
Dès les premières lueurs de l’aube, la place du tribunal judiciaire d’Agen s’est animée au rythme des arrivées de tracteurs. En provenance du Lot-et-Garonne mais aussi de départements voisins comme la Dordogne, le Gers, l’Ariège ou encore la Gironde, ils sont plus de 300 à avoir répondu à l’appel de la Coordination rurale (CR 47) pour soutenir leurs collègues jugés les 14 et 15 mai. Sur les bancs du tribunal, vingt agriculteurs doivent répondre de faits de dégradations commis lors des mobilisations agricoles de l’an passé. Des actions menées dans un contexte de profond malaise, que les prévenus et leurs soutiens qualifient aujourd’hui encore de « colère légitime ». Mais loin de se limiter à une affaire judiciaire, ce rassemblement a logiquement pris une tournure politique et syndicale. Pour José Pérez, coprésident de la CR47, l’objectif est clair : « Ce procès n’est que la conséquence de nos actions, mais personne ne semble vouloir écouter les raisons de notre révolte ». Même tonalité du côté de Karine Duc, également coprésidente, qui martèle que le fond du problème reste ignoré : « On nous juge sans même avoir envisagé de véritables solutions pour l’avenir de notre profession ».
Face au tribunal, l’ambiance reste calme mais déterminée. Un stand a été installé pour distribuer de l’eau, et la consigne donnée est claire : pas de débordement. « Nous ne sommes pas là pour tout casser », rappellent les organisateurs. Une ligne de conduite qui a permis d’installer une atmosphère de solidarité, bien plus que de tension. De temps à autre, Patrick Franken, président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, vient donner des nouvelles de ce qui se dit à l’intérieur des murs du tribunal, au peuple réuni place de la préfecture. « On s’oriente vers une audience qui risque de durer », affirmait-il sur les coups de 11 h.
Les élus font le déplacement

Parmi les soutiens présents, une quinzaine d’élus locaux ont fait le déplacement, facilement reconnaissables, avec les écharpes tricolores bien installées sur leurs épaules. Motivés par la future campagne électorale ou non, les édiles comme Jean Dionis, maire d’Agen et président de l’Amicale des maires du Lot-et-Garonne, ont fait le déplacement. Ce dernier a tenu à saluer « une lutte commune autour des problématiques de l’eau et de l’usage des produits phytosanitaires », fustigeant « l’incohérence d’une réglementation nationale plus stricte que celle appliquée ailleurs en Europe ».
Les condamnations requises
Parmi les faits étudiés au cours de la matinée, le tribunal s’est penché sur des dégradations commises à Agen en janvier 2024. Une botte de paille avait été introduite dans un restaurant de la ville, causant des dommages à l’entrée et entraînant la fermeture temporaire de l’établissement. L’homme poursuivi, dont la présence sur les lieux est contestée, encourt une amende de 2 000 euros, dont 500 avec sursis. L’affaire s’est déplacée sur les rails, avec l’examen d’une action menée à Colayrac-Saint-Cirq le 25 janvier. Le blocage de la voie ferrée par un dépôt de déchets avait perturbé le trafic ferroviaire pendant près de sept heures, entraînant l’annulation d’une vingtaine de trains. Trois agriculteurs risquent là aussi 2 000 euros d’amende, dont une partie avec sursis. Le syndicat CR47, également poursuivi, est visé par une sanction de 10 000 euros, dont 3 000 avec sursis. Un autre épisode, survenu en avril 2023 à Monflanquin, a également été abordé. Il concernait un déversement de déchets devant la mairie. Pour ce dossier, les réquisitions financières contre la CR47 ont été similaires à celles formulées dans l’affaire de Colayrac.
À la mi-journée, la foule reste dense, les regards tournés vers le palais de justice où les débats se poursuivent. Le jugement, lui, ne sera rendu que dans plusieurs semaines. Ce qui est certain, c’est que la même scène sera observable cet après-midi, alors que les audiences se poursuivent, puis demain. Mais pour beaucoup, l’essentiel est ailleurs : « Aujourd’hui, les paysans se sont levés. Et ils ne comptent pas se rendormir. »
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