Et si le Lot-et-Garonne parvenait à exporter sa propre énergie renouvelable ?

Alors que le coût du gaz et de l’électricité n’en finit plus d’augmenter et de marquer des crispations, la question de la sortie des énergies fossiles revient sur le devant de la scène. De nombreuses solutions existent pour tenter de retrouver une souveraineté énergétique. Le Lot-et-Garonne peut notamment s’appuyer sur le photovoltaïque et la méthanisation qui produit du biogaz.

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La méthanisation est un procédé dans lequel Territoire d’énergie (ndlr, ancien Syndicat départemental d’électricité et d’énergies) croit beaucoup. Derrière ce mot un peu barbare, se cache « un cercle vertueux qui ne bénéficie pas de tout l’intérêt positif qu’il mériterait », juge Jean-Marc Causse, président de la structure. Il consiste en la fermentation de matières organiques, principalement issues du monde agricole. Cela découle sur un biogaz 100% local et capable de se substituer à l’énergie fossile telle qu’on la connaît et qui marque des crispations depuis des mois. Les services du syndicat n’ont pas attendu cette crise énergétique pour se pencher sérieusement sur le sujet. « C’est une réflexion qui est ancienne car nous sommes convaincus des bienfaits de la méthanisation et du biogaz, avant même ces questions d’autonomie, poursuit Jérôme Queyron, directeur de TE47 depuis 12 ans. Dès 2015, nous avons défi ni un schéma directeur qui a donné vie au programme Co’meth 47, lancé en 2019. Nous sommes un département agricole, ce qui fait qu’il y a un véritable potentiel. Nous avons donc voulu être proche des agriculteurs pour mettre en place des projets à tailles raisonnables. » Un gros travail de pédagogie a notamment été nécessaire pour convaincre les exploitants de franchir le pas mais aussi de s’associer entre eux. Six unités de méthanisation agricole sont en développement dans le département et quatre fonctionnent déjà à plein régime. C’est notamment le cas de Pouchiou Energie, mis en service en début d’année et raccordé sur le réseau de gaz d’Astaffort. Le porteur de projet est un GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) d’éleveurs laitiers. Ce sont 12 000 tonnes de matières organiques qui nourrissent chaque année le méthaniseur et permettent la production de 9 GWh de gaz, soit la consommation de 1 600 foyers.

Pas de céréales dans les méthaniseurs

D’ici 2025, le Lot-et-Garonne devrait atteindre une part de 9% de biogaz dans son réseau. L’objectif national est fixé à 8% pour 2028 car la France doit combler un sérieux retard sur des voisins comme l’Allemagne, l’Italie ou le Portugal. « Les Allemands ont pris le pari de remplacer l’alimentation par la production de l’énergie, explique Jérôme Queyron. C’est la production céréalière qui, en très grande partie, arrive dans les méthaniseurs. Ce n’est pas notre approche. » Rauna Barth, chargée de mission sur le biogaz poursuit : « L’Allemagne en est venue à limiter cet apport à 50% de culture alimentaire mais ça reste énorme. En France, la limite imposée est de 15% mais on estime qu’il n’y en a que 5%. Dans notre programme départemental, l’objectif est de 0%. On a un énorme gisement, on peut monter 50 méthaniseurs avec des ressources gratuites. » A l’horizon 2030, Territoire d’énergie estime que 900 000 tonnes de matières organiques pourront être mobilisées pour la méthanisation dont 90% sont détenues par les agriculteurs. Dans un tiers des cas, il s’agit d’effluents d’élevage mais il existe aussi un potentiel, encore peu exploité par le monde agricole : les cultures intermédiaires multi services (CIMS). « Il y a un gisement intéressant sur les sols qui restent nus l’hiver après les récoltes céréalières, détaille Rauna Barth. On vient régler des problèmes d’érosion des sols ou de déshydratation en plantant ces CIMS qu’on appelle aussi couverts végétaux. Ils sont ensuite récoltés, achetés à l’agriculteur puis dégradés dans le méthaniseur. On restitue ensuite la matière organique qui sert alors d’engrais naturel. C’est le même principe que notre herbe tondue qu’on laisse à l’air libre au fond du jardin. Ce tas fermente et produit du CO2 puis on récupère 85% de la matière pour semer. Avec la méthanisation, cela se fait dans une cuve fermée pour récupérer du biogaz. »

Le département peut devenir exportateur d’ici 2050

Tous ces éléments font que le département peut devenir un acteur majeur dans la production de biogaz. Une étude estime d’ailleurs le potentiel plus fort ici qu’en Dordogne ou dans le Gers, pourtant deux territoires éminemment agricoles. Autre avantage, les méthaniseurs affichent un bilan carbone négatif puisqu’une énergie consommée permet d’en produire cinq fois plus. « Methalbret, la structure qui sera prochainement mise en place à Mézin, permettra de produire 100% du gaz consommé à Nérac cet été », ajoute Rauna Barth. Si Territoire d’énergie atteint son objectif d’implanter 50 méthaniseurs, le Lot-et-Garonne pourrait même parvenir à exporter son biogaz. « Les études prospectives ont estimé une production du biogaz à 2,2 TWh en 2050, soit 137% des besoins en gaz du département. » Pour rappel, cette énergie permet aussi d’alimenter des véhicules lourds comme des tracteurs, des camions ou des bus. Le syndicat départemental a implanté deux stations BioGNV, l’une à Villeneuvesur-Lot et une deuxième à Damazan qui connaît un fort succès. Deux autres verront le jour dans les années qui viennent à Boé, du côté du marché aux bestiaux puis à Samazan, à proximité de l’autoroute. Ces projets qui semblent vertueux, restent accompagnés de critiques portant principalement sur l’implantation des méthaniseurs et les nuisances, principalement olfactives ou visuelles qui y sont liées. La réglementation implique pourtant que les effluents soient stockés dans un bâtiment fermé tandis que les différents projets ont pris en compte une intégration optimale de la structure dans le paysage. « Si une station est mal placée, on en discute et on étudie d’autres solutions, relativise Jean-Marc Causse. Ce serait très triste de passer à côté de cela et de rester tributaires énergétiquement d’autres pays, d’autant plus en énergie fossile. »

Territoire d’énergie accélère aussi sur le photovoltaïque

Depuis 2019, Territoire d’énergie 47 a créé SEM Avergies, une société d’économie mixte ayant pour objectif de développer les énergies renouvelables. Principal cheval de bataille de la structure présidée par Pascal de Sermet, maire de Colayrac-St-Cirq, le développement du photovoltaïque dans le département. « Les panneaux peuvent être implantés à de nombreux endroits, détaille-t-il. Cela peut être sur la toiture de bâtiments industriels ou agricoles, et notamment nos méthaniseurs. Il peut aussi s’agir d’ombrières comme c’est le cas à Montesquieu où un marché a pu se développer le dimanche sur un parking désormais à l’ombre. Nous avons aussi remporté un appel à manifestation d’intérêt pour les sites d’enfouissement des déchets de Nicole et Monfl anquin. Dès qu’il y a une surface inertisée, on peut s’implanter. » Des panneaux au-dessus des autoroutes ? A l’heure du débat sur le ZAN (Zéro artificilisation nette), l’élu reste prudent sur le sujet de l’agrivoltaïsme. « Les premières expériences de conversion de forêts ou de surfaces agricoles n’ont pas été très concluantes. On va sur ce dossier que quand on a la démonstration qu’on garde les cultures en dessous. C’est notamment le cas d’un projet sur des noisetiers bio. Du reste, je pense qu’il faut se pencher sur des zones qui sont déjà artifi cialisées. Par exemple, il n’y aurait aucun impact négatif à couvrir une autoroute ou une voie ferrée de panneaux photovoltaïques. On en vient aussi à étudier des projets sur des lacs de gravières. Ce sera le cas prochainement au Templesur-Lot où des panneaux ont déjà été posés. L’unité de production devrait être opérationnelle dans le courant de l’année prochaine. » Dans la plupart des cas, l’énergie produite est revendue à EDF. « La question de l’autoconsommation commence à se développer mais ça reste compliqué. Cela pourra arriver sur des projets de développement local. Dans tous les cas, la production d’énergie solaire et sa revente permettent d’avoir des ressources financières nouvelles. »

L’appel de Jean-Marc Causse aux élus

Jean-Marc Causse, président de Territoire d’énergie et maire d’Aubiac est un élu engagé. Il a eu l’occasion de le montrer à l’occasion d’une signature de convention avec le Conseil départemental sur le développement des énergies renouvelables. Il a rappelé à Sophie Borderie que 80 dossiers étaient en attente pour poser des panneaux photovoltaïques sur des gymnases du département. Ceux-ci sont bloqués car les bâtiments nécessitent d’être désamiantés, ce qui représente un coup important pour les collectivités. « Cela fait plusieurs mois que je lance un appel répétitif aux élus, complète-t-il. Ces gymnases ont été développés dans les années 1980 avec des aides de l’Etat. Aujourd’hui, il doit jouer son rôle et débloquer de l’argent public pour désamianter. Nous avons 32 000 m² de panneaux photovoltaïques qui sont prêts à être installés. Un double bénéfice est en jeu : celui d’avoir une énergie propre tout en supprimant un grave problème d’insalubrité publique. »

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