Mélissa Macalli, lauréate du Prix Jeunes L’Oréal-UNESCO : « Nous avons besoin de femmes de science »

Mélissa Macalli, chercheuse villeneuvoise, est lauréate du Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO, qui récompense les prometteuses scientifiques de demain. Son travail innovant sur la détection des conduites suicidaires chez les jeunes adultes apporte un éclairage essentiel sur la santé mentale. Entretien.

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Quidam Hebdo : Vous avez grandi à Villeneuve-sur-Lot, votre ville d’origine. Quel rôle votre parcours local a-t-il joué dans votre vocation et votre carrière scientifique ?

Mélissa Macalli : Je suis née à Agen, mais j’ai grandi à Villeneuve-sur-Lot. J’ai fait mes études d’infirmière là-bas. Je suis partie il y a quelques années, mais j’y retourne encore régulièrement. Donc, c’est un peu là que j’ai touché à mon approche scientifique. Je ne dirais pas que mon parcours scientifique a commencé là, mais j’ai effectivement commencé ma carrière en tant qu’infirmière. Plus tard, j’ai poursuivi mes études à Bordeaux, où j’ai obtenu un master à l’école de santé publique, puis j’ai effectué ma thèse.

Q.H. : Votre travail se concentre sur la détection des conduites suicidaires chez les jeunes adultes. Pourquoi cette thématique en particulier et en quoi consiste vos recherches ?

M.M. : Quand j’étais infirmière, j’ai beaucoup travaillé à l’hôpital Saint-Anne à Paris, où j’ai observé que les conduites suicidaires étaient fréquentes parmi les jeunes adultes. J’ai vraiment réalisé que ces conduites pouvaient être évitées, notamment en traitant les maladies psychiatriques qui y sont souvent associées. Lorsque j’ai repris des études en santé publique, j’ai eu la possibilité de faire un stage dans une équipe qui avait accès à des données sur des jeunes adultes et qui posait des questions sur le suicide. J’ai voulu travailler sur cette thématique d’abord pour mieux comprendre les mécanismes et surtout pour développer des outils de détection et de prévention, car je suis convaincue que cela peut être évitable.

Q.H. : Votre travail d’infirmière puis pour Médecins sans Frontières a-t-il influencé votre approche de la santé publique et de la recherche ?

M.M. : Oui, tout à fait. J’ai travaillé presque 13 ans dans les hôpitaux avant de coordonner des projets humanitaires avec Médecins Sans Frontières, notamment dans des contextes complexes comme des guerres en Irak ou des épidémies d’Ebola. Cette expérience m’a beaucoup appris sur la santé publique et m’a aidée à développer une vision plus large des enjeux liés à la santé.

Q.H. : Vous recevez le Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science. Que représente pour vous cette reconnaissance et comment cela impactera-t-il votre carrière ?

M.M. : C’est vraiment important pour moi. D’abord, c’était complètement inattendu. J’avoue que je ne pensais pas obtenir ce prix, donc j’étais très surprise et ravie. Cela vient encourager un parcours un peu atypique, car ce n’est pas si fréquent qu’une infirmière reprenne un long parcours d’études et fasse une thèse. Je trouve que c’est une belle reconnaissance, non seulement pour moi, mais aussi pour toutes les femmes qui n’osent pas reprendre un parcours exigeant, scientifique. Cela donne de la visibilité à mes travaux, ce qui est crucial pour la recherche et pour sensibiliser à la santé mentale des jeunes, qui est un enjeu majeur.

Q.H. : La santé mentale des jeunes est un enjeu de plus en plus crucial, notamment après la crise du Covid-19. Quels résultats espérez-vous obtenir à court et long terme grâce à vos recherches ?

M.M. : Ce qui me tient à cœur, c’est de continuer à mesurer ce qui se passe en matière de santé mentale. Nous avons bien mesuré la dégradation de la santé mentale, et j’aimerais approfondir ma compréhension des mécanismes des conduites suicidaires, qui sont très multifactoriels. Une autre partie de mes recherches vise à développer des dispositifs de détection et de prévention. Par exemple, un étudiant sur cinq a des pensées suicidaires, mais moins de la moitié en parle. Il est crucial d’amener ces jeunes vers des soins appropriés et de les informer sur la santé mentale.

Q.H. : En tant que femme scientifique, quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre parcours et quels conseils donneriez-vous à celles qui souhaitent s’orienter vers la recherche ?

M.M. : J’ai eu la chance de recevoir du soutien, y compris de la part d’hommes qui m’ont encouragée. Les principales difficultés viennent souvent du fait que ces métiers peuvent prendre du temps et que je suis maman, ce qui rend nécessaire de trouver un équilibre entre ma carrière et ma vie de famille. Cela peut être un vrai challenge. Mon conseil serait d’avoir de l’audace et de ne pas se mettre de barrières. La science est diversifiée, et il est important de s’ouvrir à différentes disciplines. Nous avons besoin de femmes dans la science, car elles apportent une vision différente.

Q.H. : Quelles sont les prochaines étapes pour vous professionnellement ?

M.M. : Je suis ravie d’annoncer que j’ai réussi un concours qui va me donner un poste permanent à l’INSERM, au centre de recherche de Bordeaux, en santé publique. Cela va me permettre de travailler sur les projets autour de l’outil de détection que je cherche à développer.

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