Les résultats de ce premier tour des législatives 2024 en Lot- et-Garonne ne laissent guère de doute : le Rassemblement national est le grand vainqueur. Mais contrairement aux récentes européennes, il s’agit d’une élection à deux tours. Les sièges à l’Assemblée nationale se joueront dimanche 7 juillet. Cette fois, ce sont des duels qui attendent le parti du tandem Bardella-Le Pen et la donne pourrait bien être différente. En effet, le RN, mal- gré son impressionnante et constante progression de scrutin en scrutin, reste un parti particulièrement clivant qui cristal- lise une forme de peur. La plupart des autres formations politiques ont fait campagne avec, entre autres, l’ambition « d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir ». Et les consignes ont été très claires dès dimanche soir : le Nouveau Front Populaire comme la majorité présidentielle ont appelé au désistement de leurs candidats arrivés 3e et qualifiés pour une triangulaire. De très nombreux territoires au niveau national sont donc dans un affrontement RN contre le reste du monde. Un « front républicain » qui ne dit plus son nom mais existe toujours bel et bien. Une question se pose alors : de quelle réserve de voix disposent les candidats encore en lice ? Une précision s’impose d’emblée : il s’agit bel et bien de politique-fiction s’appuyant sur les appels aux votes des uns et des autres et sur les résultats d’élections passées.
Sur le Marmandais, Hélène Laporte trop loin devant ?
Dans la seconde circonscription (secteur Marmande), la messe semble presque dite avec une Hélène Laporte toute proche d’être élue dès le 1er tour. Certains y ont même cru un peu avant la publication des résultats définitifs. En face, ChristopheCourrège- longue (NFP) se trouve face à un défi immense. Car malgré le soutien de Jean-Marie Lenzi, le cumul des voix risque de ne pas être suffisant. En additionnant mécaniquement les bulle- tins de l’union de la gauche et de Ensemble, cela donne 25 059, toujours derrière les 25 281 d’Hélène Laporte. Lutte Ouvrière pourrait éventuellement faire la bascule mais la marge est extrêmement faible.
Dans la 3ème circonscription, Lepers a-t-il fait le plus dur ?
Si la question est un brin provocatrice au vu de la situation, il n’en est pas moins vrai que le score du premier tour est une vraie bonne nouvelle pour Guillaume Lepers. Le maire de Villeneuve-sur-Lot cumulait les obstacles avec, face à lui, le Nouveau Front Populaire emmené par Xavier Czapla (finaliste en 2022) et le très médiatique Jérôme Cahuzac avec son aura d’ex-ministre en plus du puissant Rassemblement national. Un sondage Ifop pour Sud Radio le donnait 4e la semaine dernière, il est finalement second, nettement devant ses concurrents de gauche qui lui ont apporté leur soutien (et peut-être leurs 16 961 voix) après coup. C’est aussi dans cette circonscription que le RN a fait son « moins bon » score (tout est relatif) en Lot-et- Garonne. Si les reports de voix s’appliquent mathématiquement par rapport au premier tour, Guillaume Lepers pourrait frôler les 58% le 7 juin et l’emporter.
Sur Agen-Nérac, Lauzzana aura besoin de tout le monde
Bis repetita pour Sébastien Delbosq (RN) et le macroniste Michel Lauzzana. Il y a deux ans, les deux hommes s’étaient déjà affrontés avec une victoire pour le second. Seulement voilà, Michel Lauzzana était porté par la dynamique de la présidentielle. Il avait aussi profité d’être légèrement en tête à l’issue du premier tour. Cette fois, c’est bien Sébastien Delbosq qui caracole en tête avec 10 points et 9000 voix d’avance sur son dauphin… Les 15 479 suffrages récoltés par Paul Vo Van, dont le retrait fut immédiat avec un appui sans équivoque, pourraient néanmoins renverser le rapport de force en faveur du député sortant.
Pourquoi Lauzzana et Lepers peuvent y croire
Le député sortant de la 1ère circonscription et le premier édile villeneuvois ont du retard mais bénéficient tout de même de circonstances favorables avec, chacun, une réserve de voix considérable grâce aux désistements et appuis dont ils héritent. Autre atout qui pourrait leur être profitable : leur positionnement sur l’échiquier politique. En dehors du RN, Michel Lauzzana et Guillaume Lepers n’avaient que des concurrents situés à leur gauche. Ils avaient ainsi le champ libre pour représenter les valeurs du centre et de la droite républicaine. Les électeurs de droite éventuellement hésitants n’avaient pas d’autres alternatives au premier tour comme lors des précédentes élections et ont donc probablement déjà fait leur choix. Quant aux sympathisants de gauche, on peut imaginer qu’ils seront plus déterminés que jamais à faire barrage à l’extrême droite en se rangeant derrière des candidats jugés modérés en dépit des di- vergences d’opinion sur de nombreux sujets. Si le second tour avait impliqué des candidats plus clivants, des Insoumis par exemple, le « front républicain » aurait tout de suite été plus fragile. En face, les candidats du Rassemble- ment national ne semblent, à l’inverse, pas disposer d’une grande réserve de voix. En 2022, sur Agen-Nérac, les partis Reconquête et Debout la France avaient récolté plus de 3200 voix au premier tour sans compter les Républicains (2542 voix) qui n’ont assurément pas tous soutenu un macroniste au second tour. C’était encore plus criant sur Villeneuve-Fumel avec des Républicains et des pro-Zemmour plus nombreux ainsi qu’un Mouvement de la ruralité loin d’être insignifiant. Dimanche dernier, ces « petites » candidatures n’étaient pas présentes et ne représentent donc pas un matelas sur lequel s’appuyer.
Pourquoi le RN reste favori
Malgré tout, ces additions et petits calculs ne doivent pas réduire l’ampleur des scores réalisés par Hélène Laporte, Annick Cousin et Sébastien Delbosq, tous trois à plus de 41%. Toutes les dernières élections confirment leur montée en puissance. Et surtout, les représentants du RN gagnent systématiquement des voix entre deux tours. En 2022, année qui en a vu deux sur trois accéder au Palais Bourbon, la progression était significative. Sébastien Delbosq et Hélène Laporte étaient passés d’un peu plus de 12 000 voix à respectivement 19 000 voix et 16 500… Mention spéciale à Annick Cousin qui avait quant à elle quasiment doublé ses voix (9600 à près de 19 000). Et ce malgré une baisse de la participation dans deux circonscriptions. Si un tel scénario se répète, même à moindre échelle, c’est la victoire assurée. Le rejet de la politique d’Emmanuel Macron et l’état délabré du parti Les Républicains sont aussi des boulets accrochés aux pieds de Michel Lauzzana et Guillaume Lepers qui pourraient peser lourd dimanche prochain. Enfin, les appels à voter « pour faire barrage » sont un classique qui ne paie plus autant qu’avant.
Laisser un commentaire