Anna Cazenave-Cambet : une réalisatrice au cœur de ses racines

Originaire du Lot-et-Garonne, Anna Cazenave Cambet revient tourner Love Me Tender dans sa région natale. Entre ancrage local et ambitions cinématographiques, elle raconte son parcours inspirant et ses défis.

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Anna Cazenave Cambet, réalisatrice originaire du Lot-et-Garonne, s’est rapidement imposée dans le paysage du cinéma français avec son style unique et ses thématiques sensibles. Après avoir été remarquée à la Semaine de la Critique de Cannes avec son premier long métrage De l’Or pour les chiens, elle est aujourd’hui en plein tournage de son dernier film, Love Me Tender. Très attachée à sa région natale, elle a choisi de tourner une partie de ce nouveau projet dans les paysages familiers du Lot-et-Garonne, un retour aux sources qui lui tient particulièrement à cœur.

Quidam Hebdo : Anna Cazenave Cambet, vous êtes une réalisatrice lot-et-garonnaise dont le dernier court métrage se tourne ici, en Lot-et-Garonne. Était-ce une vraie volonté de votre part ?

Anna Cazenave-Cambet : Oui, j’avais vraiment envie de revenir tourner ici. Une partie de l’histoire du film pouvait se dérouler n’importe où en France, mais ici, le Bureau d’accueil des tournages du 47 (BAT47) me suit depuis mon premier court-métrage. Ils étaient au courant de mon projet et ont pris des initiatives pour faciliter les démarches. Cela a été une joie pour moi, car nous avons tourné tout près de l’endroit où je suis née et où j’ai grandi. Agen, un peu plus loin, reste une région qui m’est chère. Réaup est à cinq minutes de chez mes parents, qui vivent toujours ici, sur les hauteurs de Nérac. C’est un endroit où je marche régulièrement avec ma famille, dans la forêt. C’est vraiment ma terre natale.

Q.H : Votre premier film avait été remarqué à la Semaine de la Critique à Cannes. Attendez-vous la même chose pour votre nouveau film, Love Me Tender ?

A. C-C : J’essaie de ne pas trop y penser, même si c’est difficile de ne pas y penser du tout. Ce n’est pas une question d’être remarquée, mais plutôt que le film soit vu et touche un public. On y pense toujours un peu, mais on essaie de ne pas trop se focaliser là-dessus, car pour l’instant, on est encore dans la fabrication. Il est trop tôt pour se projeter.

Q.H : Comment s’est déroulé le casting ?

A. C-C : Cela a été un long processus. Nous avons travaillé avec Yonath Peretti, une directrice de casting extraordinaire. Il y avait beaucoup de comédiens, mais surtout de comédiennes, car le film met en avant un large éventail de personnages féminins. Il était important pour moi de composer un casting qui reflète la diversité des femmes que Vicky Krieps, l’actrice principale, rencontre au fil de l’histoire. C’était un travail minutieux pour créer une harmonie autour de son personnage.

Q.H : Vous avez grandi dans une région rurale. Comment avez-vous envisagé de faire carrière dans le cinéma ?

A. C-C : Oui, j’ai grandi dans un environnement rural, et l’idée de faire du cinéma me semblait très lointaine. Je n’avais pas confiance en moi et j’étais en échec scolaire. J’avais des envies artistiques, mais je pensais plutôt à la photographie de mode à l’époque. Puis, au fil de mes études, j’ai réalisé qu’il me manquait les mots, et c’est là que l’idée du cinéma est apparue. Ce processus d’acceptation a été long. Je pense que si j’avais grandi dans une grande ville, cela aurait peut-être été différent.

Q.H : Malgré tout, vous avez quand même intégré une école de cinéma après ?

A. C-C : Oui, après une école de photographie, j’ai intégré une école de cinéma, la Fémis, en passant un concours. C’est toujours un peu étrange de le dire, car ce concours est un rêve pour beaucoup de jeunes, et aujourd’hui, j’aide moi-même des jeunes à y entrer. Mais pour ma part, je l’ai fait un peu par hasard, sans vraiment mesurer l’envergure de ce dans quoi je m’engageais. Je pense que si j’avais vraiment compris l’ampleur de cette école, le stress m’aurait empêchée de réussir. Là, je l’ai abordé de façon assez décontractée, avec une attitude du genre « Pourquoi ne pas essayer ? », et c’est passé. C’était une véritable chance. Maintenant, quand je vois à quel point les candidats se mettent une énorme pression, je réalise encore plus la chance que j’ai eue. Cette école est exceptionnelle dans son rapport au cinéma, et elle peut changer une vie.

Q.H : Le syndrome de l’imposteur en raison de la ruralité ?

A. C-C : Oui, exactement. Quand on est en échec scolaire, on a l’impression que tout est hors de portée. Mais je pense que les choses ont évolué et que les jeunes aujourd’hui sont mieux informés sur les métiers artistiques. C’est pourquoi j’aime beaucoup rencontrer des jeunes dans les écoles, pour partager mon parcours et leur montrer que c’est possible, même quand on vient d’un milieu modeste et rural. On ne se rend souvent pas compte de la barrière que représente le simple fait de s’autoriser à penser que c’est possible, de se permettre d’y rêver. Personnellement, je n’en rêvais même pas à l’adolescence, c’était trop éloigné de ma réalité.

Q.H : Vous vous permettez de rêver et d’intervenir dans des lycées ?

A. C-C : J’ai eu l’occasion de le faire un peu, mais j’aimerais le faire davantage. Je réalise des films autour des questions d’identité, notamment de genre et LGBT. Il faut admettre que je suis moins sollicitée que d’autres réalisateurs qui font des films moins politiques. J’espère que cela est en train de changer, et je pense que c’est le cas. Quoi qu’il en soit, je serais ravie d’intervenir dans des lycées car je crois que c’est essentiel de montrer à la jeunesse que ces perspectives existent et que c’est possible.

Q.H : Que diriez-vous à la personne que vous étiez il y a 10 ans ?

A. C-C : Oh, wow ! Il y a 10 ans, j’étais déjà féministe. Je me dirais de continuer sur cette voie. Au début de l’école de cinéma, j’avais des doutes, je me sentais impressionnée, comme si j’avais des lacunes énormes, surtout en matière de cinéphilie. Je venais d’un milieu plus artistique que purement cinématographique, et je me sentais parfois un peu à côté de la plaque. Mais je dirais de persévérer.

Q.H : Et dans dix ans, vous vous voyez où ?

A. C-C : J’espère continuer à faire des films, à écrire, pour moi et pour d’autres. Sur un plan plus personnel, j’aimerais bien vivre davantage dans le sud-ouest. J’aimerais aussi continuer à travailler avec la même équipe, celle avec qui j’ai fait Love Me Tender. Nous formons une sorte de famille, ce qui est une chance inestimable dans ce métier.

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