Ponts d’Agen : l’Histoire qui enjambe les siècles

Le pont de Camélat, le « pont du siècle », sera ouvert à la circulation le 6 mai prochain. Avec sa mise en service de l’Agglomération d’Agen comptera un sixième pont sur la Garonne, le quatrième de la proche couronne agenaise après le pont de pierre et Beauregard.

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La date est tombée, c’est le 4 mai prochain que sera inauguré le pont de Camélat par une grande fête populaire avant d’être définitivement mis en service le 6 mai. Il sera le « pont du siècle » comme l’a mentionné le maire d’Agen Jean Dionis à plusieurs reprises. Car Agen et ses ponts, c’est une histoire longue de plusieurs siècles et pour ainsi dire, c’est loin d’être un long fleuve tranquille, à l’image de Garonne qui ne l’a jamais été. 
Jusqu’à l’inauguration du Pont de pierre en 1827, il semblerait qu’il n’y ait jamais véritablement eu de pont sur la Garonne en Agenais. Dès 1189, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, publiait pourtant un décret qui « accorde et confirme que le pont d’Agen soit libre et exempt de passage, pontage, de toute exaction et coutume. » Un acte fondateur mais qui ne sera pas suivi d’effet. Une telle construction demandait une somme considérable, difficile à rassembler. À la fin du XIVe siècle, un pont en pierre et en bois fut construit, au niveau de l’actuelle passerelle. Il ne permit que le passage des piétons et ne résista pas à une grande inondation, en 1435. « Nous avons peine à nous rendre compte des difficultés que le défaut de pont ont dû créer pendant de longs siècles aux habitants d’Agen », commentait en 1878 l’historien Georges Tholin, membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Agen, dans la Revue de l’Agenais.

Le Pont de pierre

Au cours du XIXe siècle, le développement des infrastructures a marqué une période d’essor significatif. 1827 marque l’aboutissement de multiples tentatives avortées depuis le Moyen-Âge jusqu’au XVIe siècle avec, enfin, la construction d’un pont. Avant cela et pendant près de trois siècles, la traversée de la Garonne se faisait exclusivement par bac, jusqu’à l’érection de ce pont historique. Par la suite, ce pont fut complété par une passerelle suspendue en 1839, puis par le pont-canal, un véritable chef-d’œuvre achevé en 1843, doté de 23 arches enjambant majestueusement le fleuve et son lit majeur.

Le projet de construction du pont sur la Garonne fut initié par un décret de Napoléon Ier en date du 30 juillet 1808, à Agen. La pose de la première pierre eut lieu le 7 novembre 1812 sous la supervision du préfet. Les entrepreneurs chargés de la construction étaient les frères Boucheron, originaires de Saintes. Cependant, les travaux furent perturbés par une série de crues de la Garonne, emportant notamment les échafaudages du pont en septembre 1813, puis le caisson pour la deuxième pile en octobre de la même année. Faute de moyens financiers, les travaux furent interrompus, mais ils reprirent sur instruction du gouvernement le 22 décembre 1814. Le pont fut finalement achevé en 1827 et ouvert à la circulation le 22 mai de cette même année.

Le péage du côté de la ville fut aboli en 1847, et des travaux d’élargissement furent entrepris en 1955-1956. Le pont initial était constitué de 11 travées en pierre, la plus grande ayant une portée de 19,6 mètres. Une reconstruction du pont a été réalisée en béton précontraint en 1970 pour permettre le passage de 4 voies de circulations. Les anciennes piles ont été détruites fin 1971. « Les travaux du Pont de pierre étaient impressionnants », se remémorent Jeannine et Pierre, un couple d’Agenais habitant non loin de l’ouvrage. « Quand ils ont tout refait, c’était chouette à voir et on y pense pas souvent mais ça fait tout drôle parce que, des constructions de ponts, on en voit pas tous les jours. Là, en plus c’était en plein Agen si on peut dire. Camélat je m’en rends un peu moins compte parce que je ne l’ai pas devant les yeux mais ça a du être quelque chose oui », sourit Pierre. 

La passerelle piétonne Michel-Serres 

Le Pont de pierre, qui traverse la Garonne entre Agen et Le Passage depuis 1827, se trouvait à une certaine distance des centres-villes à l’époque et la traversée était soumise à un droit de péage et empêchait les piétons de l’effectuer. Cela contraignait les piétons à recourir à un bac peu confortable pour traverser d’une rive à l’autre. En 1838, le roi Louis-Philippe donne son aval à la construction d’une passerelle piétonne le long de l’axe de la rue Gambetta (Passage d’Agen) et du Gravier (Agen), facilitant ainsi la liaison à pied entre les deux villes et en finir avec les traversées piétonnes clandestines. Une première passerelle, conçue par les architectes Berdoly et Dupouy, est érigée à la fin de l’année 1839. Cependant, après des tests de résistance, elle s’effondre en 1840, entraînant la noyade d’une vingtaine de personnes. Elle est finalement reconstruite et ouverte au public dès 1841, avec la suppression de son péage. C’est ensuite en 2021 qu’elle prendra finalement le nom de « passerelle Michel-Serres » en hommage au célèbre philosophe agenais. 

Le pont de Beauregard, le chantier du XXème siècle

L’histoire du pont de Beauregard, ouvert en 1980, présente des similitudes avec celle de Camélat, bien que ce dernier accorde une place importante aux modes de déplacement doux, construit à une époque où les préoccupations environnementales étaient bien loin d’être celles que nous connaissons aujourd’hui. Le pont de Beauregard avait alors été conçu pour soulager le trafic sur le Pont de pierre et pour relier le péage autoroutier et la zone d’activités côté Passage d’Agen, en plein essor à l’époque. « Quand Beauregard c’est construit, c’est vrai que ça a été un véritable changement », se souvient Jean. « On avait plus besoin du Pont de pierre pour relier l’autoroute et aujourd’hui, on l’a vu avec les manifestations récentes, dès qu’il est fermé c’est un peu la cata. Il est devenu essentiel. » Une décennie plus tard, l’Agropole a émergé à proximité immédiate. Il a fallu attendre 2012 pour que la rocade Sud-Est, reliant le pont à Castelculier, soit inaugurée. À l’ouest, tout était déjà en place pour assurer l’efficacité de Camélat : qui se connecte à la rocade d’Estillac, au Technopole en plein essor, à la nouvelle sortie autoroutière et à la future gare TGV.

Camélat, le pont du présent

Un dossier lancé il y a plus de 20 ans en passe d’aboutir. Prévu depuis 1998 dans le schéma directeur, c’est l’année 2024 qui inaugurera le « pont du siècle » : Camélat et son barreau qui enjambe le canal. Pour rappel, ce chantier hors normes de 60 M€ permettra désormais de relier Brax à Colayrac St-Cirq grâce à un pont de 240 mètres au-dessus de la Garonne et d’un plus petit de 120m. Le but, désengorger le secteur du pont de Beauregard vers l’autoroute et fluidifier l’ensemble du trafic sur l’Agglomération en reliant directement la RN21 et l’autoroute A62 Bordeaux-Toulouse en accueillant entre 13 et 15 000 véhicules par jour et détournant les véhicules lourds.  Autre point fort du chantier, la création d’une immense voie verte permettant aux usagers de mobilités douces de profiter également de ces nouvelles infrastructures.

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