ARCHIVES. Le Lot-et-Garonne durant la Grande Guerre

En cette période de mémoire, nous vous proposons de replonger dans le récit des Lot-et-Garonnais durant la Première Guerre mondiale.

0 Shares
Les réservistes lot-et-garonnais prennent le départ pour la Grande Guerre.©Archives départementales de Lot-et-Garonne

Quand la mobilisation générale est décrétée en août 1914, les quais d’Agen, de Marmande ou de Villeneuve-sur-Lot résonnent de chants patriotiques. Les trains militaires partent dans un tumulte d’applaudissements, fusils et canons ornés de fleurs, les wagons affichant des inscriptions bravaches : « Train de plaisir pour Berlin », « À bas l’Allemagne ! » Plus de 20 000 hommes quittent alors le département, rattachés pour la plupart à la IVe armée. Le 9e régiment d’infanterie, le 18e d’artillerie, le 20e d’infanterie, le 129e territorial ou encore le 218e régiment de réserve emportent avec eux tout un pan de la vie locale.

22 août 1914, le baptême du feu

À peine engagés dans les Ardennes belges, les Lot-et-Garonnais sont frappés de plein fouet par la guerre moderne. À Bertrix, près de 800 hommes tombent en une seule journée. Le 20e régiment d’infanterie, en première ligne, est décimé. « Les méridionaux ont lâché ! » peut-on lire au cœur de lettres d’anciens poilus du 47 conservées aux archives départementales. Le département vient de connaître son premier deuil collectif. Il n’est que le début d’une longue hécatombe.

Le quotidien bouleversé

L’hôpital militaire est surmené dès 1914. ©Archives départementales de Lot-et-Garonne

Alors que les poilus s’enlisent dans la boue de Champagne, la vie s’organise à l’arrière. Agen accueille, dès septembre 1914, plus de 1 600 blessés. Des comités de secours s’improvisent, les salles communales deviennent hôpitaux. Dans les campagnes, les chevaux sont réquisitionnés, les femmes remplacent les hommes aux champs, et les prix flambent. Les restrictions s’intensifient : sucre, pain, charbon, gaz, tout vient à manquer. Les pâtisseries ferment deux jours par semaine, le ramassage des ordures est limité, les soirées s’éclairent à la bougie. En 1917, trois jours sans viande sont imposés localement chaque semaine. Et pourtant, on chante encore la Marseillaise lors des fêtes patriotiques du 14 juillet, on collecte pour les blessés, on baptise la place du Grand Séminaire du nom de place Verdun. Le moral tient bon.

Des femmes au front de l’effort

L’État fait appel à la main-d’œuvre féminine. Des Lot-et-Garonnaises partent travailler dans les poudreries de Gironde, d’autres rejoignent les ateliers d’armement. À Agen, une nurserie gratuite ouvre pour les mères mobilisées dans les usines de guerre, une première dans le Sud-Ouest. On tricote, on coud, on soigne… c’est une autre forme d’héroïsme.

Les bataillons lot-et-garonnais dans la tourmente

Au fil des ans, les régiments du département connaissent toutes les grandes batailles : Champagne, Artois, Verdun, le Chemin des Dames. En 1917, un vent de lassitude souffle : au 20e R.I. (régiment d’infanterie), grandement composé de locaux du du Lot-et-Garonne, 200 soldats refusent de remonter au front. Six d’entre eux seront condamnés à mort, mais aucune peine ne sera exécutée. L’été 1918, enfin, marque la revanche : les hommes du 47 participent à l’offensive victorieuse sur l’Ourcq. Le 9 novembre 1918, le 20e régiment d’infanterie est le premier de l’armée française à franchir la frontière belge. L’armistice est signé deux jours plus tard.

11 novembre 1918, la liesse locale

Le 9ème régiment d’infanterie faisant son retour à Agen. ©Archives départementales de Lot-et-Garonne

Ce jour-là, le département tout entier s’embrase de joie. Le soir à Agen, les rues s’illuminent de flammes de Bengale, les lycéens défilent avec des lanternes vénitiennes, les drapeaux s’agitent aux fenêtres. Sur le balcon de l’hôtel de ville, le maire Georges Laboulbène s’adresse à la foule : « Élevons nos cœurs vers la mémoire de ceux qui glorieusement sont morts pour la défense du droit et de la liberté. Français, restons unis autour du drapeau républicain. Vive la République ! » Dans le tumulte, la Lyre Agenaise entonne La Marseillaise avant que la foule ne reprenne en chœur. Le baryton Caruso, célèbre pour l’époque et invité au théâtre Ducourneau ce soir-là, « chante l’hymne national sous une ovation ».

Les jours de la Victoire

L’année suivante, les fêtes de la Victoire rassemblent plus de 10 000 Agenais au cimetière. Sur le Gravier, un défilé militaire, des régates, un concours d’athlétisme, des bals et retraites aux flambeaux célèbrent la paix retrouvée. Les artilleurs, leurs canons couverts de fleurs, défilent sous les vivats. La guerre est finie. Mais le prix est lourd : près de 40 000 Lot-et-Garonnais ont été mobilisés. Plus de 9 500 n’en sont pas revenus. Plus de cent ans plus tard, les multiples monuments et cérémonies rappellent les sorts de ces milliers de visages partis un été de 1914, dans la lumière d’août, « persuadés qu’ils reviendraient avant Noël. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

+ 7 = 15