« Nous sommes à l’aube de la sixième extinction de la biodiversité », a dressé en préambule Patrick Buisson, vice-président. « Ce n’est pas un délire d’écolo-bobo, mais un engagement sérieux et territorial que nous devons prendre. » Face aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, l’Agglomération d’Agen a ainsi décidé de passer à l’action en déposant sa candidature pour obtenir le label « Territoire Engagé pour la Nature » (TEN). Ce label valorise les collectivités qui prennent des mesures concrètes pour intégrer la nature dans leurs politiques locales et sensibiliser les citoyens. Portée par Patrick Buisson, cette candidature a été discutée lors du Conseil d’Agglomération du 17 octobre dernier.
L’Agglomération agit déjà depuis des années pour la protection de son patrimoine naturel. Elle contribue à la Stratégie Régionale pour la Biodiversité en Nouvelle-Aquitaine et intègre des enjeux écologiques dans la révision de son Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Par ailleurs, son Plan Climat-Air-Énergie Territorial (PCAET) place la biodiversité au cœur de la lutte contre le changement climatique. « 60 % des Français pensent que les territoires qu’ils habitent sont déjà engagés pour préserver la biodiversité. » L’Agglomération avait, par le passé, déjà présenté un dossier de candidature pour le label, mais le projet n’avait pas été jugé « assez ambitieux pour l’échelle de l’Agglomération ».
« 52 espèces exotiques, dont certaines parmi les 100 plus invasives »
Avant de déposer cette nouvelle candidature, l’Agglomération a fait dresser un diagnostic de sa biodiversité. « Nous avons une faune diversifiée, mais avec de nombreuses espèces menacées », avertit l’élu. En effet, le rapport met ainsi en lumière que, sur les 55 espèces de mammifères recensées, 9 sont menacées. De même, sur les 166 espèces d’oiseaux, 85 sont menacées, et sur les 11 espèces d’amphibiens, une est en danger. « Il faut également préciser qu’il s’agit de relevés effectués entre 2000 et 2020 ; il nous manque donc 4 ans. Or, pendant cette période, les choses ne se sont pas calmées, au contraire », précise Patrick Buisson. La flore n’est pas en reste : sur 1700 espèces différentes de plantes relevées, 47 bénéficient ainsi d’une protection à l’échelle départementale, régionale ou nationale, comme par exemple les tulipes d’Agen.
Mais au-delà de cette flore et de cette faune lot-et-garonnaise, l’Agglomération doit aussi composer, malgré elle, avec des espèces invasives. On en dénombre pas moins de 52, qualifiées d’espèces exotiques, relevées entre 2000 et 2020, dont certaines parmi les 100 les plus invasives. On peut citer le ragondin, la tortue de Floride, l’écrevisse de Louisiane, le frelon asiatique, le cormoran, la jussie à grandes fleurs, la renouée du Japon, etc.
Une feuille de route en cinq actions
Dans ce contexte, la TEN offre aux collectivités une opportunité précieuse pour valoriser leurs politiques environnementales tout en sensibilisant et en communiquant auprès des citoyens sur les enjeux locaux liés à la nature. Elle permet également aux participants de bénéficier d’un accompagnement en ingénierie technique et dans la recherche de financements, facilitant ainsi la mise en œuvre de projets écologiques. De plus, cette initiative encourage le développement de nouvelles compétences et connaissances en matière de biodiversité. Enfin, elle intègre les collectivités dans un réseau dynamique où elles peuvent échanger et tirer parti des retours d’expérience d’autres territoires également engagés pour l’environnement. Dans le cadre de sa candidature, l’Agglo s’engage à réaliser cinq actions prioritaires d’ici trois ans, dans le but de renforcer la biodiversité et d’éduquer les citoyens à l’importance de sa préservation :
- Réalisation d’un Atlas de la Biodiversité Intercommunal
Cet atlas, créé en collaboration avec les associations locales, centralisera les données sur la faune et la flore du territoire. Son objectif est d’intégrer pleinement les problématiques de biodiversité dans les projets d’aménagement. - Restauration des corridors écologiques
Afin de favoriser la circulation des espèces, l’Agglomération souhaite renforcer des corridors écologiques à des endroits stratégiques comme la rocade de Boé. Le projet est mené avec le soutien de l’Agence de l’Eau et de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). - Mise en place d’un Plan de Gestion Intercommunal
En dressant un inventaire précis des espaces verts, l’Agglomération souhaite adapter leur entretien à leur potentiel écologique. Les pratiques de gestion évoluent ainsi vers une meilleure prise en compte de la nature. - Sensibilisation du public à la biodiversité
Avec des projets comme « Abeilles Sentinelles de l’Environnement », l’Agglomération entend impliquer activement les habitants. Ce programme permettra de mieux comprendre le rôle des abeilles et d’encourager les citoyens à participer à des actions de protection. - Formation des équipes techniques aux enjeux écologiques
Pour assurer une gestion durable des espaces verts, les agents communaux seront formés à des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
L’Agglomération d’Agen a ainsi défini quatre objectifs pour les prochaines années : améliorer la connaissance et la préservation du patrimoine naturel et du cadre de vie, répondre aux enjeux de vulnérabilité du territoire face au changement climatique, mettre en place une Stratégie Locale de la Biodiversité durable et favoriser l’implication des acteurs locaux. Pour réaliser ces objectifs, un budget de 1 080 000 € est prévu sur trois ans, dont 656 000 € en subventions « montant pour lequel nous serons très vigilants », continue Patrick Buisson. Le reste à charge est de 424 000 €, réparti entre 345 000 € par le dispositif TEN (115 000 € par an) et 79 000 € intégrés au budget GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations). « L’échelle de temps de la biodiversité est bien plus rapide que celle du climat ; on peut avoir des retours rapides si nous agissons maintenant », a abondé Jean Dionis. « Mais nous avancerons avec la prudence du paysan que requiert le contexte actuel. Pour autant, l’Agglomération se doit d’être aussi exemplaire en matière de biodiversité qu’elle l’est en matière de décarbonation et de neutralité énergétique. »
Une diversité de milieux naturels
Le territoire de l’Agglomération d’Agen se distingue par une mosaïque de milieux naturels diversifiés, représentant environ 19 % de boisements sur les pentes, des pelouses sèches et coteaux thermophiles menacés par l’enfrichement, ainsi que des prairies et bocages agricoles dans les fonds de vallée, qui subissent les effets de l’homogénéisation des pratiques agricoles. La Garonne et ses affluents structurent les milieux aquatiques et zones humides, cruciaux pour la régulation écologique et la biodiversité. La protection et la valorisation de ces habitats naturels sont renforcées par plusieurs dispositifs : trois sites Natura 2000 (le cours de la Garonne et ses coteaux, les Carrières de Castelculier et les coteaux du ruisseau des Gascons sur les communes de Ste-Urcisse, Puymirol et Clermont-Soubiran) protègent les écosystèmes sensibles de la région. Par ailleurs, dix Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) se concentrent principalement sur les espaces secs, et un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB) a été instauré sur la Garonne et le Lot pour sauvegarder des espèces aquatiques menacées comme l’esturgeon et la grande alose. Enfin, des sites remarquables labellisés au niveau départemental, tels que Trotte-Lapin à Moirax et la Réserve Naturelle Nationale de la Frayère d’Alose au Passage d’Agen, viennent renforcer l’engagement local en faveur de la préservation de la biodiversité.
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