Biarritz Olympique – SU Agen : on (re)fait le match avec Laurent Cabarry

Le SUA LG et le Biarritz Olympique représentent 12 ans de la carrière professionnelle de Laurent Cabarry. Avant la rencontre entre les deux clubs vendredi à 21h, l'ancien pilier nous raconte son Biarritz-Agen, au travers de souvenirs et expériences. Entretien.

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Entre Biarritz et Agen, il veut voir du spectacle

Laurent Cabarry : Je pense que Biarritz est en train de repartir sur une nouvelle dynamique. Agen, de son côté, est en phase de reconstruction. Ce sera un match assez équilibré, à l’image des autres rencontres de cette saison. Les deux équipes sont en quête de retrouver le Top 14, et cela promet une belle bataille sur le terrain. Les deux clubs ont un potentiel, mais ils doivent encore se stabiliser. Pour le pronostic, c’est difficile de trancher, surtout quand il y a autant de facteurs en jeu. Pour moi, le plus important aujourd’hui, c’est de voir du beau jeu, plutôt que de se laisser guider par des considérations sentimentales. Bien sûr, Agen et Biarritz ont marqué ma carrière, mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est le spectacle sur le terrain et de voir les joueurs s’épanouir.

Débuter au SUA en 2006/2007 dans un climat de relégation et d’autogestion…

L.C. : C’était ma première expérience, et c’était vraiment marquant. J’ai toujours eu tendance à m’investir à fond, à 300% dans tout ce que je fais. Se retrouver dans un club qui se bat pour ne pas descendre, c’est difficile à vivre, surtout quand tu es jeune et que tu veux tout donner. À un moment, on s’est tous sentis en difficulté, mais il était hors de question pour moi de lâcher. Ce fut un moment éprouvant, presque un traumatisme. Mais c’est aussi ce genre d’épreuves qui te font grandir, qui t’apportent de l’expérience et une meilleure compréhension des réalités du sport. Et même si cela a été dur pour le club, et pour moi personnellement, je pense qu’on passe tous par ce genre de moments dans une carrière.

« J’étais à l’hôpital quand mes coéquipiers ont soulevé le bouclier »

L.C. : La saison 2009-2010 reste particulière. Même si je n’ai pas pu jouer les derniers matchs, j’ai contribué tout au long de l’année au titre de champion de Pro D2. C’était un groupe très soudé, une aventure humaine incroyable. Je me souviens encore de ce sentiment d’appartenance, même si je n’étais pas sur le terrain lors de la finale. C’est aussi ça le rugby, un sport collectif où chaque joueur, même s’il est en retrait à un moment donné, a sa part de responsabilité et de contribution dans le succès ou l’échec de l’équipe. Je me rappelle qu’à l’époque, j’étais à l’hôpital quand mes coéquipiers ont soulevé le bouclier, mais j’étais là par la pensée. Ce n’est pas facile à vivre, mais cela fait partie de la vie de groupe, et c’est aussi ce qui rend ce sport si spécial.

Sa dernière saison à Agen (2013-2014), si près du but

L.C. : Franchement, au début, ça a été difficile. La saison n’avait pas été simple pour moi, avec des hauts et des bas. Pendant une grande partie de la celle-ci, je n’avais pas beaucoup de temps de jeu. J’étais souvent sur la touche, mais heureusement, il y avait toujours des gens comme Mathieu Blin qui ont continué à me faire confiance. Il m’a soutenu, il m’a laissé ma chance, et c’est quelque chose que je n’oublie pas. Quand il m’a permis de jouer avec les espoirs, ça m’a permis de retrouver du rythme, et c’est ainsi que je suis revenu dans l’équipe première. À partir de là, tout s’est enchaîné positivement, et j’ai retrouvé ma place sur le terrain. Je retiens surtout cette solidarité et cette dynamique positive qui s’étaient installées dans le groupe. C’est un peu comme si on vivait sur un petit nuage pendant cette période. On était une bande de copains en dehors des terrains avec Lionel (Mazars), Mathieu (Lamoulie), Marc (Giraud), Raphaël (Lagarde) et j’en passe… Cette bande a réussi à aller en finale de Pro D2 quand mêm., Je pense que ce sont les mois les plus marquants de ma carrière. Et pour cette finale (contre La Rochelle, perdue 22-31), quand on a vu Chaban-Delmas rempli à 80% de Rochelais, je crois qu’on s’est tous mis une pression monumentale avant le coup d’envoi. On avait déjà perdu avant de jouer avec le recul. La défaite a été dure à avaler, mais aujourd’hui, je retiens que les bons moments cette année-là.

« A Biarritz, j’ai senti que je pouvais pleinement m’exprimer en tant que joueur et leader »

L.C. : Quand je quitte Agen, j’étais arrivé au bout d’un cycle. J’avais besoin de changer d’air, de voir autre chose. Biarritz était en plein renouvellement et ils m’ont proposé de rejoindre leur projet. C’était une opportunité pour moi de rester dans le Sud-Ouest, une région à laquelle je suis très attaché. Bien sûr, j’aurais pu aller dans un autre club, mais le climat, l’ambiance, la région ont fait que Biarritz s’est imposé comme un choix naturel. C’était une nouvelle aventure qui s’offrait à moi, et j’avais envie de la vivre à fond. Et c’est vraiment là-bas que j’ai senti que je pouvais pleinement m’exprimer en tant que joueur et en tant que leader. J’ai appris à prendre la parole, à assumer des responsabilités au sein du groupe. À Biarritz, j’ai trouvé un rôle qui me convenait bien, celui de mentor pour les plus jeunes, tout en continuant à me faire plaisir sur le terrain. Les résultats n’étaient pas toujours là, c’est vrai, mais pour moi, le plus important c’est d’avoir vécu ces dernières saisons comme une sorte de renaissance. Le plaisir était revenu, et c’est ce qui compte le plus à la fin d’une carrière.

Le 25 juin 2006, ça vous dit quelque chose ?

L.C. : Oui, bien sûr, comment l’oublier ? C’était un moment inoubliable, cette victoire avec l’équipe de France des moins de 21 ans en finale du championnat du monde (victoire contre l’Afrique du Sud (13-24). On ne réalise pas toujours l’importance de ce genre de victoire sur le moment, c’est avec le recul qu’on se rend compte de la portée de ce qu’on a accompli. On était la première équipe à devenir championne à 21 ans. Ce titre est venu couronner une saison pleine, où j’avais réussi à enchaîner après une grosse blessure au genou l’année précédente. C’est le genre de moment qui te fait comprendre que le travail paie, que les sacrifices ne sont pas vains.

Le petit questionnaire //

Q.H. : Quels joueurs vous ont le plus marqué durant votre carrière, que ce soit à Agen ou à Biarritz ?

L.C. : À Agen, un joueur qui m’a vraiment marqué, c’est Rupeni Caucaunibuca. Il était hors du commun, un véritable phénomène. Il pouvait être aussi insaisissable sur le terrain que difficile à gérer en dehors. J’habitais juste à côté de chez lui, donc j’avais l’habitude de l’amener aux entraînements, de l’accompagner dans sa vie quotidienne. Il avait un talent brut, mais c’était aussi quelqu’un qui avait besoin d’un cadre pour s’exprimer pleinement. À Biarritz, c’est Éric Lund, dit le barbu, qui m’a marqué. Un pilier de l’équipe, dans tous les sens du terme. Un leader naturel, toujours là pour encadrer les jeunes et les pousser à se dépasser.

Q.H. : Quelle est la saison que vous considérez comme la plus aboutie pour toi ?

L.C. : Pour moi, la saison la plus aboutie, c’est la deuxième que j’ai passée à Biarritz (2015-2016). Là-bas, j’ai vraiment trouvé une forme de maturité dans mon jeu. J’étais plus à l’aise sur le terrain, je sentais que je pouvais m’exprimer pleinement. J’avais plus de responsabilités et c’était gratifiant de sentir cette confiance de la part de l’équipe. C’est un peu comme si les choses se mettaient en place plus naturellement, comme si je pouvais jouer plus librement. C’est vrai que parfois, à la fin de ta carrière, quand tu es plus expérimenté, tu apprécies davantage ce que tu fais.

Q.H. : Et aujourd’hui, qu’est-ce que vous devenez après votre carrière de rugbyman ?


L.C. : Après avoir décidé de raccrocher les crampons en 2018, j’avais deux objectifs principaux en tête. D’abord, arrêter au moment que je choisissais, sans subir les aléas d’une blessure. Ensuite, réussir ma reconversion professionnelle. Aujourd’hui, je gère la carrière de Vianne, un projet sur lequel je travaillais déjà avant d’arrêter ma carrière. Ce projet, c’est un peu ma manière de retrouver une forme d’engagement et de passion après le rugby. Le manque d’entraînements et de compétition, je l’ai compensé en m’investissant pleinement dans cette nouvelle aventure, avec la même intensité que celle que je mettais sur le terrain.

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