Déchets en Lot-et-Garonne : Valorizon, le problème avec nos poubelles

L’Agglo de Villeneuve s’en est publiquement pris au syndicat de traitement des déchets, soulevant des problèmes de gestion. Mais qu’en est-il vraiment ?

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Il y a quelques jours, Gérard Régnier jetait un pavé dans la marre. Dans un courrier puis en conseil municipal, il s’en est pris à « la mauvaise gestion passée » de Valorizon, le syndicat de traitement des déchets de Lotet-Garonne. Le maire-président de la Communauté d’agglomération du Grand Villenevois dénonce plusieurs dysfonctionnements de la structure, engendrant d’importantes augmentations de charges pour intercommunalités. Ces déclarations ne font que mettre en lumière un mal plus profond qui ne date pas d’hier. Dans le landerneau politique local et chez certains professionnels du secteur, beaucoup s’étonnent de la stratégie de Valorizon depuis plusieurs années déjà.

Une gourvernance instable

En 2020, après douze ans de présidence du syndicat, Jacques Bilirit a laissé sa place à Michel Masset. Depuis un peu plus d’un an (octobre 2023), Ludovic Biasotto est à la tête de Valorizon après l’élection de son prédécesseur au Sénat. La valse des présidents, au gré des choix de carrière des uns et des autres, a aussi provoqué celle des directeurs. Eric Marty parti, c’est sa responsable communication Julie Farbos qui a repris le flambeau avant d’être remplacée par Stéphanie Gonzalo il y a neuf mois. La continuité fait aujourd’hui défaut dans la gouvernance politique et opérationnelle. Cela pose question quant au développement des projets. Les échéances électorales ne sont jamais bien loin alors que la gestion des déchets nécessite une vision à très long terme tant les dossiers sont compliqués à mener à bien.

Une gestion mal optimisée

Si Valorizon subit les augmentations de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP, passée de 15€ à 65€ la tonne en dix ans) fixée par l’État, et les répercute donc sur les collectivités membres, son fonctionnement n’apparaît pas comme 100% optimisé. Par exemple, la collecte et le transport sont gérés par chaque intercommunalité sans concertation ni mutualisation. Cela pourrait engendrer des économies de fonctionnement et ainsi préserver les citoyens des hausses brutales de fiscalité.

Le positionnement du Département //

Jacques Bilirit, Michel Masset et Ludovic Biasotto ont en commun d’être des piliers de la majorité au Conseil départemental. Si cela avait du sens par le passé, ce n’est plus aussi évident depuis la loi NOTRe de 2015. Sa promulgation a démis les Départements de leurs prérogatives quant à la planification de prévention et gestion des déchets au profit de la Région. Les intercommunalités sont de leur côté les opérateurs de terrain. Michel Masset avait pour lui d’être à la fois maire de Damazan, où siège Valorizon, et président de la com-com de la Confluence et des Coteaux de Prayssas. La légitimité de Ludovic Biasotto, qui ne bénéficie pas des mêmes mandats, est un peu plus contestée car elle montre l’influence persistante du CD47 au sein de cette instance malgré la perte de compétence. Avec 8 sièges sur 36 au comité syndical, le Département est mieux représenté que tous les EPCI et peut donc placer ses candidats. Néanmoins, cela ne semble pas actuellement être le vrai problème de fond. D’autant plus que sans la rallonge de 500 000 € en 2024, le syndicat aurait fi ni l’année avec un trou de 300 000 €.

un dispositif sous-dimensionné

L’un des plus gros problèmes à venir concerne la destination des ordures ménagères des lot-et-garonnais. Aujourd’hui, elles sont dirigées vers le site d’enfouissement de Monflanquin (ceux de Nicole, Miramont-de-Guyenne et Réaup-Lisse n’étant plus en activité). Monfl anquin est autorisé à accueillir 29 000 tonnes d’ordures ménagères par an. Sauf que la population de Valorizon produit 45 000 tonnes. Le delta de 16 000 tonnes part donc à l’exportation dans d’autres territoires voisins. Avec un inconvénient majeur : la dépendance vis-à-vis du secteur privé. Véolia, via ses différentes filiales, possède un quasi monopole. Sur les marchés publics, le géant du déchet peut donc fixer ses tarifs dans l’objectif d’optimiser ses marges. Là où Valorizon parvient à traiter la tonne d’OM autour des 120€ à Monflanquin, les prestataires extérieurs facturent environ 160€ avec en plus la possibilité que ça augmente encore. À cela s’ajoute un coût de transport bien plus élevé puisque les sites sont plus loin. Le cercle vicieux est enclenché. 75% des dépenses de Valorizon sont dévolus à ces prestations (en intégrant toutefois le tri sélectif réalisé à Damazan par Trivalo).

L’absence de prospective à long terme

Le site de Monflanquin arrive à la fin de son exploitation, avec une fermeture prévue en 2034, c’est-à-dire demain. Quel est le plan pour la suite ? Nul ne le sait et c’est pour le moins inquiétant. Créer un incinérateur ou un nouveau site d’enfouissement prendra plusieurs années, entre la phase d’études, la levée de toutes les contraintes environnementales, les arbitrages sur le choix d’emplacement, la construction, la mise en service… Il faut au bas mot prévoir 10 à 15 ans… Plus l’échéance est retardée et plus le poids des investissements à réaliser deviendra lourd à supporter. Qui sont les responsables de cette situation ? Tout le monde ! Certains élus ont bien tenté de trouver un nouveau site des années durant mais ils se sont heurtés aux réticences voire aux vétos de la population et d’associations qui en veulent bien chez les autres mais pas devant chez soi. Un peu comme les centrales nucléaires ou les éoliennes. Le manque de courage politique pour imposer ce qui est indispensable a fait le reste…

Le cas épineux de l’écoparc

En rachetant la friche industrielle de Xilofrance à Damazan pour y créer son écoparc, Valorizon n’a pas fait l’unanimité. Plusieurs millions d’euros ont été nécessaires pour acheter les 27 000 m2 de foncier et les aménager. Le site abrite une entreprise privée, Valoregen, dont l’activité n’a rien à voir avec les déchets ménagers. Idem pour Valoplâtre. Le centre de tri départemental, Trivalo 47, exploité par Paprec, est un atout mais n’avait besoin d’une telle structure (au sens administratif). L’écoparc, une belle idée par ailleurs, avait du sens dans son rapport avec l’économie sociale et solidaire. Sauf qu’il n’y a plus aucune activité de ce type active sur le site. Et ni le développement économique ni l’ESS ne font partie des attributions initiales du syndicat Valorizon… C’est pourtant bien l’écoparc qui occupe le devant de la scène médiatique. La partie financière est également problématique. Si le fonctionnement/exploitation est bénéficiaire depuis un an à peine, les autres exercices se sont avérés déficitaires. L’investissement est quant à lui loin d’être rentabilisé.

Quel avenir pour Valorizon

Gérard Régnier le confirme lui-même, le sursaut qu’il appelle de ses vœux pourrait bien remettre en cause la pérennité même de Valorizon si d’autres de ses confrères partageaient le même point de vue. Le syndicat peut-il être dissous ? Ce n’est pas si simple. Il faudrait pour cela avoir l’unanimité de chaque membre. Et dans le cas très improbable où cela arriverait, les intercommunalités ne seraient pas débarrassées du problème car il faudrait continuer à éponger le passif et assurer le suivi de tous les sites d’enfouissement pendant les 30 ans après leur fermeture. Impossible donc de claquer la porte sans conséquences. Le seul moyen de sortir de cette crise sans subir trop de dommages est de réunir tous les acteurs autour de la table, y compris l’Agglo d’Agen qui ne fait pas partie de Valorizon, pour engager tout de suite et sans attendre des chantiers structurants.

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