
C’est dans la discrétion mais avec une symbolique forte que les principaux acteurs du dossier Caussade se sont réunis le 13 mai dernier à Castelmoron-sur-Lot. Sous l’égide du sous-préfet de Villeneuve-sur-Lot, services de l’État, élus locaux et représentants agricoles ont planché sur un objectif commun : trouver une voie pacifiée pour régulariser l’ouvrage hydraulique illégalement construit en 2018 à Pinel-Hauterive.
Après des années de crispations juridiques et politiques, la rencontre a été perçue comme un signal d’apaisement. « Cela avance dans le bon sens », a commenté à la sortie Patrick Franken, président de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne et de l’ASA de Caussade.
Une étude environnementale

Au cœur des discussions : la réalisation d’une nouvelle étude d’impact environnemental, indispensable pour espérer une mise en conformité. Si un diagnostic de sécurité de la digue est déjà en cours, l’étude environnementale, initialement menée en 2017, doit être réactualisée, comme le demande l’arrêté préfectoral du 17 décembre 2024. Mais qui financera les quelque 50 000 euros nécessaires ? La Chambre d’agriculture et l’ASA refusent d’en assumer le coût. « On ne versera pas un centime de plus », tranche Patrick Franken. La solution pourrait venir des collectivités locales. Le Syndicat mixte pour l’aménagement de la vallée du Lot (Smavlot) propose de porter l’étude, en l’étendant à l’ensemble du bassin versant Lot-Tolzac. Son président, Jacques Borderie, souligne que « la qualité de l’eau en aval est aujourd’hui bien meilleure » grâce au lac. « Il est grand temps que ce conflit cesse, et que ce lac soit régularisé. Il a prouvé son efficacité », insiste-t-il, évoquant les bénéfices pour l’irrigation estivale et la biodiversité locale.
Des collectivités prêtes à s’impliquer
Pour Jean Dionis du Séjour, président de l’Association des maires du Lot-et-Garonne, la mobilisation des collectivités est une évidence. « Rien n’empêche un territoire de se manifester », avance-t-il, appelant de ses vœux un soutien du Conseil départemental et de la Région. « Tous louent l’efficacité de cet ouvrage. J’attends maintenant des actes. » Le trio Dionis–Borderie–Franken affiche ainsi une rare unité compte du houleux passé que connaît le sujet Caussade. Dans un communiqué commun, ils se félicitaient même des « engagements de l’État sur le retour progressif à la conformité de la retenue ». Ils soulignent que cette retenue, capable de stocker près d’un million de mètres cubes d’eau, « contribue depuis six ans à la richesse économique et environnementale du bassin versant du Tolzac ».
L’administration a qualifié de « sérieux et loyal » le dossier d’autorisation environnementale déposé en 2018. Une reconnaissance bienvenue pour les défenseurs du projet, d’autant plus qu’elle ouvre la porte à une régularisation progressive du site. Reste encore un chemin à parcourir. Le préfet a accordé un délai d’un an pour engager les démarches, faute de quoi la digue pourrait être démolie. Une autorisation temporaire d’exploitation est espérée d’ici fin 2025, mais l’autorisation définitive, elle, dépendra des résultats des études environnementales et hydrauliques, et d’un dépôt officiel de demande, peu envisageable avant 2028. Et comme tout ne peut pas être rose dans cette affaire, Patrick Franken et Serge Bousquet-Cassagne s’expliquent avec les gendarmes (à l’heure où nous publions cette édition) au sujet du règlement des condamnations financières qui leur avaient été attribuées il y a quelques années pour l’affaire Caussade.
Des tensions encore palpables
Malgré cette dynamique nouvelle, le climat reste fragile. France Nature Environnement (FNE), farouche opposant au lac, a déposé un nouveau recours contre l’arrêté préfectoral et a saisi un juge d’instruction pour exploitation illégale. Le passif judiciaire est lourd : condamnations pénales, actions en justice multiples… Le spectre du conflit n’est jamais loin. Mais du côté des acteurs locaux, l’heure est à la vigilance constructive. « Cette procédure de mise en conformité doit se faire dans un cadre apaisé », avertissent-ils, tout en espérant que cette avancée marque enfin le début d’un épilogue pour l’un des dossiers les plus brûlants de la ruralité lot-et-garonnaise. Pour Patrick Franken, la main tendue des collectivités semble même « logique » : « Avant que l’État ne se rétracte en 2018, le Département et la Région envisageaient de participer au financement du lac. On leur a fait faire des économies. » Et de conclure : « Aujourd’hui, il s’agit de tourner la page. Pour construire l’avenir, et pourquoi pas, d’autres retenues. » Un message que les agriculteurs, en procès la semaine dernière à Agen pour des dégradations commises lors des dernières années, espèraient voir entendu. Pour eux, le lac de Caussade n’est pas qu’un dossier administratif, c’est un symbole de survie, dans un monde rural en quête de reconnaissance.
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