
L’homicide par arme blanche survenu jeudi 3 juillet à Villeneuve a suscité une vive émotion. Certains acteurs de la place Lafayette ne sont malheureusement pas surpris après avoir alerté à maintes reprises.
Au lendemain du drame, l’ambiance était quelque peu pesante sur la place Lafayette. Si la vie a tout de même repris son cours, les conversations tournaient inéluctablement autour de cette tragique actualité : une rixe démarrée dans un appartement proche de la place, poursuivie dans la rue aboutissant sur une série de coups de couteau, blessant gravement un jeune homme et en tuant un autre. De cette scène d’horreur, il ne restait déjà plus grand-chose. La rubalise policière, encadrant l’endroit où les secours ont tenté l’impossible, a rapidement disparu, comme pour mieux tourner la page.
Amedeo Pagliaro, gérant de la Nuova Cantina, ressasse encore la scène : « Je le vois encore s’éteindre sous mes yeux. J’ai 30 ans, alors je n’imagine pas le traumatisme que cela doit être pour les gamins qui étaient aussi présents à ce moment-là… » Mais derrière le choc, se cache un sentiment de gâchis. Rien ne dit que le pire aurait pu être évité. Mais il n’a pas semblé si imprévisible. « Il y a deux semaines, je disais encore à M. Rosier (ndlr, Jean-Éric Rosier, adjoint au maire en charge de la sécurité) qu’il y aurait bientôt un mort si rien ne changeait. Nous y voilà… », révèle le restaurateur d’origine sicilienne venu justement dans ce petit coin de France pour échapper à un environnement violent. Ses confrères et voisins corroborent.

« Ça deale aux yeux de tout le monde, ça se bagarre presque tous les jours »
« Les drames peuvent arriver n’importe où. Le souci, c’est que l’on signale depuis des années ce qui se passe ici. Malheureusement, on laisse le problème se propager et on finit par en voir les conséquences », déplore Jean-Marc Brousse, patron de la Mine. En face, ce n’est guère mieux. Lionel Ozanne, de l’établissement L’Oustal, regrette que toutes les alertes soient restées lettre morte. « Ça deale aux yeux de tout le monde, ça se bagarre presque tous les jours. Et en face, il n’y a aucune réponse. Si, les élus nous disent que tout va bien, que les chiffres de la délinquance sont bons », disent à l’unisson ces trois restaurateurs. « Que l’on soit bien clair, ce n’est pas Chicago. Mais certaines choses doivent bouger. Un peu plus de présence en bleu, de nouvelles caméras de vidéosurveillance, des arrêtés municipaux pour les sites problématiques permettraient déjà d’améliorer la situation », affirme Jean-Marc Brousse. Le nouvel éclairage de la place est loin de faire l’unanimité. « En fin de journée, on n’y voit plus grand-chose, c’est même compliqué pour bosser », insiste Lionel Ozanne.
Un profil-type identifié
Leur constat est partagé par d’autres commerçants, des Péchés de Soso, à l’angle de la place Lafayette, jusqu’à la boutique Belle & Bohème, à deux pas de la tour de Paris. Des individus, « presque toujours les mêmes », qui dévalent les espaces piétons à vive allure sur des trottinettes électriques, l’insulte facile, une casquette sur la tête et une sacoche en bandoulière pour « des échanges de main à main pas très légaux sans même chercher à se cacher »… Voilà la description des profils qui seraient à l’origine de ce climat délétère en centre-ville par des témoins aux premières loges. « On ne peut pas aller déposer une main courante ou plainte au commissariat tous les jours. Sauf qu’en attendant, rien ne change », soupire Céline Rogué.
Ces acteurs économiques, attachés à leur environnement, ont en commun de se sentir impuissants après des mois voire des années de remontées régulières, bien qu’ils ne croient pas en une « solution miracle ». « Il y a néanmoins quelque chose à changer dans le système. On ne peut pas vivre éternellement comme ça », lâche Amedeo Pagliaro. Reste maintenant à savoir à quel point la réputation de la place Lafayette, et plus largement de tout le quartier, va pâtir de cet évènement. « L’engouement estival, dopé par le tourisme, va en atténuer les effets à court terme. Qu’en sera-t-il à la rentrée ? », s’interroge Lionel Ozanne.
Ce qu’en disent les élus
Le député Guillaume Lepers, maire de la commune de 2020 à juillet 2024 et donc à la tête des principales décisions municipales, avait fait de la sécurité un des thèmes forts de sa campagne. « On a augmenté les effectifs de la police municipale, on a armé les agents, on a déployé plus de vidéosurveillance », énumère l’élu. Ce dernier observe malgré tout, devant la réalité des faits, que le compte n’y est pas tout à fait. La présence tenace d’un bandage sur son arcade sourcilière, après son agression, est là pour en témoigner. C’est notamment pour « alerter sur la progression de l’insécurité dans les villes moyennes et les communes rurales » qu’il est récemment monté à la tribune de l’Assemblée nationale. « Les bagarres de rue dégénèrent avec une brutalité inédite », disait-il alors. C’était le 24 juin.
Son successeur à l’Hôtel de Ville, Gérard Régnier, « déplore bien évidemment cet événement tragique » et « adresse avant toute chose ses sincères condoléances aux proches du défunt ». « Devant cette situation, je tiens à rappeler la mobilisation des effectifs renforcés de la police municipale en centre-ville avec des équipes de jour mais aussi de nuit. Je renouvelle également ma confiance aux services de police et de justice chargés de l’enquête. Si le climat de tension et d’inquiétude engendré par ces faits regrettables est compréhensible, j’en appelle à la raison de chacune et de chacun pour préserver la tranquillité publique. Je veux redire que les élus municipaux restent fortement mobilisés. A la veille de la saison estivale, nous avons sollicité, auprès de la direction départementale de la sécurité publique, le renforcement des forces de l’ordre sur le territoire. »
Une accumulation d’épisodes
La rubrique faits divers s’épaissit pour la Bastide en cette année 2025. Ce meurtre place Lafayette ravive le douloureux souvenir de celui d’Adam Perolari, 21 ans, tué par balles sur le parking du boulevard de la Marine le 20 avril dernier. Plus récemment, dans un registre moins tragique mais pas anodin pour autant, le député Guillaume Lepers était violemment agressé en s’interposant dans une altercation en pleine fête de la musique… Ces trois évènements, certes bien distincts, mais tous survenus dans le périmètre du centre-ville, soulèvent des questions sur la sécurité du centre-ville.
Laisser un commentaire