Santé : en Lot-et-Garonne, un foisonnement de dispositifs pour ramener de la proximité médicale

Entre aides massives, nouvelles infrastructures et dispositifs nomades, collectivités et acteurs de santé déploient un arsenal pour lutter contre la désertification médicale et rapprocher les soins des habitants.

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Dans le Villeneuvois //

L’accès aux soins s’annonce indubitablement comme l’un des grands enjeux des prochaines élections municipales. Bien qu’il s’agisse d’une compétence régalienne de l’État, les collectivités locales et les candidats qui aspirent à les diriger en font leur cheval de bataille. La Communauté d’agglomération du Grand Villeneuvois (CAGV) n’a pas attendu le scrutin du mois de mars 2026 pour annoncer une série de mesures destinées à créer un « choc d’attractivité ». « On aurait pu attendre les élections pour en faire un programme de campagne mais on a préféré entamer le travail dès maintenant », glisse le vice-président. Pierre-Jean Pudal, maire de Sainte-Livrade et médecin généraliste de son état. « Un peu tard », disent les membres de l’opposition menée par Yvon Ventadoux, médecin lui aussi, qui dénoncent « six ans de silence » sur le sujet et doutent de la « sincérité » de la démarche. Pour se forger un avis, il faut se plonger dans le contenu des quinze délibérations votées jeudi 27 novembre en conseil communautaire.

À défaut d’avoir une solution miracle sous la main, sinon la désertification médicale ne serait plus un problème en France, la Communauté d’agglomération mise sur une multitude d’actions coordonnées. Elles répondent à trois grands objectifs énumérés par le président Gérard Régnier : « l’accueil de nouveaux médecins par le biais d’aides directes ou indirectes ; le renforcement des infrastructures médicales fixes ou mobiles ; le développement d’actions dédiées à la santé publique par des partenariats renforcés ».

Les aides financières et fiscales //

Pour un médecin qui a le choix entre pléthore de destinations, le volet financier devient un élément déterminant. La CAGV n’en fait pas un tabou et assume la décision de réduire drastiquement les coûts d’installation avec les mesures suivantes :

– Exonération totale de la Cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les médecins s’installant sur le territoire de la CAGV pendant 5 ans

– Aide à l’installation jusqu’à 50 000 €, versée sur plusieurs années et définie selon le profil du praticien

– Prêt à taux zéro jusqu’à 30 000 € par médecin pour faciliter la création, la reprise ou le développement d’un cabinet

– Garantie d’emprunt jusqu’à 50% du montant sollicité auprès des banques

– Exonération totale de loyer au sein des MSP gérées par l’Agglo pendant un an pour les nouveaux médecins et 3 mois pour les autres professionnels de santé

La possibilité d’accueillir des médecins salariés //

C’est l’une des tendances du moment. De plus en plus de médecins souhaitent, pour des raisons personnelles, s’affranchir de l’exercice libéral et de ses contraintes pour un emploi salarié. À la clé, entre autres choses : une rémunération fixe, des congés payés et parentaux, des horaires encadrés… Cependant, la CAGV ne souhaite pas devenir employeur. « Cela revient à embaucher des cadres avec des rémunérations importantes pendant qu’on impose aux autres agents publics beaucoup plus de rigueur. La différence de poids est trop déséquilibrée », estime Pierre-Jean Pudal. L’alternative vient donc ici d’une association baptisée Aqodi. Celle-ci est présente dans plusieurs villes de France avec des centres de santé, dont un laboratoire du sommeil au PSVL. Le projet est d’en ouvrir un avec des généralistes secteur 1 à la MSP des Haras.

De nouvelles infrastructures //

Accueillir de nouveaux médecins, cela implique de nouveaux espaces de consultation. Cela commence avec une extension de la MSP des Haras où vont être créés huit cabinets supplémentaires et un plateau technique commun dans l’ancien pôle équithérapie de 366 m2 pour un budget de 624 000 €. D’autres maisons de santé pluriprofessionnelles pourraient voir le jour, à Sainte-Livrade notamment, pour compléter celles de Villeneuve, Casseneuil et Laroque-Timbaut.

En attendant que la population médicale retrouve un niveau suffisant, la collectivité souhaite poursuivre l’implantation des cabines de téléconsultation, en particulier dans les communes les moins bien dotées. Afin de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à ces cabines ou aux pôles de santé existants, le transport à la demande sera renforcé. Et quand ce ne sont pas les habitants qui vont aux soins, ce sont les soins qui s’invitent chez les habitants avec une téléconsultation mobile en cours d’étude.

L’arrivée attendue des « docteurs juniors » //

Un nouveau statut fait son apparition dans le monde de la santé, celui de docteur junior. Il s’intercale entre l’interne et le médecin de plein exercice. Comme son intitulé l’indique, le docteur junior a soutenu sa thèse et possède la plupart des compétences de sa spécialité, mais il reste cependant en cours de formation. Il peut travailler avec une certaine autonomie et réaliser des actes seuls : consulter, faire des gestes techniques, opérer, partager des gardes… La CAGV compte dessus pour doper ses effectifs. La Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Visiosanté 47 forme depuis 2021 des maîtres de stage universitaires. Le Grand Villeneuvois et ses alentours comptent à ce jour 11 tuteurs potentiels. « Ce sont les stages et les remplacements qui permettent l’installation des jeunes. Sans mes passages à Villeneuve, une expérience que j’ai aimée, je ne me serais jamais installé à Sainte-Livrade », révèle Pierre-Jean Pudal qui, au gré de ses études à Bordeaux, a pu fréquenter d’autres secteurs géographiques supposés plus attractifs comme le bassin d’Arcachon.

Plus de prévention et de coordination //

La CAGV, par le biais d’une convention avec l’Assurance maladie, veut faciliter l’accès gratuit à un bilan de santé complet pour ses administrés en réservant des créneaux et en organisant le transport vers le Centre d’examen de prévention de santé de Boé. Elle prévoit aussi d’adhérer à la charte d’engagement du Programme national nutrition santé. Enfin, elle se veut moteur dans la coordination des professionnels de santé locaux pour mieux organiser les échanges interprofessionnels et donc, par extension, le parcours patient.

Dans le reste du département //

Le MédicoBus //

Le MédicoBus, ici à Caudecoste. ©Ville Caudecoste

Dans les villages ruraux, le MédicoBus a déjà bouleversé les habitudes. Lors de sa première sortie officielle, à Beauville, Fals et Sauvagnas, les équipes de la CPTS ont vu affluer une quinzaine de personnes, dont« certains n’avaient pas vu de médecin depuis cinq ans ». Ce véhicule, décrit par ses concepteurs comme « un cabinet médical roulant », embarque un médecin et un infirmier, épaulés par une équipe de coordination. Le dispositif repose sur des praticiens volontaires, notamment des retraités, mobilisés« à hauteur de un à deux jours par trimestre », afin d’assurer consultations, renouvellements d’ordonnances ou dépistages. Particularité notable : le MédicoBus ne laisse jamais un patient seul face à un écran. « Les patients, même en téléconsultation, auront toujours un professionnel de santé avec eux », rappelait le docteur Benoît Bourre, président de Hocoia, la société qui a conçu le bus. L’objectif est clair : éviter toute rupture du parcours médical. Et le service doit rapidement monter en puissance, puisque la CPTS envisage « 85 créneaux de consultations et téléconsultations avancées sur cinq jours par semaine ». Ce fameux bus aménagé se transforme par ailleurs une fois par mois en Gynécobus dans le Val de Guyenne, selon un calendrier établi avec les communes et les professionnels de santé, accessible via les informations diffusées par la CPTS Val de Guyenne.

Pour prendre rendez-vous, un calendrier est ouvert en ligne : https://calendly.com/medicobus47.

Téléconsultations ophtalmologiques //

La filière ophtalmologique, particulièrement sous tension, a connu ces derniers mois plusieurs innovations. Au Passage-d’Agen, la boutique Optical Center s’est dotée d’une salle dédiée à la télé-expertise Lyleoo, couplée à une intelligence artificielle. L’objectif : libérer du temps médical pour les pathologies sérieuses, tout en rendant plus accessible la vérification de la vue. Pas loin de là, à Agen, le centre Écouter Voir a inauguré une cabine similaire et assume largement l’innovation : « On est les premiers sur Agen à proposer la téléconsultation ophtalmologique directement en magasin », souligne son responsable Aurélien Redon. Le circuit complet, prise de mesures, fond d’œil à distance, validation par un ophtalmologiste, ne prend qu’« environ 40 minutes », alors qu’Agen connaît actuellement « 9 à 12 mois de délai » pour un simple fond d’œil. Les patients peuvent venir avec ou sans rendez-vous au sein des centres équipés.

“Un médecin près de chez vous” //

Dans le Fumélois, l’ARS et la Communauté de communes ont mis en place le dispositif« Un médecin près de chez vous », qui permet à des généralistes volontaires, installés ailleurs, d’assurer ponctuellement des consultations à la Maison de Santé de Fumel. Les premières sessions ont été très suivies : « On a vu des patients venir de l’extérieur du bassin fumélois et même un touriste. C’est dire le niveau du besoin », observe Didier Caminade, président de la communauté de communes. Ici, nul besoin d’avoir un médecin traitant : les consultations sont ouvertes à tous, dans un territoire où l’accès aux soins demeure extrêmement tendu. Les prochaines dates sont communiquées par la Communauté de communes Fumel Vallée du Lot et par l’ARS Nouvelle-Aquitaine. A noter que le même dispositif existe depuis l’été au Mas-d’Agenais.

“Bienvenue Docteur !” //

Face à une démographie médicale en chute libre, le département a vu « ses effectifs de médecins généralistes chuter de 15 % » en cinq ans, le Conseil départemental a lancé il y a un an la plateforme « Bienvenue Docteur ! ». Pensée comme un outil d’attractivité, elle centralise aides, démarches administratives, recherche de logement ou encore emploi du conjoint. Une démarche présentée à l’époque comme « un guichet unique » par Annie Messina, conseillère départementale et pilote du projet. Le dispositif traite déjà une variété de situations, puisque la plateforme avait enregistré « 25 demandes, des problématiques de logement au renouvellement d’un titre de séjour pour un médecin haïtien » avant même son lancement officiel. Elle s’adresse aussi aux internes et futurs docteurs juniors, avec l’ambition de faciliter leur arrivée sur les territoires les plus tendus. Les demandes d’accompagnement peuvent être adressées directement au Conseil départemental, via la Coddem et les services dédiés à la démographie médicale.

Les bornes de téléconsultation Medadom* en Lot-et-Garonne //

• 6 bornes dédiées à la téléconsultation ophtalmologique
• 44 bornes permettant une consultation avec un médecin généraliste

*L’ensemble des établissements équipés d’une borne Medadom en Lot-et-Garonne est consultable sur le site de la plateforme.

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