Jean-Marc Gilly : « Nous sommes sans cesse obligé d’agrandir » 

C'est la ville du Lot-et-Garonne qui a connu la plus forte évolution démographique de sa strate. Estillac est une commune qui jouit d'une forte attractivité pour s'installer notamment grâce à son fort tissus économique. Rencontre avec son maire Jean-Marc Gilly.

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Quidam Hebdo : Jean-Marc Gilly, Estillac ne cesse de se développer depuis plusieurs années, on peut même dire que votre commune est l’une des plus dynamique de l’Agglomération en terme de développement…

Jean-Marc Gilly : En termes d’évolution démographique, oui, nous sommes l’une des communes les plus dynamiques de l’Agglomération, mis à part bien sûr les petites communes qui passent de 200 à 250 habitants, pour qui c’est énorme. Sur notre strate, oui, effectivement, nous sommes en évolution très rapide et très brutale puisque nous sommes en permanence obligés de tout agrandir : locaux scolaires, accueil de loisirs… C’est un phénomène très pénalisant pour nos budgets. Tout cela est dû quelque part au PLUi. À l’époque, nous avions fait une grosse coupe dans les terrains à urbaniser disponibles : nous sommes passés de 138 ha à 34 ha. Cela, justement pour limiter l’évolution dans le temps, pour essayer d’étaler l’évolution démographique et l’arrivée de nouveaux habitants et de nouveaux enfants. Ces 34 ha auraient dû être consommés en 10 ans, ils l’ont finalement été en 5. D’où un accroissement démographique très brutal avec l’obligation d’agrandir et de construire de nouveaux locaux scolaires, périscolaires, mais aussi d’embaucher du personnel pour tous les services publics de la commune. Nous sommes passés en deux ans d’une vingtaine d’employés à 40, ce qui est énorme, notamment avec notre centre ALSH dont nous devons encore augmenter les effectifs car nous nous devons d’accueillir nos enfants estillacais malgré le fait qu’il ne s’agisse pas là d’une compétence obligatoire de la commune. Pour moi, prendre les petits estillacais est un minimum, d’où l’agrandissement des locaux, l’augmentation des effectifs, notamment en prévoyant un grand nombre de petits contrats pour cet été. Aujourd’hui, nous sommes, officiellement selon l’INSEE, à 2380 mais nous sommes persuadés d’être au-dessus des 2500.

Q.H : Qu’est-ce-qui, selon vous, fait d’Estillac une commune aussi attractive ? 

J-M.G : Il y a plusieurs facteurs. D’abord, la présence de nombreuses entreprises. Nous avons 90 ha de terrains économiques et de zones d’activité sur la commune avec près de 3000 salariés. Vu le contexte, l’augmentation des coûts de déplacement, les difficultés de circulation entre la rive droite et la rive gauche, les gens veulent habiter à proximité de leur travail. Il y a aussi le fait que nous soyons un petit peu le paradis fiscal de l’Agglo en termes de foncier bâti, malgré le fait que nous soyons désormais contraints de l’augmenter un petit peu. Nous sommes obligés de générer des excédents de fonctionnement suffisants pour investir. Mais malgré cette petite augmentation, nous sommes pratiquement inférieurs à toutes les communes de même strate de l’Agglo. Mais nous sommes bien obligés de compenser l’augmentation de nos services publics quelque part.

Q.H : Mais avoir une population qui ne cesse de croitre doit demander sans cesse des ajustements, notamment en terme d’infrastructures ? 

J-M.G : Cela n’arrête pas, on termine un investissement, on en commence un autre. Nous sommes en train de terminer notre salle multi-activités qui est un gros projet : une salle de sport qui va pouvoir aussi permettre d’accueillir de l’évènementiel, du culturel, des manifestations autres que du sport. Cela nous permet de remplacer notre salle de sport obsolète. Nous avons également terminé notre médiathèque qui sera inaugurée en même temps au 31 août. Cela représente un investissement de 5 M€ pour la commune, c’est un très beau projet. Et dans le même temps, nous attaquons un nouvel agrandissement de l’école maternelle avec un projet à 2 M€ pour faire face à notre augmentation d’effectif. En sachant que nous avons ouvert l’école Michel-Serres composée de 8 classes il y a 3 ans et qui est déjà pleine. Actuellement, nous avons 11 classes et nous nous attendons déjà à ouvrir une classe supplémentaire d’ici 2025-2026 vu l’augmentation. Aujourd’hui, nous avons 290 enfants scolarisés sur la commune.

Q.H : Il y a un moment où il devient compliquer d’absorber une population qui ne cesse de croître. Quels sont vos leviers pour essayer de freiner la machine ?

J-M.G : Malgré notre limitation de nos surfaces à urbaniser, nous avons divisé par deux le temps que nous pensions accorder à cette urbanisation. Aujourd’hui nous révisons le PLUi et nous allons encore essayer de diminuer encore les surfaces à urbaniser pour les limiter à des besoins ponctuels de maillage routier ou d’organisation géographique des déplacements. En termes d’accueil scolaire, il s’agit d’une compétence obligatoire des municipalités. Si en septembre nous avions 30 enfants qui arrivent, nous serions obligés de les accueillir, quitte à devoir les mettre dans la salle du conseil. C’est monstrueux en termes de gymnastique municipale pour les budgets.

Q.H : En terme d’infrastructures sur l’Agglomération, on a récemment vu la mise en service du pont de Camélat et bientôt sortira de terre, la gare LGV, quel impact cela aura-t-il sur votre commune ? 

J-M. G : La ligne LGV nous coupera en deux avec une quinzaine de maisons qui seront détruites, d’ores et déjà rachetées en partie par SNCF Réseaux. Énormément de fonciers va également être coupé en deux, notamment des infrastructures routières, ce qui va beaucoup bouleverser les choses, notamment pendant les travaux. Aujourd’hui, nous nous battons déjà pour le rétablissement des infrastructures. Ils ne nous rétablissent aujourd’hui que le passage des Portes d’Estillac avec un pont sous rail. Après, nous n’aurons que la 656 (route de Nérac) pour passer sur la LGV, donc nous commençons déjà à nous préoccuper de cela. Après, j’ai toujours été pour, nous savions que cela se ferait de toute façon, donc nous essayons de négocier le plus possible pour que cela nous pénalise le moins possible, mais nous savons qu’en termes de travaux cela sera monstrueux. Quant à la gare, c’est bien, mais encore faut-il que la desserte soit suffisante avec assez d’arrêts matin et soir pour le bassin de vie. C’est cela qui nous inquiète. Nous voyons déjà les répercussions du pont de Camélat. On voit déjà une augmentation de la circulation et un changement des habitudes : si les gens partent sur Toulouse, nous avons beaucoup de circulation supplémentaire et cela ne fait que commencer. Dans l’ensemble, notre commune et les communes voisines se développent en termes d’habitants et d’économie. Preuve en est, nous n’avons plus du tout de terrain économique. Tout est pris ou en construction, donc tout cela génère du flux de véhicules, de camions.

Q.H : L’Agglomération a revu récemment sa délégation de service public pour la mobilité. Qu’en est-il de votre côté, en sachant l’importance qu’on les réseaux de transport en commun pour les communes de la première couronne ? 

J-M. G : Nous avons eu des demandes pour préparer ce nouveau cahier des charges. Nous avons été entendus en partie et nous avons l’espoir que, si la partie sur laquelle nous n’avons pas été entendus, si vraiment nous justifions pleinement d’un besoin, que nous ayons une clause de revoyure et que nous puissions développer le service que nous voulions. Nous avons été entendus sur deux points sur trois, c’est déjà une bonne chose : une ligne régulière toutes les 20 minutes jusqu’au rond-point Les Portes d’Estillac pour les 450 stagiaires entre Abskill et Alternance Garonne plus les activités autour et surtout avec la commune de Roquefort, nous avons fait le forcing pour maintenir la ligne entre nos deux communes et qu’elle s’arrête à Walygator et au Monky. J’avais également demandé une navette entre l’Agropole et le rond-point de Walygator ou au moins celui de Fonroche, cela n’a pas été retenu, mais nous verrons si cela s’avère nécessaire ou non. Mais nous avons eu une nette amélioration de la desserte.

Q.H : A terme, que voyez-vous dans l’avenir pour votre commune ? 

J-M.G : Nous avons une vision d’Estillac dans 10 ans qui passe nécessairemJent par une stabilisation de la population autour de 3000 à 3500 habitants. Vu l’espace disponible et la raison, cela nous imposera de rester de cette taille-là pour maintenir des espaces verts suffisants et nous n’avons vraiment pas envie de toucher à nos derniers espaces naturels. Même si nous ouvrons un peu à l’urbanisation dans le prochain PLUi dans cinq ou six ans, il ne faudra pas toucher à nos espaces verts. Aujourd’hui déjà, nous doublons notre poumon vert au centre bourg qui fait aussi espace intergénérationnel en le passant de 2 à 4 ha. Et en termes de projet, le gros projet de fin de mandat est la création d’une ferme pédagogique de production côté Passage d’Agen pour là aussi créer un poumon vert entre la zone urbanisée d’Estillac et le Passage d’Agen, qui permettra de fournir nos cantines. Ce n’est pas que du tape-à-l’œil, mais de la vraie production en faisant travailler nos scolaires et nos périscolaires mais aussi des groupes d’autres communes s’ils le souhaitent. Nous ne serons peut-être pas autosuffisants mais nous pourrons fournir une bonne partie de notre cantine pour laquelle nous avons tenu à rester en régie. Nous voulons garder l’équilibre entre espaces naturels, espaces urbanisés et espaces agricoles raisonnés et bio. Cela peut paraître farfelu, mais cela ne l’est pas, ces fermes sont mises en œuvre dans plein d’endroits et fonctionnent ou non, mais je suis un ancien maraîcher et je ferai tout pour que ce projet fonctionne.

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