Le musée des Beaux-Arts d’Agen


À Agen, tout commence véritablement en 1875. Les anciennes bâtisses de l’hôtel de ville et des prisons, inoccupées, se dégradent rapidement. Les hôtels particuliers d’Estrades, de Vaurs et de Vergès, trois témoins de la Renaissance bâtis sur l’ancien rempart médiéval, sont menacés. Leur avenir tient alors à un fil. Alerté par un rapport dénonçant la dégradation des collections dispersées dans la ville, le maire Joseph Meynot décide de prendre une décision radicale : créer un musée municipal dans ces bâtiments qu’il faut restaurer de fond en comble. La charpente, les toitures, les circulations… tout est à revoir. Mais la population suit. En 1876, une « société du musée » voit le jour. À sa tête, Adolphe Magen. Très vite, les dons affluent : tableaux, fossiles, objets d’art, collections scientifiques. Le banquier Félix Aunac finance même une aile entière, celle qui borde aujourd’hui la rue Chaudordy. En dix ans, le musée a doublé de surface. En 1880, il ouvre officiellement ses portes.
Pourtant, l’idée d’un musée agenais est née bien plus tôt. Dès 1793, un embryon de « muséum » se forme dans l’ancien évêché (actuelle préfecture), composé de livres confisqués, d’œuvres religieuses et de collections scientifiques. Le tout est patiemment préservé par Jean Florimond Boudon de Saint-Amans, figure majeure des Lumières locales. En 1836, l’avocat et député Sylvain Dumon relance le projet après avoir obtenu du Muséum national d’Histoire naturelle des envois de fossiles, minéraux et bustes. Mais faute de lieu adapté, les collections stagnent, jusqu’au tournant des années 1870 et à la décision de du premier édile Joseph Meynot.
Quatre hôtels particuliers pour un musée //

Aujourd’hui, le musée des Beaux-Arts d’Agen forme un ensemble unique, presque labyrinthique, de quatre hôtels particuliers Renaissance.
Hôtel d’Estrades (XVIIᵉ siècle)

Point d’entrée du musée et salle du Moyen Âge, l’hôtel d’Estrades appartenait dès le XVIᵉ siècle à la famille d’Estrades, dont plusieurs membres ont joué un rôle politique majeur, notamment Godefroy d’Estrades, diplomate de Louis XIV. Acquis par les consuls en 1658, il devient Maison du Roi, puis hôtel de ville. Il ne reste aujourd’hui qu’une partie du logis d’origine, notamment l’escalier d’honneur, le reste ayant été amputé au XIXᵉ siècle.
Hôtel de Vaurs (XVIᵉ siècle)

Édifié par une riche famille agenaise, cet hôtel est acquis en 1765 pour abriter… les prisons municipales !
Organisé en L autour d’une cour d’honneur, il possède une façade Renaissance décorée et un superbe escalier en vis typique des années 1530-1540.
Hôtel Vergès (XVIᵉ–XVIIᵉ siècles)
Ancienne maison d’un médecin agenais, reconstruite en grande partie vers 1675, il est surtout remarquable pour sa cour intérieure : deux façades Renaissance et une frise issue de la demeure des Albret à Casteljaloux.
Hôtel de Monluc (XVe siècle remanié)

Demeure successivement confisquée, offerte à Diane de Poitiers puis à Marie Stuart, il est acquis dans les années 1560 par le maréchal Blaise de Monluc. On y trouve encore des baies gothiques éclairant la grande salle où Monluc reçut en 1565 Charles IX, Catherine de Médicis et les futurs Henri III et Henri IV.
Le musée de Gajac de Villeneuve-sur-Lot
À Villeneuve-sur-Lot, le musée de Gajac possède une histoire radicalement différente, presque inattendue. Son acte de naissance, ou du moins sa première pierre moderne, survient dans les années 1980 grâce à une exposition mêlant gravures de Piranèse et univers des Cités obscures des auteurs belges Schuiten et Peeters. Le parallèle entre les architectures imaginaires et les prisons labyrinthiques de Piranèse frappe les critiques. L’événement villeneuvois fait même école : une exposition similaire est montée au musée Fesch d’Ajaccio. Les gravures de Piranèse, dépôt d’État à la fin du XIXᵉ siècle, deviennent l’un des fonds précieux du futur musée.

Le musée est installé dans un lieu qui raconte à lui seul huit siècles d’histoire : le moulin de Gajac.
Mentionné dans l’acte de fondation de la bastide en 1264, il est en réalité bien plus ancien : fondé en 1185 par la puissante abbaye bénédictine d’Eysses, il abritait alors quatre paires de meules destinées à nourrir les moines. Lors des guerres de Religion, il est ravagé, puis reconstruit. Au XVIIIᵉ siècle, l’abbaye le vend à de riches marchands, les Bercegol. Au XIXᵉ siècle, son destin bascule : il devient minoterie industrielle en 1860 sous l’impulsion de Jean-Osmin Jaubert, puis site de production d’électricité à partir de 1896, lorsque la société Renoux y installe des turbines.

Le complexe industriel s’étend : boulangerie, scierie, filature, atelier de chapeaux, fabrication de peignes en corne… Gajac bourdonne d’activité jusqu’à la crue du 10 mars 1927, qui engloutit trois niveaux du moulin. En 1946, EDF en fait son siège régional avant d’abandonner le site à la fin des années 1960, lorsque la digue est détruite. C’est alors que la Ville s’intéresse à ce géant de pierre. En 1969, le site est classé. En 1981, Villeneuve-sur-Lot l’achète. De 1986 à 1989, de lourds travaux de rénovation (toiture, charpente, planchers), restructurent entièrement l’intérieur.
Un temps pensé comme musée de la vallée du Lot, Gajac change de cap après 2001 : ses collections permanentes trouvent leur place dans le moulin, tandis que les expositions temporaires s’orientent résolument vers l’art contemporain. Ce lieu, où les Villeneuvois des années 1950 apprenaient à nager au pied du moulin, car l’école municipale de natation y avait trouvé refuge, est devenu un espace culturel hybride, enraciné dans le Moyen Âge, marqué par l’histoire industrielle, et ouvert aux créations contemporaines.





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