Energie : « Pour casser la spéculation, il faut arrêter la consommation »

Mesmin Béragnes, le gérant de la briqueterie Tellus Ceram à Monsempron-Libos est particulièrement impacté par la crise de l'énergie et l'inflation sur les matières premières

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Son usine avait servi de décor pour le film En guerre, avec Vincent Lindon. Quelques années après, la guerre est bien là ! Contrairement au long-métrage, le conflit n’est pas social mais financier avec une inflation tout simplement insupportable pour la modeste PME qu’est Tellus Ceram. Pour resituer le contexte, cette briqueterie du Fumélois est spécialisée dans les produits réfractaires à destination de l’industrie. Son patron, Mesmin Béragnes, n’hésite pas à clamer haut et fort que son entreprise est tout simplement « la meilleure dans le monde d’un point de vue technologique » dans son secteur d’activité. Selon lui, aucun concurrent n’est capable d’atteindre ce niveau de qualité, ce qui assure à Tellus Ceram des commandes venant du monde entier. Malgré tout, l’équilibre reste fragile. Encore plus en cette période troublée.

250 000 € de gaz par mois

La hausse des prix des matières premières suit une courbe très inquiétante : « Tous les mois, ça prend 20% supplémentaire. En moins d’une demi-année, les tarifs ont doublé », explique Mesmin Béragnes. Mais il y a encore pire du côté de la facture énergétique. Pour certains produits, la briqueterie a besoin de chauffer son four principal jusqu’à 1850°C. Pour cela, il faut du gaz, beaucoup de gaz. Et la crise actuelle de l’énergie fait planer une sérieuse menace sur l’activité. « On est déjà en plein dedans, déplore le chef d’entreprise. On est violemment impactés. Notre mensualité est passée de 25 000 à 250 000 euros… » Oui, vous avez bien lu. Pour que Tellus Ceram puisse continuer à fonctionner normalement, il lui faut débourser un quart de million d’euros chaque mois simplement pour payer le gaz. La somme est si astronomique qu’elle en devient insupportable.

Arrêt des fours

C’est pourquoi la décision a été prise d’arrêter le four pour l’hiver dès la deuxième quinzaine d’octobre. Une attitude radicale face à une situation qui l’est tout autant. « La raison est économique bien sûr mais aussi civique. On s’inscrit nous aussi dans la démarche de sobriété », concède Mesmin Béragnes. La démarche est également politique. « Ce qui se passe aujourd’hui est le fruit d’une spéculation. Pour casser cette spéculation, il faut arrêter la consommation. C’est la loi de l’offre et de la demande. Dans un monde aussi violent, on ne peut éviter le bras de fer. De toute façon, à ces prix, ce n’est tenable pour personne. Le modèle est trop déséquilibré », poursuit-il. L’arrêt du four ne provoquera pas de chômage technique ni de licenciement, grâce à une judicieuse réorganisation des équipes.

Changement de modèle

Si l’établissement de Monsempron-Libos peut se permettre un tel break hivernal, c’est parce que la gestion des derniers mois, voire années l’autorise. Par anticipation, la saison estivale 2022 avait été particulièrement prolifique. Mais les efforts remontent plus loin en arrière. « Depuis le premier confinement, on n’a pas arrêté de travailler. Quand les autres stoppaient ou ralentissaient l’activité, on est restés à plein régime. On a continué à produire et à acheter des matériaux. Cela nous a donné de l’avance. Dans la situation que nous traversons, il vaut mieux avoir 6 mois de stock que 3 mois de trésorerie dans les caisses. On fabrique actuellement à perte mais le stock emmagasiné permet de payer la différence. »

x10 : L’augmentation de la facture de gaz constatée par la briqueterie Tellus Ceram à Monsempron-Libos

Après avoir sondé une dizaine de ses plus gros clients, le gérant de Tellus Ceram a obtenu des délais de livraison allongés de plusieurs mois et surtout une révisions des conditions tarifaires. Désormais il y a deux factures, l’une pour le produit, l’autre pour la dépense énergétique engagée. Reste maintenant à savoir si tous les établissements auront la même résilience et si un retour à la normale est envisageable à moyen terme…

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