Agriculture : « On va dans le mur, on le sait mais on ne peut pas s’arrêter »

Dans un contexte agricole difficile, Audrey Verhoeven, agricultrice passionnée, lutte pour maintenir sa ferme familiale à flot. Entre charges en hausse, prix de vente stagnant et un rythme de travail intense de 70 heures par semaine, elle se bat pour nourrir ses animaux. Sa fille ainée a décidé de lancer une cagnotte pour l'aider à garder sa ferme.

0 Shares

« Comment on va faire, ça, je n’ai pas la réponse ». Audrey Verhoeven est agricultrice du côté de Monbahus, à la « Petite ferme de Guillaume », où elle élève chèvres, vaches et brebis pour réaliser des fromages. Une centaine de têtes dont il faut s’occuper tous les jours, non-stop : les nourrir, les traire puis faire les fromages mais aussi en assurer la vente. 70 heures par semaine abattues par Audrey, sa fille Cassie, son fils Tilliau et son compagnon David. Un rythme effréné, une dévotion de chaque jour. Mais aujourd’hui, et depuis un an et demi, l’exploitation prend la crise de plein fouet. Crise agricole et crise du bio, fièvre Q, explosion des charges… « Il y a une dizaine d’années, on nous expliquait que nous devions vendre notre lait autour de 2€ – 3,5€ », commence Audrey. « Aujourd’hui, on doit vendre au même prix avec tout qui explose. La luzerne explose, l’aliment explose, on est arrivé à un point où je ne sais pas comment je vais pouvoir nourrir mes bêtes ».

« 18 000€ qui rentrent, 20 000€ qui sortent »

« Aujourd’hui, on va droit dans le mur, on le sait, mais on ne peut pas s’arrêter », expose Audrey. « On donne tout pour notre travail, on nourrit les gens et on ne parvient pas à gagner notre vie. Ce n’est pas normal. Si encore, je restais les fesses dans mon canapé mais même pas. On travaille 70 heures par semaine et on ne peut pas s’en sortir », constate Audrey, désabusée et à bout. « On aimerait juste un peu de répit, pouvoir respirer sans se dire « comment on va payer les factures ». » Quand Audrey fait les comptes, c’est encore plus flagrant. 18 000€ qui rentrent pour 20 000 qui sortent. Une situation qui ne permet plus à l’exploitation de respirer. « Si je ne paie pas ma luzerne, je ne serais pas livrée et mes bêtes ne pourront pas manger. »

Son fils Tiliau, pour essayer d’alerter sur ce mal-être et les difficultés du monde agricole qui ont déjà emporté son père Guillaume en 2012, a participé au concours Mister Agricole pour lequel il a reçu son écharpe en février à Paris, au Salon de l’agriculture. « Nous avions des t-shirts avec un message pour alerter sur les suicides des agriculteurs, certains ont trouvé cela choquant mais ça existe et là-bas, il n’y avait rien sur le mal-être paysan ». Pour Audrey, il est inconcevable de perdre sa ferme, dont elle a dû hypothéquer sa maison, et ses bêtes. « Si toutes mes bêtes devaient partir au camion*, je l’ai dit à mes enfants, ça me tuerait. Comme la ferme, ici c’est chez nous. Mes enfants ont grandi ici, mon petit-fils, il grandit ici avec les chèvres, les agneaux… » Des bêtes qu’Audrey et ses enfants aiment et soignent, tous les jours, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse froid ou canicule, dans la grande étable où elles sont comme des coqs en pâte. « Quand on les voit là, on voit qu’elles sont biens, les agneaux nous suivent partout, les chèvres aussi… On respecte toutes les préconisations de bien-être animal et nous, personne ne pense à notre bien-être alors qu’on nourrit les gens ».

Une cagnotte pour respirer

Devant les difficultés, la fille aînée d’Audrey, Lisa, a lancé une cagnotte en ligne, pour, au moins, parvenir à payer la nourriture des animaux. « J’ai l’impression de mendier. On veut garder la tête haute, on est fier de notre travail, on est passionné par ce qu’on fait mais on ne parvient même plus à en vivre », se désole Audrey qui malgré tout, parvient encore à tenir la barre. « L’autre jour, on a réalisé un plateau de fromage et en le regardant, j’ai été fière de ce que je faisais. Mais ça ne suffit plus et il nous faut une bouffée d’oxygène. C’est épuisant de toujours naviguer à vue. On aimerait juste voir une porte ouverte au bout du tunnel. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

+ 58 = 67