Lot-et-Garonne : Emmanuelle David redonne une âme aux œuvres oubliées

Restauratrice de tableaux à Castillonnès, Emmanuelle David redonne vie aux œuvres d’art avec minutie et respect pour leur histoire. Originaire de Dordogne, cette passionnée de peinture raconte son parcours, ses techniques, et les défis d’un métier unique.

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Au cœur de la campagne nord lot-et-garonnaise, Emmanuelle David exerce un métier aussi peu commun que précieux : la restauration de tableaux. Derrière la grande baie vitrée de son atelier en plein centre-ville de Castillonnès, elle s’attèle à préserver et redonner de l’éclat aux œuvres, des peintures du XVIIe siècle aux toiles contemporaines.

Quidam Hebdo : En quoi consiste votre métier de restauratrice de tableaux ?

Emmanuelle David : Ma mission, c’est de conserver et de restaurer les tableaux. Je travaille essentiellement sur des peintures à l’huile, sur toile ou sur panneaux. Conserver, c’est arrêter la dégradation des œuvres, et restaurer, c’est les rendre lisibles à nouveau pour l’observateur.

Q.H. : Vous êtes originaire de Dordogne. Pourquoi avoir installé votre atelier à Castillonnès ?

E.D. : Je suis née à Périgueux et mes parents sont à Beaumont-du-Périgord. Après mes études à Lyon et Paris, je suis revenue dans la région. Castillonnès s’est présenté comme une opportunité avec un lieu adapté à mon activité. À la campagne, il y a peu de restaurateurs, donc la demande est forte. Avec le temps, j’ai gagné en visibilité et mon activité ne cesse d’augmenter. J’ai suffisamment de travail pour être occupée jusqu’à plusieurs mois à l’avance !

Q.H. : Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir ce métier ? Est-ce une passion pour l’art ?

E.D. : Oui, tout à fait. J’ai toujours eu un grand intérêt pour tout ce qui est artistique et une passion particulière pour la peinture. Adolescente, je peignais déjà. Ce qui me fascine, c’est la diversité des matériaux des tableaux : la toile, le bois, la couche picturale, le vernis… Toute cette stratigraphie est passionnante à étudier et à restaurer.

Q.H. : Vous travaillez donc sur des tableaux de différentes époques ?

E.D. : Oui, principalement des œuvres du XVIIIe et XIXe siècles, mais aussi du XVIIe. Il m’arrive également de restaurer des œuvres contemporaines, souvent suite à des accidents, des déchirures ou de mauvaises conditions de conservation, comme des moisissures. Pour les tableaux récents, c’est souvent un simple nettoyage ou une “retension” de toile.

Q.H. : Pouvez-vous nous parler des techniques que vous utilisez pour restaurer les œuvres ?

E.D. : Chaque tableau est un cas particulier. À chaque type d’altération correspond une intervention spécifique. Par exemple, pour un décrassage, j’utilise des tensioactifs, et pour alléger un vernis, des solvants adaptés. Tout doit respecter la déontologie du métier : les matériaux utilisés doivent être stables, ne pas vieillir mal, et réversibles. Cela permet de revenir sur une restauration future sans endommager l’original.

Q.H. : Vous évoquez parfois des erreurs ou des restaurations anciennes. Cela complique votre travail ?

E.D. : Oui, beaucoup. Les restaurations d’autrefois, souvent réalisées par des peintres au XIXe ou début XXe siècle, ne suivaient pas les mêmes règles. Ils utilisaient des matériaux peu adaptés, comme des repeints huileux qui vieillissent mal et sont très difficiles à enlever. Nous passons parfois énormément de temps à « dé-restaurer » pour corriger ces interventions.

Q.H. : Une restauration peut-elle durer dans le temps ?

E.D. : Absolument. Certains tableaux restent plusieurs années dans mon atelier. Par exemple, un tableau d’église de près de quatre mètres carrés, repeint à 75 %, m’a pris un temps considérable. Je grattais le repeint au scalpel pour retrouver l’original, tout en préservant les éléments existants. C’est un travail minutieux, parfois à perte, mais indispensable pour respecter l’œuvre.

Q.H. : Avez-vous des anecdotes de restauration marquantes ?

E.D. : Oui, le retable de Castillonnès est un bel exemple. Lors de sa restauration, nous avons découvert qu’il avait été recomposé à partir d’un tableau ancien. Une radiographie a révélé des pièces de toile cachées, probablement issues du tableau original. Ce genre de découverte est rare et passionnant, car il nous permet de mieux comprendre l’histoire des œuvres.

Q.H. : Restaurer un tableau, c’est aussi entrer dans l’univers du peintre. Quelle part de subjectivité y a-t-il dans votre travail ?

E.D. : La déontologie veut qu’on ne laisse aucune place à la subjectivité. Lorsqu’un élément manque, on rétablit les lignes de façon logique sans jamais inventer. Par exemple, si un portrait a perdu un poignet, on refait les contours sans ajouter de détails imaginés comme un bracelet ou un ruban. Le but est de respecter l’intention du peintre et de redonner au tableau sa cohérence visuelle.

Q.H. : En un mot, qu’est-ce qui vous fait aimer ce métier ?

E.D. : La réflexion constante. Chaque tableau est unique et nécessite des solutions adaptées. Trouver ce qui est le mieux pour l’œuvre tout en respectant son histoire, c’est ce qui me passionne.

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