Restauration : certains restaurateurs vent debout contre les marchés gourmands

Le patron de l'Umih 47 et son président national ont alerté les services de l'État et les élus locaux pour mieux encadrer les marchés gourmands, considérés comme une concurrence déloyale.

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Un succès qui ne se dément pas. Été après été, les marchés gourmands font le plein dans les villes et villages du département. Cette tradition festive plaît autant aux Lot-et-Garonnais qu’aux touristes de passage. Cette popularité n’est pas du goût de tout le monde et notamment des restaurateurs. Ils sont de plus en plus nombreux à protester contre ce format « gastronomique », et ce pour plusieurs raisons.

Le président de l’Union des métiers et de l’hôtellerie-restauration de Lot-et-Garonne (Umih 47), Adrien Pedrazzi a allumé la mèche avec un courrier adressé aux élus locaux. L’objet de la missive : une « alerte sur les dérives estivales fragilisant la restauration et l’artisanat local ». Pour ce représentant de la filière, « la situation est de plus en plus préoccupante » et provoque « une profonde inquiétude » chez de nombreux exploitants car « elle menace l’équilibre économique local et l’avenir même de la restauration artisanale ». Rien de moins…

Demande de contrôles tous azimuts

Ce qui est mis en cause ici, c’est « la multiplication incontrôlée de marchés gourmands, food-trucks, concerts ou événements festifs organisés durant l’été, souvent sans cadre de régulation suffisant ». La première conséquence, explique Adrien Pedrazzi, c’est la baisse de fréquentation significative dans les établissements installés à l’année. « Ils supportent des charges lourdes sur douze mois, emploient et forment du personnel local et contribuent activement à la vie de nos villages. » Face à cette désertion du public les soirs de marché, certaines adresses n’hésitent plus à garder portes closes, y compris en fin de semaine, là où l’affluence est censée être la meilleure.

Mais ce n’est pas tout. L’Umih dénonce des « pratiques de concurrence déloyale ». « Certaines structures associatives exercent une activité de restauration ou de débit de boissons sans respecter le cadre légal, les normes d’hygiène, ni les obligations sociales et fiscales imposées aux professionnels », développe l’organisation professionnelle.

Afin de garantir « un cadre équitable et sécurisé pour tous », plusieurs doléances sont formulées auprès des autorités. On peut noter, entre autres, la demande de contrôles renforcés : hygiène, URSSAF, répression des fraudes… En bref, la totale.

Quelle solution ?

Il paraît très improbable de voir les communes renoncer à leurs marchés gourmands au vu de la popularité de ces derniers. Alors comment trouver une issue ? Adrien Pedrazzi a sa petite idée : « On invite les maires à accepter les restaurateurs de leur village à participer en priorité à ces marchés gourmands. Si seulement il reste de la place, on peut alors ouvrir la porte à d’autres ambulants, de préférence des producteurs locaux. » Le président de l’Umih 47 cite des exemples où la synergie semble bien s’opérer, comme à Laroque-Timbaut ou à Pujols, grâce notamment à une implantation géographique favorable. Cependant, délocaliser l’activité sur un marché gourmand ne sera pas forcément aisé pour les restaurateurs qui devront investir dans du matériel spécifique. « Peut-être devons-nous imaginer des systèmes d’aide avec les collectivités et des mutualisations », suggère Adrien Pedrazzi.

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C’est le nombre total de marchés gourmands recensés par l’Umih 47 pour les deux mois d’été en Lot-et-Garonne, soit une moyenne de 6,5 marchés chaque soir. L’organisation professionnelle estime qu’à raison de 500 personnes en moyenne par évènement et d’un panier moyen de 20 €, le chiffre d’affaires s’élève à 4 M€, qui ne vont donc pas dans la poche des restaurateurs.

Le cas particulier des Marchés de Producteurs de pays

Dans la jungle des marchés gourmands, tous ne répondent pas au même cahier des charges. Certains sont labellisés par la Chambre d’agriculture sous la marque Marchés des producteurs de pays. Ici, les exposants sont tous des exploitants agricoles. Adrien Pedrazzi, le patron de l’Umih 47, les place un peu à part dans le paysage : « Je fais bien le distinguo car ce sont des agriculteurs, des gens qui ont besoin de ce développement d’activité pour vivre. Eux aussi sont soumis à des charges draconiennes et font partie intégrante de notre tissu local. » Du côté de la Chambre, l’élue Marielle Tadieu, et elle-même exposante sur plusieurs marchés, confirme que ses confrères producteurs se plient à des règles strictes : « On veille très attentivement à ce que chacun soit à jour de son permis d’exploitation et de la formation hygiène. » Elle poursuit en indiquant que cette fenêtre estivale est, pour certains, absolument essentielle. « Alors que bon nombre sont dans une situation financière fragile, c’est une opportunité de compléter leurs revenus en faisant de la vente directe et de faire connaître leurs produits au public. Ces deux mois sont très importants. »

Un séisme à venir au second semestre 2025 ?

« Tous les jours, je suis en contact avec des restaurateurs, parfois installés depuis des décennies, qui sont au bord de la rupture. Ils ont tout mis dans leur établissement, la plupart du temps en couple, et risquent de tout perdre. On a assisté à 100 dépôts de bilan l’année dernière et ça risque d’être encore bien pire. Même de grandes enseignes comme Popeyes, qui vient de fermer, sont dans le dur. Attention, ça va faire beaucoup de bruit en août et en septembre. La situation devient irrespirable quand on met tout bout à bout : les charges et notamment les loyers qui sont exorbitants, le prix des matières premières, la perte de fréquentation… Ce sont des emplois qui sont directement menacés, des villages entiers et des quartiers qui vont perdre leur âme, des agriculteurs locaux qui fournissent les établissements. À la fin, c’est le consommateur qui aura le dernier mot. Il faut savoir ce que l’on veut pour notre territoire », déclare le président de l’Umih 47, très alarmiste.

Encadré // Une première avancée à Agen

Suite à leur demande, Adrien Pedrazzi et le président national de l’Umih Restauration, Franck Chaumes, ont été reçus par le maire d’Agen et président de l’Agglo Jean Dionis du Séjour. « Il y a une grande avancée puisque l’on va pouvoir intégrer les commissions qui vont statuer sur les projets de construction ou de mutation de restaurants. On est déjà sur un marché saturé, Agen étant l’une des villes de France avec le plus de couverts par habitant, deux fois plus qu’à Paris. Il faut donc légiférer et faire un peu de protectionnisme pour éviter, par exemple, qu’un énième buffet à volonté vienne détruire le travail des artisans », souligne Adrien Pedrazzi.

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