Sophie Bondil dirige l’Enap depuis le 5 juillet. Forte d’une expérience dans l’administration pénitentiaire, elle aborde ses priorités pour ce mandat : inculquer aux futurs personnels pénitentiaires des valeurs fortes, garantir leur formation continue et renforcer l’inclusivité au sein de l’école. Entre défis structurels et ambitions de modernisation, elle se donne pour mission de former des professionnels à la hauteur des attentes de ce métier exigeant.
Quidam Hebdo : Pourriez-vous nous parler de votre parcours avant de rejoindre l’Enap ?
Sophie Bondil : Bien sûr. Avant de prendre mes fonctions à l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap), j’occupais le poste de directrice interrégionale adjointe pour la direction de Lyon, couvrant la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cela impliquait la supervision de 16 établissements pénitentiaires et de 10 services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Donc un travail plus axé sur de la supervision, l’accompagnement, le soutien des structures et des équipes qui y sont affectées. Avant cela, j’ai dirigé le centre pénitentiaire de Toulon-la-Farlède et l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille. Ce poste à l’Enap est mon premier dans le Sud-Ouest après avoir œuvré sur Paris et dans le Sud-Est.
Q.H. : Vous avez occupé plusieurs postes à hautes responsabilités. Comment est-ce que cela se passe pour une femme dans le milieu pénitentiaire ?
S.B. : Pour moi, ce n’est pas une question d’être une femme ou un homme. Ce qui compte, c’est la manière dont on arrive à faire respecter son autorité, et cela passe par le travail, la bienveillance, et la connaissance approfondie du terrain. Cela me semble vraiment important d’avoir un management bienveillant, inclusif, et puis bien connaître le terrain. Diriger, c’est aussi être proche de ses équipes et comprendre les structures que l’on encadre. Quant à la présence féminine dans ces postes, le corps des directeurs des services pénitentiaires est aujourd’hui fortement féminisé, bien plus que ce que l’on pourrait imaginer.
Q.H. : Depuis votre arrivée à l’Enap, quels sont les défis que vous avez relevés et quels changements avez-vous initiés ?
S.B. : Diriger l’Enap est très différent de mes expériences passées en établissement. J’ai pris le temps de comprendre les spécificités de l’école. Un de mes objectifs principaux est de renforcer la transmission des valeurs fondamentales de l’administration pénitentiaire. Ces valeurs, comme le respect, la responsabilité, et la solidarité, doivent être inculquées dès la formation initiale, car elles sont au cœur de notre métier. Aussi, l’administration pénitentiaire est la troisième force de sécurité, et effectivement, je veux m’assurer de permettre c’est leur permettre de s’imprégner et de s’assurer qu’il y a une acquisition de ces valeurs pour pouvoir avancer, et pour que finalement, je dirais, l’ensemble des apprentissages soient appréhendés de la bonne manière.
Q.H. : Comment voyez-vous le rôle de l’ENAP dans l’évolution de l’administration pénitentiaire en France ?
S.B. : Le rôle de l’école est fondamental. Et puis, je dirais même qu’il est d’autant plus fondamental qu’on est la seule école multicatégorielle. L’Enap est essentielle, car elle forme l’ensemble des corps de l’administration pénitentiaire. Le bon fonctionnement de nos établissements dépend en partie de la qualité de la formation que les agents reçoivent dès le départ. Nous nous assurons que les agents arrivent dans les structures avec une solide base de compétences, même s’ils sont « débutants ». L’école intervient également pour la formation continue, permettant à nos agents de développer de nouvelles compétences et d’approfondir leur expertise au fil de leur carrière.
Q.H. : Vous avez récemment instauré la prestation de serment et rallongé la durée de la formation. Pouvez-vous nous en parler ?
S.B. : Absolument. Depuis juillet, tous les personnels pénitentiaires, quel que soit leur corps, doivent prêter serment. Cela permet de poser dès le début les bases des valeurs de l’administration pénitentiaire. Concernant la formation, nous avons également allongé la durée pour les surveillants. À partir de 2026, ils seront recrutés au niveau bac et bénéficieront de huit mois de formation au lieu de six, intégrant des modules sur des thématiques contemporaines comme la transition numérique et écologique.
Q.H. : L’ENAP a connu des incidents dans une promotion l’année dernière qui se sont soldés avec un rappel à l’ordre de l’ancien directeur. En tant que directrice, quel est votre rôle pour éviter que cela ne se reproduise ?
S.B. : L’école joue un rôle central dans la transmission des valeurs, et je veille personnellement à ce que le respect, la déontologie, et l’égalité soient mis en avant dans chaque formation. Il est inacceptable de tolérer des comportements déviants, qu’il s’agisse de racisme ou de violences sexuelles. L’école doit être un lieu de confiance où chacun se sent libre de s’exprimer et de dénoncer des actes inappropriés.
Q.H. : L’inclusivité semble être une priorité pour vous. Pouvez-vous en dire plus ?
S.B. : Comme dans toutes les administrations, l’administration pénitentiaire s’engage activement à promouvoir le recrutement de personnes en situation de handicap. Dans ma feuille de route, l’intégration de ces publics spécifiques est une priorité. Il est essentiel que ces élèves, bien que présentant des particularités, ne se sentent pas mis à l’écart et puissent suivre leur formation dans les mêmes conditions que les autres. C’est pourquoi l’aménagement de l’école et le suivi individualisé de leurs parcours sont pour moi des éléments fondamentaux. Je tiens à renforcer l’inclusion au sein de l’école, afin que chaque apprenant puisse se concentrer sereinement sur ses apprentissages, sans être freiné par le stress lié à son handicap ou à ses difficultés.
Q.H. : Quels sont vos ressentis après ces premiers mois passés à Agen
S.B. : J’ai été agréablement surprise par l’accueil chaleureux et la reconnaissance de l’Enap dans la région. L’école est perçue comme un véritable partenaire par les autorités locales, et cette intégration dans le territoire est très encourageante pour les actions que nous menons.
Q.H. Un mot pour conclure ?
S.B. : J’aimerais ajouter que le métier de formateur est trop peu valorisé. Nos formateurs travaillent avec passion pour accompagner nos élèves, et il est important de reconnaître leur contribution fondamentale à la formation des agents pénitentiaires.
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