Aurons-nous du canard lot-et-garonnais sur nos tables pour les fêtes ?

L'épidémie de grippe aviaire n'a pas épargné les éleveurs lot-et-garonnais en cette année 2022. En raison notamment de nombreux abattages préventifs d'animaux sains, les élevages ont été décimés, laissant craindre le risque d'une pénurie de foie gras français dans nos rayons et donc sur nos tables.

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Il y a quelques mois, Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne tirait la sonnette d’alarme. « En n’ayant plus de canard en France, on n’a plus à s’inquiéter du bien-être animal, soufflait-il, non sans ironie. Maintenant, le foie gras va arriver de Bulgarie. On dira qu’il a été transformé en France et il sera vendu quatre fois plus cher. » Nous étions alors au mois d’avril et 70 000 bêtes venaient d’être abattues par les services de l’Etat. La cause, une épidémie de grippe aviaire qui avait frappé sept élevages dans le nord de département. Dans un rayon de 3 km autour de ces exploitations et pour éviter la propagation du virus, l’ensemble des palmipèdes avait été euthanasiée, par mesure de précaution.

Des mois plus tard, la production lot-et-garonnaise en fait les frais. « Il y a eu moins d’animaux donc automatiquement, il va manquer de foie gras, prévient Aurélie Mella, éleveuse et élue à la chambre consulaire, en charge de ce dossier. La situation est difficile en ce moment mais elle le sera tout autant l’année prochaine. En effet, l’administration a aussi tué les reproducteurs par principe de précaution, cela a encore été le cas il y a une dizaine de jours hors de notre département. »

Des mesures préventives qui ne passent plus auprès de producteurs, pour beaucoup au bout du rouleau. « Nous avons des éleveurs qui abandonnent, se désole l’agricultrice. D’autres ne veulent plus élever l’hiver pour ne plus avoir à confiner. C’est un ras-le-bol général qui fait que certains se dirigent vers la retraite sans option de reprise, quand d’autres envisagent de changer de filière. Il n’est pas non plus possible pour des jeunes de s’installer. Les banques sont apeurées par la situation donc elles n’accordent aucun financement. Nous n’avons déjà pas un métier des plus faciles mais là, rien n’est fait pour nous aider. »

La colère des éleveurs

Au sein de la profession, la révolte gronde. « Le constat que nous faisons est très triste et a été remonté à la préfecture. Les services de l’Etat se cachent derrière des protocoles européens et n’ont aucune véritable solution à nous apporter. Nous avons dernièrement voté une motion qui va être envoyée au ministère. On va en arriver au stade où nous nous opposerons aux abattages préventifs. Il y aura une rébellion parce que cette situation n’est plus acceptable. La prochaine fois qu’un foyer sera découvert, on s’opposera au principe de précaution. Il y a un véritable enjeu derrière cela car nous subissons une concurrence déloyale provenant de l’étranger. On va finir par retrouver de la viande d’Europe de l’Est dans nos rayons. Sauf que dans ces pays, les tests ne sont pas obligatoires donc l’animal pouvait être infecté par le virus. Ce qu’il faut savoir, c’est que cela n’a aucune incidence sur la santé car la viande d’une bête malade reste consommable. »

Au printemps dernier, près de 100 000 canards avaient été abattus par mesure de précaution. Seuls 5 000 d’entre eux étaient porteurs du virus de l’influenza aviaire.

Pour rappel, près de 100 000 palmipèdes ont au final été abattus au printemps dernier, dont seulement 5 000 étaient porteurs du virus de l’influenza aviaire. Au total, ce sont 212 000 bêtes qui ont été abattues en 2022 et l’année pas n’est pas finie. Si la situation est sous contrôle et qu’aucun foyer n’a été détecté depuis le printemps, les services de l’État restent sous leurs gardes et redoutent cette période allant de décembre à février, où le virus circule activement.

« Si l’administration n’avait rien fait, il y aurait eu plus de morts, je ne le nie pas, précise Aurélie Mella. Mais tout au plus, il y en aurait eu 10 ou 15 000, pas 100 000. Nous ne contredisons pas le fait d’abattre les animaux malades même si nous sommes persuadés qu’il n’y aurait pas une mortalité de 100% parmi ceux-ci. En revanche, le principe de précaution n’est pas tenable car c’est un véritable gaspillage alimentaire. Les éleveurs nous ont racontés comment cela se passait dans leur exploitation. Dès qu’ils ont des animaux morts, ils les signalent. Sauf que l’administration intervient généralement quatre jours plus tard. Pendant ce temps, les bêtes mangeaient normalement et n’étaient pas à l’agonie. »

Des normes sanitaires qui ne suffisent pas

Il s’agit aussi d’argent gaspillé même si différents régimes d’aide sont en mesure de venir en aide à des producteurs impactés par ces abattages. D’autant que la profession a su évoluer pour répondre à des exigences sanitaires toujours plus poussées. « Depuis sept ans, on a fait tout ce qu’on nous a demandés pour se mettre aux normes. Cela a nécessité du temps et de l’argent. Résultat, nous sommes face à la pire crise que nous n’ayons jamais connue. Cela engendre beaucoup de culpabilité chez les éleveurs. Ils se disent que c’est de leur faute si des animaux sains sont abattus dans le périmètre de leur exploitation. Sauf qu’on a bien vu que ces mesures ne changent rien, et c’est ce qui nous met en colère. Je ne vois pas comment la situation peut s’améliorer car nous testons toutes les semaines. Plus on teste, plus on va trouver de cas, c’est certain. »

Une situation qui va donc impacter l’approvisionnement de nos rayons, même si des « produits gras » seront notamment disponibles au marché des producteurs de pays organisé par la Chambre d’agriculture (lire ci-contre). « On a moins de production donc ça va impacter l’offre et la demande, analyse Aurélie Mella. On a forcément envie de servir nos clients historiques même si c’est évidemment très compliqué. Il faudra faire des compromis. »

Pour être certain de consommer du foie gras français pendant les fêtes, lisez bien les étiquettes sur les produits. Les labels AOC, AOP et label rouge impliquent que l’ensemble des étapes de fabrication ont été réalisées en France. Pour le label IGP en revanche, une seule étape peut avoir été faite sur le territoire français, la transformation à partir de matière première provenant de l’étranger par exemple.

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