Politique : les économies du Conseil départemental à la loupe

La majorité départementale présidée Sophie Borderie a voté un budget primitif 2025 qui promet un effort financier sans précédent pour faire face à une conjoncture délicate.

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Comment trouver 52 millions d’euros d’économies ? C’est la difficile équation qu’ont tenté de résoudre les élus départementaux pour boucler le budget 2025, adopté en séance plénière vendredi 21 mars. Pour donner une idée plus précise, ce montant représente 10% du budget précédent. « Inédit et, devrais-je ajouter, inquiétant », lançait Sophie Borderie pour qualifier cet effort imposé, selon la majorité, par l’État. La présidente du Conseil départemental se félicite néanmoins d’avoir pu « maintenir l’essentiel de nos politiques publiques » avec une enveloppe finalement réduite de 44 M€. Dégager de telles sommes sans opérer de coupe franche nécessite que l’on se plonge plus avant dans les chiffres.

C’est une réalité, les Départements doivent assumer un certain nombre de charges sans avoir le moindre levier d’ajustement. Les dépenses sociales en font partie. Les différentes allocations individuelles de solidarité pour accompagner la précarité (RSA) ou la perte d’autonomie (APA, PCH, ACTP) sont défi nies par l’État, des modalités pour en bénéficier jusqu’aux montants versés. Le RSA sera en léger recul cette année, grâce notamment aux dispositifs d’accompagnement pour le retour à l’emploi. La PCH, en revanche, grimpe de manière importante. Les frais de séjour et d’hébergement, qui concernent les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et l’aide sociale à l’enfance, augmentent de 7,38 M€. Ce qui n’empêche pas le Lot-etGaronne de réduire de 1,25 M€ l’ensemble des dépenses de fonctionnement liées au secteur social par rapport à l’estimation stricte des besoins.

Les dépenses d’investissement //

Il existe ici une subtilité. En 2023 et 2024, environ 100 M€ étaient provisionnés pour les investissements dans les deux BP. Mais en se penchant sur ce qui a « effectivement » été réalisé, on redescend à chaque fois entre 67 et 68 M€. La somme inscrite en 2025 tend ainsi à se rapprocher de ces sommes plus conformes à la réalité du terrain. Plusieurs sous-sections composent les investissements. Certaines d’entre elles ont été plus impactées que d’autres. De « petites » réductions ont été imposées ici et là. Nous nous concentrerons donc sur les plus significatives.

Infrastructures routières : baisse de 7 M€ pour descendre à 26,21 M€. L’entretien et la modernisation des 2941 km de voies concentrent la quasi-totalité des fonds routiers. En plus de cela, la suspension de participation à la RN21 est un choix assumé pour rappeler à l’État sa responsabilité dans la situation financière actuelle. Les traites seront intégralement honorées, mais pas cette année. Concernant Camélat, un lissage dans le temps par rapport aux échéances prévues permet de gagner quelques sous. Ces dossiers partenariaux font économiser 4 M€ supplémentaires par rapport au BP précédent.

Éducation et jeunesse : baisse de 7,5 M€ pour descendre à 15,3 M€. L’effort est concentré sur le Plan Collèges dont la phase 2 sera étalée dans le temps par rapport au calendrier initial, sachant que les chantiers les plus urgents avaient déjà été menés.

Attractivité du territoire et développement social : baisse de 3,3 M€. Cela inclut notamment une réduction du soutien aux bailleurs sociaux pour l’avancement de certains projets.

Moyens généraux : baisse de 3,8 M€ pour descendre à 7,3M€. Ces moyens regroupent notamment l’équipement administratif (mobilier, véhicules et informatique). Si tous les budgets ont été réduits, les travaux sur les bâtiments (hors collèges) se limiteront aux nécessaires mises aux normes. Tout le monde est concerné par ces eff orts, y compris les quatre groupes politiques qui voient les moyens mis à leur disposition réduits de 50% (avec leur accord). Même chose avec le budget communication à hauteur de 25%.

Les charges de personnel //

Le Conseil départemental emploie environ 1300 personnes. L’exécutif explique que les Départements de même strate affichent des effectifs de 1600 personnes en moyenne. Certains voisins, pourtant moins peuplés, sont mieux dotés en personnel et peuvent ainsi se permettre d’alléger la masse salariale en cette période difficile. Le Lot-etGaronne justifi e de son côté une stabilité du nombre d’agents (ni plus ni moins qu’aujourd’hui), avec des « redéploiements internes en fonction de l’évolution des besoins. » Par les mécanismes d’ancienneté et d’avancement, le montant évolue légèrement pour atteindre 71,28 M€ (et 9,36 M€ pour les assistants familiaux).

Les dépenses non obligatoires //

Dans les moments de grande pression financière, mettre fin aux dépenses dites non obligatoires, c’est-à-dire celles qui ne rentrent pas directement dans le champ de compétences du Département, se pose nécessairement. Ces dépenses représentent dans le cas présent environ 10 M€. Elles concernent certaines actions dans les collèges, des aides à l’agriculture ou encore le soutien aux communes (FACIL) et aux associations. Sophie Borderie et son équipe ont décidé de les maintenir.

La gestion de la dette //

En 2025, la charge de la dette est estimée à 30,2 M€, dont 25 M€ de remboursement de capital et 5,2 M€ d’intérêts (les intérêts rentrent en section fonctionnement). Une charge globalement stable depuis 2018. L’encours de dette global s’établit à 199,5 M€. À noter qu’elle était d’environ 260 M€ il y a cinq ans. Ces dernières années relativement positives en termes de recettes ont permis de désendetter. Elle demeure toutefois supérieure à la moyenne rapportée à la démographie (environ 600 €/habitant contre 480). À défaut de pouvoir utiliser l’impôt comme levier, le Conseil départemental s’est appuyé sur ses ratios financiers positifs pour recourir à nouveau à l’emprunt avec un prêt nouveau de 31 M€. Celui-ci a pour vocation de financer les investissements. Pour comprendre ce recours à l’emprunt, il faut observer certaines données financières. Les élus de la majorité prévoient 19 M€ d’épargne brute quand ils espéraient environ 30 M€. L’épargne brute étant inférieure à la charge de la dette, il faut puiser (encore) dans le fonds de roulement qui fond comme neige au soleil. Il est aujourd’hui à 29 M€. S’il venait à se dégrader encore, cela deviendrait compliqué pour l’avenir.

Economie durable ou pas ?

C’est l’une des grandes questions qui accompagnent ce budget pour le moins inhabituel. Le Département sera-t-il contraint de maintenir ce niveau d’effort chaque année ou pourra-t-il retrouver un peu plus de marges de manœuvre ? Les élus de la majorité tablent pour le moment sur la deuxième option, expliquant que les décalages d’opérations à l’occasion de cet exercice ne pourront pas toujours être répétés indéfiniment au risque de perdre considérablement en qualité de service public.

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