Santé : Jean-François Vinet : « Créer une offre de soins intégrée et transparente pour les patients »

Le nouveau directeur commun du CHAN et du PSVL nous a accordé un entretien dans lequel il répond aux questions sur les résultats à attendre de cette mutation.

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Quidam l’Actu : Le Centre hospitalier Agen-Nérac et le Pôle de santé Villeneuve-Vallée du Lot ont désormais une direction commune. Quels en sont les objectifs ?

Jean-François Vinet : Il faut revenir un peu en arrière. Il existe déjà depuis un certain temps, comme dans beaucoup de départements, un Groupement hospitalier de territoire (GHT). Il englobe Agen-Nérac, Villeneuve ainsi que Marmande. On se doit de reconnaître qu’il n’a pas produit les effets escomptés en termes de coopération. Il a permis quelques avancées sur les procédures d’achat public par exemple mais, soyons clairs, il s’agit de gains marginaux car le gros de notre budget, ce sont les dépenses de personnel pour environ 65%. Le principal enjeu est de structurer les activités de soin.

https://quidam-hebdo.com/2025/09/29/sante-les-hopitaux-dagen-et-villeneuve-partagent-la-meme-gouvernance/?fbclid=IwY2xjawNa289leHRuA2FlbQIxMABicmlkETFCSVFCZ2VVTXo1bTdqcW1PAR4WUpVGqYurYsGVr0D-OljhHB3BjSv0lDR-yCmXnmJutjpTj7aW_I6YBB8xVA_aem_5xBPTIWfTUcshsh3ITC6Nw : Santé : Jean-François Vinet : « Créer une offre de soins intégrée et transparente pour les patients »

Quidam l’Actu : Lors de la présentation de ce projet de direction commune, il a été précisé que chaque établissement conserverait son statut, son organisation et ses instances. Qu’est-ce que cela signifie ?

Jean-François Vinet : On parle de direction commune, pas de fusion ! Cette nuance est fondamentale. On ne souhaite pas tout bouleverser. On ne touche pas aux conseils de surveillance, de façon à ce que les élus locaux continuent à suivre ce qu’il se passe sur leur secteur. On ne touche pas non plus aux CME (ndlr, Commission médicale d’établissement, instance représentative), au personnel non médical… Les acteurs concernés y sont attachés. Le fait d’avoir une direction commune va en revanche permettre d’avancer ensemble et non plus séparément.

Quidam l’Actu : Pouvez-vous préciser ?

Jean-François Vinet : La direction, ce n’est pas seulement un homme ou une femme qui agit en chef d’orchestre. C’est toute une administration, un ensemble de fonctions supports à l’activité médicale. On va pouvoir, désormais, travailler de concert sur plusieurs sujets et mutualiser les forces. Les ressources expertes se font de plus en plus rares. Je prends un exemple : les systèmes d’information. Notre nouvelle directrice de ce service vient du PSVL et pourra harmoniser nos pratiques, ce qu’elle a d’ailleurs commencé à faire. Et puis il y a les efforts de rationalisation qui doivent commencer par nous. À Villeneuve, le directeur délégué viendra remplacer le poste de directeur général et celui d’adjoint. Un poste en moins, je crois que le symbole est important. La réorganisation se fera progressivement au gré des opportunités que l’on anticipe déjà sur les années à venir. Opérer des coupes franches serait contre-productif.

Quidam l’Actu : Maintenir chaque structure ne s’avère-t-il pas être une usine à gaz impossible à piloter ?

Jean-François Vinet : J’ai passé huit ans au CHU de Bordeaux. Trois sites, 11 000 salariés auxquels s’ajoutent 3000 internes et une seule organisation. Est-ce que la performance générale est optimisée ? Je n’en suis pas si sûr. L’inertie limite l’agilité et la souplesse. Il est très difficile de porter des projets. Je ne crois pas que tout bouleverser ici serait une solution miracle. En réalité, contrairement aux apparences, il n’y a pas de millefeuille administratif.

Quidam l’Actu : Du côté des patients, à quoi faut-il s’attendre ?

Jean-François Vinet : L’ambition, c’est la transparence. Quand on a créé le Pôle de santé du Villeneuvois (ndlr, Jean-François Vinet en était le directeur entre 2013 et 2015), il y avait au sein du même bâtiment la clinique, devenue GCS, et l’hôpital public. Pour les patients, la question de savoir de quel côté aller ne se posait pas et la prise en charge était la même. On veut appliquer la même chose à plus grande échelle. L’offre de soins doit être intégrée, fluide et sans rupture. Une prestation clé en main en quelque sorte. Tout le parcours sera organisé et relativement standardisé. D’ici peu, le dossier patient informatisé sera commun et hébergé dans la même base de données. D’un hôpital à un autre, on saura quels ont été les traitements mis en place, les résultats d’analyse et d’examen. On pourra même organiser les rendez-vous entre deux sites. Cela prendra un peu de temps avant d’être généralisé mais c’est le chemin que l’on emprunte. Tous les quinze jours, nous nous verrons avec les présidents de CME (ndlr, les docteurs Faucheux, Mongo et Durou) pour attaquer la structuration d’une spécialité médicale.

Quidam l’Actu : Une direction commune, c’est aussi gérer deux budgets et deux déficits. Comment allez-vous aborder ce volet financier ?

Jean-François Vinet : On ne peut pas appliquer une politique unique car la situation de chaque hôpital est différente. Le déficit du CHAN, autour des 4%, se situe dans la fourchette des établissements comparables en Nouvelle-Aquitaine. C’est plus compliqué à Villeneuve qui a un déficit plus important. Les mesures à mettre en œuvre ne seront pas forcément les mêmes. Néanmoins, la feuille de route fixée par l’ARS est identique : un plan de retour à l’équilibre. En commun, il y a également la recherche de recettes. Il y a une partie « facile » : le codage. Comme vous le savez, nous sommes rémunérés sur la base d’une tarification à l’activité. Un codage mal effectué aboutit sur un séjour mal valorisé. On se doit de tout faire pour que les paiements de l’Assurance maladie soient au niveau des moyens que nous avons engagés. Optimiser, c’est se faire payer au juste prix.

Quidam l’Actu : Quelles sont les axes d’amélioration moins faciles ?

Jean-François Vinet : Même si l’on est dans le monde de la santé, on parle en parts de marché. Certains patients ne sont d’office pas pour nous, car ils relèvent des CHU ou des cliniques très spécialisées. On ne les cible donc pas. C’est valable au niveau local avec la clinique Esquirol Saint-Hilaire à la pointe sur la cardiologie interventionnelle et sur la radiothérapie. Mais il y a aussi ce que l’on appelle des « fuites ». Le bloc chirurgical agenais tourne à 66% de taux d’occupation alors qu’on devrait être aux alentours de 85% pour assurer une rentabilité. Le GCS de Villeneuve a presque plus d’activité que le CHAN à ce niveau. On doit s’améliorer là-dessus.

Il faut aussi anticiper l’évolution des pratiques et donc le dimensionnement futur de nos services. Les progrès de la médecine nous poussent vers plus d’ambulatoire et moins d’hospitalisation complète. Attention toutefois à la réalité du territoire rural qui est le nôtre avec une patientèle parfois âgée et isolée. L’ambulatoire ne pourra pas être autant appliqué que dans les grandes métropoles.

Quidam l’Actu : La crainte qui accompagne souvent les processus de mutualisation est de voir des services être fermés ponctuellement ou définitivement. Faut-il en avoir peur ?

Jean-François Vinet : La seule chose qui peut provoquer des fermetures, c’est le principe de réalité. La démographie médicale fait loi. S’il n’y a plus de praticiens et d’opérateurs dans une spécialité, l’ARS n’aura pas d’autre choix. La direction commune, elle, permettra au contraire de ralentir le processus de dégradation et maintenir la continuité de l’offre de soins.

Nous faisons également tout ce qui est en notre pouvoir pour recevoir des internes et des « docteurs juniors ». Si l’ARS et la faculté décident de nous en adresser plus souvent, nous aurons plus de chances de voir nos effectifs croître. 

Quidam l’Actu : Le cas de l’urologie, avec des consultations à Agen de médecins villeneuvois, a été évoqué. Est-ce que l’on se dirige petit à petit vers plus de mouvements des praticiens entre les deux établissements ?

Jean-François Vinet : Nous n’avons pas vocation à imposer un exercice multi-sites. Si cela doit se faire, ce sera uniquement sur la base du volontariat. Cependant, en fonction des situations et en attendant des renforts pérennes (augmentation du nombre de médecins formés suite à la fin du numerus clausus), cela peut s’avérer pertinent. Notre cible, c’est de constituer des équipes médicales avec 4, 5 voire 6 praticiens. De cette façon, on partage plus équitablement la pénibilité des gardes et on peut mieux compenser les absences liées aux congés sans que la vie personnelle de chacun en pâtisse. Tout ça doit se penser dès maintenant et être intégré dans le recrutement.

Quidam l’Actu : Un mot enfin sur la crise des urgences qui a marqué cette année 2025 ?

Jean-François Vinet : Il faut rappeler toutes les causes qui ont créé les conditions de cette crise. Il y a d’abord un manque d’effectifs. À Agen, on devrait avoir dans l’idéal 32 urgentistes. Nous sommes entre 22 et 23. Et à partir du moment où le CH d’Auch et la clinique ferment régulièrement leurs urgences, l’activité explose. Derrière, il y a les problématiques de rémunération avec un temps de travail additionnel qui n’est plus aussi bien valorisé qu’en période Covid. Sans oublier les locaux trop petits, le projet de restructuration ayant pris du retard. Tous ces facteurs ont créé beaucoup de tension. À Villeneuve, où le nombre de passages quotidiens est proche de celui d’Agen, l’équilibre est très fragile du fait de la petite taille de l’équipe. On ne peut donc pas dire que cette crise est terminée. Il nous faut vite plus de monde.

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