Cette année, afin d’entamer le débat d’orientation budgétaire pour l’exercice 2023, la présidente du Conseil départemental du Lot-et-Garonne Sophie Borderie avait rassemblé les élus dans l’hémicycle du Département le 24 février dernier. Cette fois-ci et toujours dans le cadre du débat d’orientation budgétaire mais pour l’année 2024, la collectivité a fait un petit bond en avant, avançant le débat à l’ordre de la session du jour ce vendredi 15 décembre. Néanmoins, le principe reste le même : définir les objectifs à venir pour le Département compte tenu de son budget. « 2023 comme 2022 était un exercice exceptionnel, notre ambition est d’être au contact de tous les Lot-et-Garonnais. Pour cela, nous avons constitué un budget équilibré, tourné vers l’investissement », assure la présidente Sophie Borderie.
Le retour de l’effet ciseau
Cependant, la fiscalité du Département n’est pas au beau fixe en raison de plusieurs facteurs : « En 2022, le contexte nous a permis de sortir une épargne brute conséquente mais les dépenses sont croissantes en raison de l’inflation et des charges qui nous sont imposées ». On parle ici du fameux « effet ciseau » tant évoqué cette année durant les débats concernant le budget de la collectivité. « Sur la période 2024-2027, d’importants risques nous obligent à faire preuve de prudence. Nous avons une bonne situation car nous avons eu une politique d’anticipation, avec une épargne de précaution. Ne le regrettons pas, car on peut aborder aujourd’hui un budget avec sérénité », confirme Sophie Borderie. Comprenez que l’objectif annoncé est la sécurisation de l’épargne brute tout en maintenant une dynamique d’investissement. Toutefois, la capacité de désendettement prévisionnel ne franchit pas la barre des 10 années (9,4 ans), un seuil que la majorité de Sophie Borderie ne tient pas à dépasser, au risque de se mettre dans le rouge.
Le Département joue son rôle dans le social
En 2023, le Département table sur 418,76M€ de recettes réelles, dont 50% des recettes liées à l’activité économique. Parmi les grands projets de la période 2023-2027, on retrouve notamment : le Plan Routes et Déplacements du quotidien pour garantir l’entretien et la sécurisation du réseau routier existant (plus de 40M€ par an), le FACIL, doté d’un plan pluriannuel de 9M€, le Plan Collèges qui reste en vigueur jusqu’en 2025, un dispositif qui s’ajoute au Plan Gymnases en Lot-et-Garonne à hauteur de 6M€. En plus d’une enveloppe de 5M€ pour maintenir le soutien aux investissements dans les Ehpad, le Conseil départemental accélère sur le volet social. « Les dépenses sociales représentent 60% des dépenses de fonctionnement, soit 253M€ en 2023, une progression de 9,3% par rapport à 2022 » annonce Christian Dézalos, vice-président en charge des finances. Dans la poursuite de cette volonté, le Département soutiendra la création de logements sociaux dans le cadre du Plan départemental de l’Habitat 2023-2028, avec 9M€.
« Votre opportunité manquée de faire profiter le 47 »
Pourtant, c’est précisément ces derniers points sur le domaine social qui ont commencé à agacer les élus d’opposition, à commencer par Pierre Chollet, président du groupe 100% Lot-et-Garonne. « 2024 signe votre opportunité manquée de faire profiter le département de votre embellie financière. Votre épargne brute a augmenté de 76% ces dernières années, vous auriez pu oeuvrer avec des projets impactants pour le 47, avec vous les dépenses sociales n’arrêtent pas d’augmenter qu’importe la situation, nous devons être lucides a cette époque où en deux clics sur internet, on peut contourner le système pour bénéficier d’aides sociales, nous vous proposons un système de défense, afin d’aider les gens dans le besoin et non les plus malins. »
Pour la majorité départementale, ce dernier commentaire n’est pas passé. Christian Dézalos s’est tenu de répondre en citant ni plus ni moins que Jacques Chirac : « La politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Nous aurions manqué des opportunités dans un contexte plus favorable ? Je rappelle que nous avons fait passer notre niveau d’investissement à près de 100M€, le double par rapport à il y a 4 ans. Nous comptons 68M€ d’auto-financement sur nos investissements, et pour ce qui est de la fraude sociale, on ne nie pas les problèmes, mais passez sous silences ce que nos services font déjà, c’est faire peu de cas du sérieux d’une collectivité comme la nôtre. C’est trop facile de dire que la fraude sociale est responsable des difficultés que nous rencontrons. »
« Une insulte morale »
Quand on parle de social au Conseil départemental de Lot-et-Garonne, la principale intéressée, c’est Christine Gonzato-Roques, vice-présidente en charge du développement social, de l’insertion et de l’habitat. De son côté aussi, l’idée d’investir d’un plan anti-fraude n’est pas au cœur des préoccupations actuelles. « Pour le contrôle des allocataires RSA, je ne brandirai pas des politiques semblables à celles d’Eric Ciotti. De tout temps, les pauvres ont semblé suspects. En 47, le nombre d’allocataires diminue, mais la masse d’allocations augmente, le retour à l’emploi chez nous est supérieur au niveau national. » Au tour de Sophie Borderie d’ajouter son petit « recadrage » : « Dire que quelqu’un peut accéder à une allocation en deux clics, c’est faux. Et faire croire qu’en luttant contre les bénéficiaires RSA, on pourrait mieux travailler notre budget, c’est presque de l’insulte morale », a-t-elle clamé, l’air agacée.
Revenons alors à l’opposition, où Guillaume Lepers est venu dans un premier temps apaiser les tensions avant d’en remettre une couche : « Vous devez être sourds, car vous vous exclamez pour pas grand chose. Nous voulions juste savoir où en était l’action de contrôle des fraudes. On veut que le dispositif RSA soit mieux expliqué et développé, notamment en aidant les bénéficiaires à remettre le pied à l’étrier en faisant quelques heures en entreprise. C’est remettre les gens en position active, il n’y a rien de démago là. Maintenant, vous m’épatez à dire que le Département ne va pas bien, vous avez rentré cette idée dans la tête des Lot-et-Garonnais ». le tourisme, la gestion de la lutte contre le harcèlement scolaire et le plan Bien Vieillir ont aussi été pointés par l’opposition durant le débat. De quoi annoncer un nouveau moment d’échanges vigoureux à l’occasion de voter le budget primitif en début d’année prochaine.
Laisser un commentaire