Quidam l’Hebdo : Vous avez pris la présidence de l’Union des commerçants et artisans d’Agen (UCAA) en juin dernier. Quel bilan dressez-vous de ces six premiers mois ?
Sylvain Dabos : J’en retire tout d’abord que cela permet de grandir à titre personnel. Quand on est commerçant, on est souvent dans notre bulle de chef d’entreprise, un peu seul, un peu enfermé. Le fait d’être à l’Union des commerçants, et notamment pour moi à la présidence depuis le mois de juin, nous pousse à la confrontation d’idées, à des échanges plus conséquents pour regarder les difficultés et comprendre comment on pourrait faire mieux. Plus on sera soudés, plus on arrivera à trouver des solutions tous ensemble.
Q. H. : Comment trouvez-vous la cohésion des commerçants au sein de l’UCAA ?
S. D. : Elle est partagée. Elle refl ète la vie sociale actuelle. On a plein de tempéraments diff érents, on n’est pas tous égaux. C’est donc d’autant plus important de pouvoir œuvrer collectivement, avec de l’empathie pour comprendre les soucis de chacun.
Q. H. : Le contexte n’est pas évident pour les commerçants de centre-ville. Comment l’expliquez-vous ?
S. D. : En réalité, le contexte n’est pas évident pour tout le monde et pas seulement en centre-ville. On entend parfois que tout est mieux en zone. Ce n’est pas plus facile du tout et je suis bien placé pour en parler puisque j’ai les deux activités. Je ne trouve pas qu’en zone ce soit le paradis. à tel point que j’ai même décidé de quitter Boé pour me concentrer uniquement sur le magasin de la place des Laitiers. Plus globalement, je pense qu’il ne faut pas opposer les deux clans. Et puis je pense que les centres-villes de nos villes moyennes ont de beaux jours devant eux. La saturation des métropoles comme Toulouse et Bordeaux attirera des gens et fera la promotion économique du territoire. Des bassins d’emploi comme l’Agropole ou le TAG nous amènent du monde.
Q. H. : Malgré ces atouts, qu’est-ce qui fait que ça a un peu de mal à fonctionner ?
S. D. : On est dans une période de transition, avec des incertitudes. On le voit au niveau politique. Il faut faire évoluer les modèles et notamment dans le textile qui est plus touché. On ne peut plus se contenter de mettre les collections en vitrine et attendre que le client arrive. ça ne fonctionnera plus. Il faut marquer la différence avec ce qu’on trouve sur internet, proposer quelque chose de plus personnalisé, créer plus de contact.
Q. H. : C’est aussi l’objectif de la montée en gamme que vous appelez de vos vœux ?
S. D. : Le commerce doit refléter la démographie socio-économique de la ville, bien entendu. Mais je pense aussi qu’aujourd’hui les gens veulent consommer moins et mieux. Les objets déco ou textile un peu «cheap» (bas de gamme en anglais, NDLR), presque jetables, c’est en train de s’essouffler au profit de produits plus qualitatifs, plus élégants et qui resteront.
Q. H. : À l’approche de Noël, comment jugez-vous la dynamique de cette fi n d’année ?
S. D. : Le Black Friday semble avoir bien fonctionné d’après les échos que j’ai. Mais ce n’est pas chic pour autant car cela signifie que l’on vend avec des marges très faibles. Sans un bénéfice suffisant pour pouvoir rebondir, pas sûr que nous puissions pérenniser nos boutiques. On doit composer avec une activité fluctuante d’une semaine à l’autre.
Q. H. : Comment remédier à cela ?
S. D. : Je reste persuadé que l’animation est la clé. Certes, la dernière édition de la course à pied TACAN (Tout Agen court à Noël, NDLR) a fait beaucoup parler car elle a rendu le centre-ville difficilement accessible à la mauvaise date. Si on arrive à s’entendre tous ensemble, je pense que ce genre d’événements est susceptible de faire revenir le monde. Le stationnement et l’accessibilité sont bien sûr un sujet. Cependant, le Black Friday a montré que les gens pouvaient se déplacer malgré des capacités de stationnement identiques. Pareil à Halloween.
Q. H. : Pour que les animations fonctionnent, tout le monde doit jouer le jeu. Est-bien le cas ?
S. D. : À nous de démontrer à chaque commerçant qu’il y gagnera au final. Tout le monde ne partage pas mon point de vue et heureusement. Chacun doit rester libre de ses opinions et de ses actions. Je constate quand même une bonne réceptivité. On peut se rassembler, j’en suis convaincu.
Q. H. : Le commerçant est-il râleur par nature ?
S. D. : Je ne dirais pas qu’il est râleur. Il rencontre des difficultés, il fait face à une pression importante. C’est un métier où il faut investir, prendre des risques, mouiller le maillot face à des grandes groupes et distributeurs qui ne nous rendent pas la vie facile. Ça peut jouer sur le tempérament mais c’est parfaitement humain.
Q. H. : Le prix des loyers en centre-ville est-il un frein important ?
S. D. : Beaucoup de commerces sont détenus par des foncières d’entreprise, basée à Paris ou ailleurs. Parfois ce sont d’anciens commerçants locaux qui ont connu les années fastes. Et c’est un problème car beaucoup de loyers pratiqués aujourd’hui ne sont plus adaptés par rapport à la rentabilité réelle de nos affaires. Cela engendre beaucoup de surfaces vides. Je pense néanmoins que cela va se résoudre naturellement avec le temps. Les propriétaires-bailleurs vont bien constater que les locaux sont vides et ils risquent d’être d’autant plus pénalisés par les taxes sur la vacance.
Q. H. : Quel est votre pronostic pour l’année 2025 ?
S. D. : Ce ne sera pas une année simple, on ne va pas se le cacher. J’espère donc que l’on parviendra collectivement à avancer dans la même direction. Je mise sur des contacts plus humains et authentiques, moins réseaux sociaux et internet. Notre centre-ville doit avoir une convivialité propre, vivre tout simplement. Il ne faut pas attendre notre salut dans les grandes enseignes mais au contraire du côté des indépendants attachés à leur territoire. Ce seront eux les locomotives de demain. Au vu des signaux économiques, l’horizon à moyen terme ne me semble pas si noir que ça !
Vers une installation dans une bâtisse historique ?
Quand Sylvain Dabos explique qu’il croit dans le potentiel du centre-ville, il ne fait pas de la langue de bois. Selon nos informations, non confi rmées à cette heure par l’intéressé, il pourrait prochainement investir l’une des bâtisses les plus prestigieuses du cœur d’Agen. Situé au 12 rue Montesquieu, l’hôtel Escouloubre est un hôtel particulier construit en 1773 par l’architecte Leroy. Ce bâtiment exceptionnel est revenu à la Ville d’Agen il y a quatre ans, suite au décès de la propriétaire Henriette Couderc qui avait décidé, dans son testament, de le léguer à la municipalité. Il pourrait bientôt accueillir le commerçant-artisan spécialisé dans le mobilier haut-de-gamme avec un projet qui dépasserait largement le simple showroom. De quoi redonner vie et rouvrir sur la cité (et ses habitants) un pan de l’histoire patrimoniale de la commune.
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