Lot-et-Garonne : la redevance incitative, vraiment une bonne idée ?

Pour pallier l’inflation spectaculaire de la gestion des déchets, de nombreuses intercommunalités souhaitent mettre en place une tarifi cation basée sur la production réelle des ménages. Retour d’expérience avec des collectivités l’ayant déjà mise en pratique.

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Pourquoi ça coince ?

Parmi les mesures qui divisent l’opinion, la redevance incitative est un modèle du genre. Face à une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) en hausse, il y a paradoxalement une baisse de la fréquence des collectes en porte à porte. Celle-ci est même parfois supprimée au profit des points d’apport volontaire. Payer plus pour moins de services en apparence, peu importe les explications derrière, suscite toujours une forme de colère. Avec la redevance incitative, les collectivités vont encore plus loin puisqu’il faudra changer de manière substantielle ses habitudes sous peine d’être lourdement sanctionné au niveau du portefeuille. Malgré cela, les intercommunalités n’ont plus vraiment le choix. La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 impose progressivement cette mesure.

Comment ça fonctionne ?

Avec la tarification incitative, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) peut inclure une part variable en lien avec la production réelle (TEOMI) ou devenir une redevance (REOM). En règle générale, les propriétaires occupants ou les locataires paient un montant forfaitaire qui inclut un certain nombre de ramassages à l’année. Tout dépôt supplémentaire au cours du même exercice est facturé en plus. Les intercommunalités, compétentes en matière de déchets, peuvent librement fi xer les tarifs. L’objectif est de diminuer la quantité d’ordures ménagères tout en augmentant le tri sélectif et le compostage. La redevance est la même pour tout le monde tandis que la TEOMI reste en partie basée sur le foncier bâti.

L’exemple des 4 cantons et du bassin fumélois

En Lot-et-Garonne, la Communauté de communes des Bastides en Haut-Agenais Périgord (CCBHAP), anciennement appelée les 4 Cantons, est pionnière en la matière. La réfl exion a commencé dès 2017 et a été mise en place de manière eff ective au 1er janvier 2020. En juillet 2024, la Cour des comptes a rendu un rapport qui analyse, entre autres, de manière détaillée les effets de cette mesure, chiff res à l’appui. Cet exemple pourra servir à d’autres territoires voisins. Fumel-Vallée du Lot s’est aussi emparée du sujet avec une année-test en 2024 devenue pleinement opérationnelle en 2025.

Dans les faits, ça donne quoi

On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Les politiques publiques sont faites de mesures plus ou moins efficaces pour remplir leurs objectifs initiaux. La CCBHAP a-t-elle réussi son pari ? Plus de quatre ans après l’entrée en vigueur de la redevance incitative, les chiffres semblent indiquer que oui avec quelques petites nuances…

L’avis de Didier Caminade, président de Fumel-Vallée du Lot

« À l’image de la CCBHAP, nous avons nous aussi enregistré une spectaculaire baisse des tonnages d’ordures ménagères. Nous sommes passés d’environ 6000 tonnes en 2023 à 2700 tonnes, soit 55 % de baisse. C’est évidemment lourd à mettre en place, la pédagogie n’est pas simple à mener. Il reste par ailleurs quelques incivilités (en baisse) mais la balance entre les avantages et les inconvénients est assurément positive. Chez nous, la redevance s’élève à 245 € pour 16 dépôts, avec 10 € de surplus pour chaque dépôt supplémentaire. Cela crispe surtout les éternels mécontents et ceux qui vont payer un peu plus cher : les locataires dont les bailleurs ne répercutent pas la TEOM, les habitants avec une taxe foncière très faible… Beaucoup d’autres en revanche vont voir leur facture baisser, en particulier dans les territoires avec une forte valeur locative. Cela va parfois du simple au double. Le record de TEOM dans notre intercommunalité atteint 920 €. Pour ces gens-là, ça fait une sacrée différence. Ce n’est donc pas si compliqué à faire accepter. C’est pourquoi je ne comprends pas pourquoi certains de nos voisins repoussent cette mesure. Il faut certes investir dans plus de points d’apport volontaire, dans les camions qui vont avec et dans les badges. Cela représente 5 M€ dans notre cas. L’amortissement est néanmoins assez rapide et les bénéfices importants. Nous avons moins d’agents pour la collecte, moins de transport. La seule chose qui m’inquiète est la facturation. Elle ne sera plus assurée par le Trésor public mais par nous. S’il y a des refus de paiement, cela nous impactera directement. En dehors de ça, il n’y a pas lieu d’hésiter. »

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