Immobilier : Les défis de la préservation et de la rénovation du patrimoine agenais

Entre tradition et modernité, la rénovation des bâtiments historiques d’Agen révèle de nombreux défis. Héritage d’un passé riche, ces édifices nécessitent des interventions complexes pour les préserver. Face à ces impératifs, propriétaires et spécialistes soulignent l’importance de faire ses rénovations dans les règles de l’art.

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La rénovation du patrimoine architectural est un sujet crucial dans le paysage urbain d’une ville. Agen, dont l’urbanisme remonte à la protohistoire, a conservé des traces de chaque époque de son histoire. Les récents travaux effectués sur la place des Laitiers, la rue de la Grande Horloge, les Cornières et d’autres nombreux immeubles ont mis en lumière les enjeux et les difficultés liés à la rénovation des bâtiments anciens.

Un patrimoine architectural à la croisée des époques

« Agen est une ville dont l’histoire urbaine est marquée par plusieurs grandes périodes. Si son urbanisme a commencé à se structurer à l’époque romaine, c’est au fil des siècles, à travers des phases de destruction et de reconstruction, que son architecture a pris la forme que nous connaissons aujourd’hui », explique Jean-Luc Piat, intervenu sur la ville d’Agen en tant que membre d’un projet collectif de recherche, animé par l’Académie d’Agen et la société Eveha, dirigée par l’Université de Bordeaux par le biais de sa directrice Sandrine Lavaud.

« Cependant, les siècles ont laissé des traces plus visibles à partir du Moyen Âge. Dès le XIe siècle, on voit apparaître des maisons de style roman, qui témoignent de la prospérité de certains quartiers résidentiels, probablement habités par des familles nobles ou marchandes. Ces constructions, largement remodelées aux XIIIe et XIVe siècles, illustrent un moment de prospérité économique, alors que la ville se développait autour de foires et de marchés. Un exemple notable de cette période est la rue des Cornières, reconstruite après un incendie et bordée de maisons à pans de bois. »

Les périodes suivantes ont vu des transformations radicales, notamment après la guerre de Cent Ans. « Les constructions à pans de bois sont devenues une solution économique pour reconstruire la ville », poursuit Jean-Luc Piat. Ces bâtiments, bien que robustes, ont aujourd’hui besoin de soins particuliers.

La nécessité de la rénovation et ses enjeux

L’architecture vieillissante nécessite aujourd’hui d’être reprise en main. La rénovation est essentielle pour la préservation des immeubles et pour garantir la sécurité des habitants. De nombreux bâtiments historiques d’Agen sont dans un état d’usure avancée, notamment à cause du temps, des travaux réalisés, des usages inappropriés et du manque d’entretien des toitures. « Il n’est pas rare qu’un bien, qui semble correct à la première visite, soit en réalité dégradé, sous les strates et épaisseurs que l’on découvre au fur et à mesure du curage », avertit Peggy Vandeputte, maître d’ouvrage en rénovation, à la tête de Signature Immo&Réno. « L’exemple le plus courant : parquet flottant sur ragréage, sur plancher renivelé, sur tomette, sur lit de sable, sur plancher biologiquement dégradé. »

« L’un des problèmes majeurs est que, dans de nombreux cas, les travaux de réaménagement effectués au fil du temps ont été réalisés sans une véritable compréhension des modes constructifs en place ». Thierry Valcarenghi, ingénieur au bureau d’étude Zani Ingénierie Béton, souligne que ce problème existe depuis longtemps, avec un certain nombre d’édifices qui sont à la limite du péril. Il note : « il y a la nécessité de vérifier avant tout ! D’étudier et d’effectuer des travaux lourds, dans les règles de l’art, sur certains immeubles. Il faut en prendre conscience, sinon c’est un problème qui persistera. » Ce constat est particulièrement alarmant dans les zones où des transformations pour des commerces peuvent profondément impacter la structure des bâtiments. « Si l’on ne va pas chercher derrière les cloisons, on ne peut pas savoir ce qu’il se passe réellement structurellement pour le bâtiment. Durant des années, au fil des réaménagements, on a cassé des cloisons sans tenir compte de la descente de charge utile à ce type de bâti ancien », poursuit l’ingénieur.

Le curage des bâtiments : une déconstruction préalable

Avant toute rénovation de ce type de biens, il faut procéder au curage des bâtiments, c’est-à-dire à une déconstruction minutieuse pour comprendre l’état réel des structures. Yannick Pannisard, maçon, explique que cette étape est essentielle : « Il ne s’agit pas de démolition à la pelle mécanique, mais d’un travail manuel qui permet de découvrir la base, les faiblesses cachées des bâtiments, de les sécuriser immédiatement si nécessaire. » Il ajoute que le curage nécessite réflexion, préparation et organisation, qui s’anticipe en coordination dès la phase d’étude du projet. Il faut prendre en compte la sécurité des exécutants, des usagers et des passants, tout en minimisant au maximum les impacts sur la vie quotidienne d’un lieu. Pas facile en centre-ville !

Adaptation aux normes et modes de vie modernes

Un autre défi majeur dans la rénovation des bâtiments anciens est l’adaptation aux normes, aux réglementations et aux modes de vie actuels et à venir. « Il ne suffit pas de s’adapter à l’existant ». Il faut également s’acquitter des obligations réglementaires, telles que la gestion des matériaux contenant de l’amiante ou du plomb, et répondre aux normes de sécurité incendie. Il est aussi nécessaire de prendre en considération nos besoins actuels, tels que l’isolation thermique et acoustique, la fonctionnalité et l’esthétique.

Pour revenir au désamiantage, il est obligatoire de réaliser un diagnostic avant travaux ou avant démolition, un diagnostic pour vente n’est pas suffisant. Quand le désamiantage est nécessaire, il est important de rappeler que le mode opératoire de dépose, transport et traitement des déchets doit correspondre aux normes et être réalisé par des entreprises spécialisées. C’est une obligation qui alourdit le coût des travaux et doit être prise en compte dans l’enveloppe du projet.

Un investissement à long terme

La rénovation des bâtiments anciens nécessite des travaux lourds et coûteux. Cela fait grimper le prix du marché immobilier. C’est exact ! « Mais il faut comparer ce qui est comparable. Le prix d’un bien totalement réhabilité structurellement, qui correspond à nos critères actuels et qui peut prétendre repartir pour des décennies sans nécessiter de travaux importants, n’est pas comparable avec du réaménagement, du réagencement ou de la rénovation esthétique, qui va durer 10 à 15 ans. C’est le même principe que quand vous achetez une voiture quasi neuve et une occasion : le prix n’est pas le même. Pourquoi serait-ce différent dans l’immobilier ? » « C’est un débat que j’aborde régulièrement avec les agents immobiliers. »

« L’important aujourd’hui, c’est que les acquéreurs et/ou les propriétaires soient suffisamment informés pour faire un choix judicieux en fonction des risques, de leurs finances et de leurs sensibilités. » Lille, Toulouse, Marseille… La rénovation des immeubles anciens dans des villes historiques est un défi complexe, mais essentiel pour la préservation du patrimoine architectural et la revitalisation des centres-villes. La rénovation des immeubles engendre un potentiel de logements accru, sur des étages souvent inoccupés. Plus de logements apportent plus de vie, plus d’habitants et plus de consommateurs pour les commerces des centres-villes.

Le rôle des propriétaires et des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics n’ont pas d’emprise, de responsabilités financières ou de pouvoir de décision sur des biens privés. La responsabilité incombe aux propriétaires. En cas de suspicion de danger, la mairie peut saisir le juge du tribunal afin de missionner un expert, qui décidera si oui ou non il y a danger, si oui ou non il y a « péril », imminent ou ordinaire.

En cas de péril, à Agen comme dans de nombreuses autres villes historiques, ce sont les propriétaires qui doivent assumer l’intégralité des coûts liés aux travaux. « Tous les frais sont à la charge exclusive des propriétaires (quand on dit « dus », cela correspond juridiquement à « imposés »). Les propriétaires sont pleinement responsables de l’état de leurs bâtiments, qu’ils en soient conscients depuis peu ou depuis longtemps. » « Aucune assurance, à ma connaissance, n’a pris en charge les réparations d’un bien placé en péril. »

« Cela n’arrive pas qu’aux autres »

« Heureusement, tous les biens ne nécessitent pas forcément une rénovation complète. Cependant, ces trois dernières années, nous sommes régulièrement intervenus en urgence pour éteindre des feux. Être porteurs de mauvaises nouvelles n’est pas des plus agréables », explique Thierry Valcarenghi. « Nous espérons qu’avec de l’anticipation et de la prévention, les choses peuvent évoluer. »

« C’est l’objectif d’en parler », précise Peggy Vandeputte. « Je pense que la place des Laitiers a permis à de nombreuses personnes d’être plus vigilantes, plus à l’écoute et conscientes des dangers, de se dire « ça n’arrive pas qu’aux autres ». »

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