Agen-Aurillac : on (re)fait le match avec Arsène N’Nomo

Il y a 20 ans, le plus lot-et-garonnais des Camerounais arrivait en France après avoir signé au Stade Aurillacois. Un passage de deux ans dans le Cantal avant de s’établir plus tard au SUA, qui deviendra le club de son cœur. Avant la rencontre entre les deux clubs vendredi, Arsène N'Nomo se confie sur sa trajectoire de vie, sa carrière et son engagement pour le ballon ovale.

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Découvrir le rugby au Cameroun, terre de football

Arsène N’Nomo : J’ai découvert le rugby un peu par hasard. J’avais 16 ou 17 ans, ce qui est plutôt tardif pour commencer un sport dans lequel tu seras pro. Un ami m’a amené essayer, juste comme ça. À l’époque, comme beaucoup d’Africains, je jouais au foot. Mais bon, ça ne me correspondait pas vraiment. Je suis allé essayer le rugby, mais au début, ça ne prenait pas. J’ai arrêté après quelques mois. Puis, je suis revenu six mois plus tard, et là, tout a changé et s’est accéléré. Au Cameroun, ce sont souvent d’anciens expatriés ou des retraités français qui viennent s’installer et initient les jeunes à ce sport. Ils venaient dans nos quartiers, organisaient des entraînements, et petit à petit, ils ont structuré des équipes. Au début, je n’avais pas vraiment de poste défini. J’ai même commencé à l’arrière (rires). Puis, en deux ou trois ans, je suis monté en compétence, j’ai été sélectionné en équipe nationale, et c’est là que j’ai commencé à voyager pour des compétitions africaines.

Direction Aurillac

A.N. : En 2003, lors d’un tournoi, on se retrouve à disputer un match contre le Maroc. Je rencontre Jaouad Eziyar, qui jouait à Aurillac à l’époque. On discute, il me voit jouer, et il parle de moi à son club. Quelques mois plus tard, je me retrouve à Aurillac, en 2003-2004, pour débuter ma carrière professionnelle. C’était un grand saut, parce que passer du Cameroun à Aurillac, ce n’est pas rien : la météo, la culture, tout était différent.

« Le changement était brutal et franchement, ça se passait super mal »

A.N. : Franchement, la transition était très brutale. Tu passes d’un pays chaud où il fait 40 degrés, entouré de ta famille, de tes amis, à un pays où tu es complètement seul et tu as le sentiment qu’il fait -40 dehors (rires). Je devais tout réapprendre : le rugby, les combinaisons, les normes sociales… Même reconnaître mes coéquipiers, c’était compliqué. Au début, je confondais leurs prénoms. Je devais même les noter sur un carnet ! Donc, les premiers mois, ça se passait super mal. Mais j’ai eu la chance d’avoir des éducateurs formidables qui m’ont beaucoup aidé à m’intégrer. Petit à petit, j’ai trouvé ma place, et la première saison fut vraiment bonne en matière de résultats. Je n’imaginais pas à l’époque que, 20 ans plus tard, le rugby fasse encore partie de ma vie, mais si ce grand saut dans l’inconnu était à refaire, j’irais sans réfléchir !

« À Agen, on m’a dit tu signes ! J’ai pas vraiment eu le choix »

A.N. : Mon arrivée au SUA est une histoire un peu spéciale. En 2008, je joue à Auch et on affronte Agen en championnat. Je fais un bon match ce jour-là, en pilier gauche. Henry Broncan, qui entraînait Agen à l’époque, m’a remarqué. Quelques semaines plus tard, il me contacte et me convoque à Agen pour discuter. Quand j’arrive, ils étaient tous là : Broncan, Lanta, Deylaud, et le président Alain Tingaud. Ils avaient déjà préparé un contrat ! C’était un 4 contre 1 (rires). Ils m’ont dit : « Tu signes ici. » Je crois que je n’ai pas vraiment eu le choix, car il n’y a pas eu de négociations (rires). J’ai signé, et c’est comme ça que j’ai rejoint le SUA.

Champion de Pro D2 en 2010, la plus grande émotion en carrière

A.N. : C’est sans hésiter le plus grand moment de ma carrière. C’était une saison exceptionnelle. On avait une équipe soudée au SUA, avec des gars comme Brice Dulin, Opeti Fonua, Jalil Narjissi, et d’autres. Ce n’était pas une équipe de stars, mais un vrai collectif. On a travaillé dur et ça a payé. Ce titre, c’était un grand moment, surtout avec l’ambiance qu’on avait dans le groupe. C’était une équipe de copains qui avait accompli quelque chose, pas seulement un groupe de coéquipiers, et c’est le plus beau.

Un guerrier sur le terrain, comme dans les vestiaires…

A.N. : Avant un match contre le Racing 92 en 2015, les vestiaires étaient un peu trop calmes. Je sentais que les gars n’étaient pas dans le bon état d’esprit. Ça rigolait avant le match. Il manquait Jalil (Narjissi) et Marc (Giraud), qui étaient des leaders de vestiaire, mais absents ce jour-là. Lionel Mazars me dit : c’est à toi de prendre les choses en main pour réveiller les gars au vu de l’enjeu de la rencontre. J’ai pété un câble, attrapé des coéquipiers, et on s’est mis des coups ! Ça a réveillé tout le monde. Le problème, c’est qu’avant même de démarrer la rencontre, je suis entré sur le terrain avec les deux arcades ouvertes (rires). Au final, on a gagné ce jour-là !

« Agen doit prendre le bonus contre Aurillac »

A.N. : Vendredi, le SUA joue gros. Ils font face à une partie de saison un peu compliquée en ce moment, mais je pense que vendredi soir, c’est faisable. Ils ont pris 5 points contre Oyonnax, c’est bien, mais c’est clairement faisable contre Aurillac aussi. Sans manquer de respect à Aurillac, c’est une équipe que j’adore, mais Agen a la capacité et le devoir de faire un gros match. Ce sont deux équipes qui se valent, mais ça sera l’équipe qui montrera le plus d’envie qui gagnera le match.

Le petit questionnaire //

Quidam Hebdo : Un joueur en particulier vous a-t-il marqué au SUA, à votre époque en tant que joueur, comme dans l’équipe actuelle ?

A.N. : Jalil Narjissi, déjà parce que lui, je l’ai rencontré quand j’étais encore en Afrique. On est de la même génération. C’est un gars que je voyais jouer à la télé à l’époque et que j’ai côtoyé en club à Agen. Et ça a été un leader à Agen et un mentor personnellement. Dans l’effectif actuel, je pense à Arnaud Duputs. J’aime beaucoup les combattants sur le terrain, et c’en est un bon représentant, en plus d’être un super gars.

Q.H. : Après Agen, tu as évolué dans plusieurs clubs amateurs. Aujourd’hui, tu es entraîneur à Lavardac-Barbaste. Comment se passe cette nouvelle aventure ?

A.N. : C’est une belle expérience, mais ce n’est pas facile. Quand je suis arrivé, le club avait perdu 20 joueurs à l’intersaison. On a dû tout reconstruire avec un groupe jeune. On est en Régionale 2, et l’objectif principal cette saison, c’est le maintien. C’est formateur pour moi aussi, en tant que jeune entraîneur. Ça me permet de découvrir une autre facette du rugby, dans un cadre moins structuré, mais tout aussi passionnant.

Q.H. : En parallèle, vous êtes aujourd’hui très engagé avec l’association « Diaspora des rugbymans camerounais » dont vous avez été le président. Pouvez-vous en dire plus ?

A.N. : Oui, cette association a été créée en 2007. Le but, c’est de promouvoir le rugby au Cameroun, de soutenir les clubs amateurs et d’aider les jeunes joueurs à s’intégrer en France. On envoie du matériel, on organise des stages, et on essaie de structurer le rugby en Afrique. J’ai été président de l’association jusqu’en juillet 2024, mais j’ai passé la main à un plus jeune. C’est une aventure qui me tient à cœur, parce que je sais combien il est difficile de se lancer quand on n’a pas de soutien, qui plus est, sur le continent africain où le rugby n’est pas très connu. Le rugby peut offrir des opportunités incroyables, comme ça a été le cas pour moi. Mais il faut aussi penser à l’après-carrière. Le rugby, c’est éphémère. Il faut se former, se préparer pour la suite. Mais oui, c’est possible. Si moi, qui ai commencé à 16 ans, j’ai pu y arriver, alors eux aussi peuvent le faire.

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