ambiance était à la fierté : celle d’un territoire qui, après des années de gestation, voit enfin son réseau de chaleur urbain (RCU) prendre vie. « C’est un projet qui nous engage durablement, à la fois sur le plan écologique et économique », a déclaré Jean Dionis du Séjour, président de l’Agglomération d’Agen, devant un public attentif. Un projet, aussi, qui aura donné lieu à près de 16 kilomètres de tranchées dans les rues de la ville, reliant les principaux sites consommateurs d’énergie à un circuit de chaleur désormais à 84 % renouvelable.

« De la chaleur fatale à la chaleur vitale »

Le circuit du RCU.©Carte Agglomération d’Agen

Au cœur du dispositif : la valorisation énergétique des déchets ménagers. Pour comprendre, l’usine d’incinération Sogad, transformée en unité de production, fournit à elle seule près des deux tiers de l’énergie du réseau. À quelques centaines de mètres, l’usine d’équarrissage Atemax viendra compléter l’apport avec la récupération de la chaleur issue de ses process industriels. « L’idée, c’est de ne plus laisser s’échapper cette énergie perdue, mais de la réinjecter dans la vie du territoire », résume Patrick Buisson, vice-président de l’Agglomération en charge de la transition écologique. Le résultat est une eau portée à plus de 90 °C circulant sous la ville, avant de revenir à 70 °C vers la centrale pour être à nouveau chauffée. Une chaufferie de secours, installée près des serres municipales et alimentée en biogaz issu du méthaniseur d’Astaffort, garantit la continuité du service en cas de maintenance ou de forte demande hivernale.

Un chantier colossal

Commencé en avril 2024, le chantier du RCU a nécessité 18 mois de travaux et une coordination millimétrée. À son terme, 79 bâtiments publics, privés et résidentiels seront alimentés, représentant l’équivalent de 4 000 logements. Parmi eux : l’entreprise UPSA, les serres municipales, la piscine Aquasud ou encore plusieurs lycées et immeubles sociaux. Chaque année, ce réseau évitera 7 400 tonnes de CO₂, soit 3 500 voitures en moins sur les routes. Et pour les abonnés, la promesse est aussi économique : jusqu’à 30 % de réduction sur les factures de chauffage, « grâce à la stabilité des coûts et au taux réduit de TVA réservé aux énergies renouvelables. »

Le réseau est exploité par la société Idex, dans le cadre d’une délégation de service public (DSP) de 24 ans. L’entreprise a investi près de 24 millions d’euros, avec un soutien financier de l’Ademe et des Certificats d’économies d’énergie (CEE), pour un coût total estimé à plus de 40 millions d’euros à terme. « C’est un partenariat gagnant-gagnant », estime Jean Dionis. Le réseau d’Agen s’inscrit ainsi dans le Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET) de l’Agglomération, qui vise à réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et de 75 % d’ici 2050.

Pour Patrick Buisson, ce réseau est un « levier majeur » de la politique énergétique locale. « Nous avons réussi à transformer une contrainte (nos déchets), en ressource. Le RCU, c’est le symbole d’une écologie de solutions. » Et déjà, l’avenir s’écrit : l’extension du réseau vers le site agroalimentaire Gozoki, qui pourrait ajouter 11 GWh supplémentaires à la production annuelle, est à l’étude.


Le RCU depuis le cœur du système //

Les installations du Réseau à la source.

Sous les rues d’Agen, un véritable système sanguin s’active. L’eau, chauffée à plus de 100 °C par la combustion des déchets à la Sogad, circule dans un réseau de tuyaux double flux : un aller pour l’eau chaude, un retour pour l’eau refroidie. La pression, la température et la qualité de l’eau sont surveillées en continu depuis un poste de contrôle central. L’eau est déminéralisée pour protéger les conduits, tandis qu’une tour aérienne de 21 mètres condense la vapeur et récupère la chaleur latente. Au total, 850 m³ d’eau circulent dans ces canalisations. En cas de panne ou de pic de consommation, la chaufferie de secours, alimentée au biométhane, prend le relais. Le tout est géré par Agen Chaleur Urbaine, filiale locale d’Idex. Une prouesse technique discrète mais décisive, qui fait de la chaleur un bien commun, circulant sous les pas des Agenais. Avec ce réseau de chaleur urbain, Agen rejoint la liste des plus de 1000 communes françaises pionnières en matière de chaleur renouvelable.

Le RCU en bref //

  • 18 mois de travaux (avril 2024 – novembre 2025)
  • 15,8 km de réseaux à travers Agen et Le Passage
  • 79 bâtiments raccordés à terme, dont UPSA, Aquasud, lycées et logements sociaux
  • 84 % d’énergie renouvelable (Sogad 62 %, Atemax 22 %, biogaz 16 %)
  • 41 GWh d’énergie livrée par an
  • 7 400 tonnes de CO₂ évitées chaque année
  • 23,9 M€ d’investissement initial (jusqu’à 43 M€ à terme)
  • TVA réduite et 30 % d’économies sur les factures de chauffage
  • Durée de la DSP : 24 ans

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

+ 12 = 14