
« Ce que ressentent nos agriculteurs aujourd’hui, c’est un vif sentiment de trahison Monsieur le Premier ministre. Comment pouvez-vous encore les regarder en face ? » Le député villeneuvois Guillaume Lepers n’a pas pris de gants pour aller sur le terrain très sensible de l’agriculture, et plus particulièrement sur le « droit de lutter à armes égales avec les concurrents étrangers ». Cette intervention fait suite à deux évènements : la large censure opérée par le Conseil constitutionnel sur les lois d’orientation agricole ainsi que le report de l’examen de la proposition de loi « anti-entraves » du sénateur Laurent Duplomb.
Les entraves et la concurrence déloyale
Le principal enjeu ici est de laisser (ou non) au monde paysan la possibilité d’utiliser des traitements phytosanitaires pour éradiquer les ravageurs. L’exemple local le plus parlant est celui de la noisette. Les vergers sont actuellement dévastés par le baladin et la punaise diabolique, plongeant toute la filière dans une situation critique. Avec l’interdiction des néonicotinoïdes, les arboriculteurs sont sans alternative efficace, au contraire de leurs homologues étrangers dont les productions sont légalement commercialisées chez nous. C’est en pensant à eux mais aussi à bien d’autres pans de notre agriculture nationale que Guillaume Lepers s’est lancé dans un réquisitoire percutant depuis son pupitre dans l’hémicycle du Palais Bourbon. « Vous allez laisser mourir nos éleveurs conventionnels, alors que nous aurons du bœuf aux hormones d’élevage intensifs sud-américains. Vous allez laisser les ravageurs dévaster nos vergers mais nous aurons des noisettes turques, des cerises de Pologne et de pruneau du Chili. Tous pleins de ces produits que vous refusez à nos producteurs. Vous allez laisser les tomates marocaines et le poulet ukrainien envahir les rayons des magasins à des prix qui pousseront des agriculteurs à la ruine. Que mangeront nos enfants demain ? Ce n’est pas un petit sujet, c’est une urgence, une urgence vitale. Et pourtant, Monsieur le Premier ministre, malgré les beaux discours, les actes ne suffisent pas. »
« Combien de faillites et de suicides faudra-t-il ? »

L’élu de la troisième circonscription termine son propos par la question suivante : « Combien de faillites d’exploitation, combien de suicides d’agriculteurs et demain, combien de pénuries faudra-t-il que vous preniez vos responsabilités ? » Le texte du sénateur Duplomb devait initialement être examiné la semaine du 7 avril. Ce que la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard ne peut, au nom du Gouvernement, pas honorer pour le moment. Et ce même si elle affirme comprendre et partager le « niveau d’impatience » de Guillaume Lepers. « Il y a aujourd’hui des impasses de traitement qui mettent nos filières en difficulté et qui portent préjudice à la souveraineté alimentaire », affirme la ministre. Cette prise de conscience aboutira-t-elle sur des mesures concrètes dans un délai acceptable pour le monde agricole ? Affaire à suivre…
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