Finances : augmentation de la dette à Villeneuve, vrai ou non-sujet ?

La fin de mandat du tandem Lepers-Régnier a vu les budgets d'investissements grimper et entraîner l'encours de dette dans la même dynamique. Analyse de la situation avec la majorité et ses oppositions.

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Le récent débat d’orientations budgétaires a permis de prendre un peu de recul sur la situation financière de la Ville, sur les dernières années comme les prochaines. Pendant les trois premiers exercices du mandat, la section investissement est restée très faible et la dette a pu diminuer d’environ 5 M€ par rapport à 2019. Derrière, la municipalité a accéléré son rythme de croisière et multiplié les projets d’envergure faisant bondir la dette. L’encours des créances est passé de 19,6 M€ en 2023 à 31,6 M€ cette année, ce qui fait une hausse de +61% en l’espace de deux ans. La projection pour 2028 fait grimper le tout à 33,9 M€, soit près de +73% d’augmentation. Le montant de l’annuité de remboursement d’emprunts dépasse les 3,3 M€, dont 610 k€ d’intérêts.

Il est important de noter que les principaux ratios de pilotage (taux d’épargne brute au-dessus de 10% et capacité de désendettement sous les dix ans) sont parfaitement dans les normes admises et ne suscitent pas d’alerte immédiate. Cependant, la trajectoire empruntée reste à surveiller.

Gérard Régnier – maire de Villeneuve-sur-Lot

« Il faut toujours garder à l’esprit qu’un mandat communal dure six ans. Quand il y a une alternance comme en 2020, au moment de la prise de fonctions, on prend connaissance, on prend les décisions, on travaille. Cela prend du temps et cela explique l’évolution des ratios. La municipalité précédente a fait ce qu’elle estimait juste mais si elle n’a pas été réélue ce n’est pas pour rien car pas grand-chose n’a été fait. Elle nous a par ailleurs laissé des bâtiments dans un état déplorable comme l’église Sainte-Catherine. Il a bien fallu financer les travaux en plus du reste. La dette en elle-même n’est pas un problème, c’est d’ailleurs un outil tout à fait normal et utile pour mener des politiques publiques. On dit que les suivants paieront mais c’est assez logique. Ces investissements ne sont pas seulement pour demain matin, ils sont pour les 20, 30 ou 50 prochaines années. Ce qui compte vraiment, c’est la capacité de désendettement et elle reste parfaitement acceptable. Il faut aussi prendre en compte le fait que cette majorité, avec de nouveaux membres, a bien l’intention d’être réélue pour un second mandat. Vous pensez bien qu’on ne va pas se mettre nous-mêmes dans l’embarras financier alors que de grands chantiers seront à mener, du côté de l’ancien hôpital Saint-Cyr ou du Théâtre, entre autres. Tout ça est réfléchi, et bordé. La seule chose que l’on ne maîtrise pas, c’est ce que l’État pourrait nous imposer comme contrainte. N’ayant pas de boule de cristal, on se fie à ce qui est en place aujourd’hui. Si une autre équipe est élue, elle fera ce qu’elle jugera bon. Mais il n’y a pas de problème aujourd’hui avec les finances de la Ville.« 

Thomas Bouyssonnie – Villeneuve C’vous //

« Faire cette analyse en fin de mandat est intéressant car on peut voir l’évolution et, dans le cas présent, tous les indicateurs de gestion ont été dégradés. Les ratios financiers étaient pourtant très bons à leur arrivée. On parle de 70% de dette en plus en très peu de temps. L’écart en valeur est quand même très important. La capacité de désendettement se rapproche dangereusement des 10 ans, ce qui veut dire qu’à la moindre secousse, cette dette peut devenir un gros problème. Cela a largement servi à financer les allées Georges-Leygues ou le stade Max-Rousié. On pourrait se réjouir de ces réalisations s’il ne restait pas d’autres bâtiments publics en état très dégradé comme le théâtre ou le parc des expos. Idem pour les chaussées et les trottoirs qui concernent tous les habitants. Le choix a été fait d’investir énormément sur des choses très visibles, parfois sur des équipements fonctionnels, soit. On le sait, les projets sont très longs à monter et cela explique le décalage entre les investissements réduits en début de mandat et ceux plus importants à la fin. Mais le cycle a été complètement déformé avec un effet d’à-coups très marqué et aligné sur le calendrier électoral. Et cela obère les marges de manœuvre de la prochaine équipe parce qu’il ne sera pas possible de maintenir ce rythme sur six ans. L’inquiétude est d’autant plus grande que parallèlement à ça, on voit aussi les dépenses de fonctionnement flamber avec beaucoup d’embauches, et pas seulement pour renforcer la police municipale. On change d’étiage. Il y a eu une hausse des recettes record en face mais celles-ci sont volatiles. Les dépenses, elles, tendent toujours à rester au même niveau. La dynamique n’est donc pas bonne. »

Geoffroy Gary – Union pour Villeneuve

« Derrière la dette, il y a le pouvoir d’achat des Villeneuvois. Chaque maire a tendance à vouloir son projet pharaonique en espérant être réélu. Pour moi, l’inauguration des allées Georges-Leygues, c’est une photo à 6 M€. Guillaume Lepers et son équipe vont couper le ruban, et il faudra le temps de deux mandats derrière pour payer la facture. On va nous rétorquer que les ratios sont bons mais les chiffres sont trompeurs. Les projections sur les capacités de désendettement sont faussées car elles reposent sur un niveau de recettes équivalent à celui d’aujourd’hui, et cela ne se produira pas, entre l’État qui cherche des économies et les habitants qui fuient la ville. L’équipe qui prendra la suite devra tout simplement trouver des leviers pour éviter la banqueroute ! La taxe foncière est déjà la plus haute de tout le département avec un taux de 65,82%. Avec cette politique, elle va peut-être encore augmenter. Quand je vois Guillaume Lepers préconiser une diminution de la dette de l’État et une baisse du nombre de fonctionnaires alors qu’il fait l’exact inverse à la mairie et à la CAGV, je trouve cela indigne. »

Stéphane Boukhari – Un souffle nouveau pour Villeneuve

« On voit bien qu’on ne peut pas parler d’une gestion en bon père de famille. Les investissements sont catastrophiques. On reste dans les ratios mais la ligne rouge n’est pas loin. On s’approche dangereusement du précipice. Cela donne l’impression que rien n’a été anticipé. Et encore, on ne sait pas vraiment ce qu’il reste dans les caisses. Avec les jeux d’écriture comptable, on découvrira peut-être de mauvaises surprises l’an prochain. Cela laisse trop peu de marge de manœuvre à la future municipalité, quelle qu’elle soit. Tout ça pour un bénéfice quasi nul. On est dans une politique du « m’as-tu-vu » qui est délétère pour la ville. De surcroît, il y a d’énormes dépenses pour l’évènementiel par exemple alors qu’il y a d’autres priorités. On va nous dire que ce sont des charges de fonctionnement et pas d’investissement. Sauf que quand on se montre économe en fonctionnement, l’excédent vient nourrir l’épargne brute et finance les investissements sans trop avoir recours à l’emprunt. »

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