Béziers – Agen : on (re)fait le match avec Jacques Gratton

Le 26 mai 1984, soit il y a un peu plus de 40 ans, le SUA LG affrontait Béziers lors d’une aussi historique que malheureuse finale du championnat de France de rugby. Avant la rencontre entre les deux clubs, prévue vendredi dans le cadre de la 12ᵉ journée de Pro D2, Jacques Gratton, acteur de cette finale quatre décennies plus tôt, remonte le temps au travers ses souvenirs rugbystiques.

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« On m’a dit : « Toi tu vas aller à Agen ! » Et je n’ai pas hésité »

Jacques Gratton : J’ai commencé le rugby à l’US Lectoure, dans le Gers. Là-bas, j’ai appris les bases, le plaisir de jouer, et l’esprit collectif. Puis, je suis passé à Auch, un club plus structuré, où j’ai vraiment progressé en tant que joueur. Ensuite, en 1980, j’ai rejoint Agen, mais ce n’était pas un choix calculé. À Auch, on avait une très bonne équipe de jeunes, mais il y a eu des soucis en interne, notamment avec Jacques Fouroux, qui était une figure marquante du rugby français. Il nous a conseillé à tous de chercher ailleurs pour continuer à progresser. Quand il m’a dit : « Toi, tu vas aller à Agen », je n’ai pas hésité. Agen, c’était un club de renom, avec une vraie culture du rugby. Ça a été un tournant dans ma carrière.

Agen et Béziers, 40 ans plus tôt…

J.G. : Cette finale de 1984 (21-21, défaite du SUA aux tirs au but) reste un souvenir très particulier, presque étrange. On n’avait pas vraiment perdu, mais on n’avait pas gagné non plus. C’est dur à expliquer, mais ça laissait un goût d’inachevé. C’était la première fois qu’un titre se jouait aux tirs au but, et j’étais spectateur de tout ça, sur le banc. Après tout, je n’aurais pas aimé être à la place des buteurs. Déjà parce que ce n’était pas mon rôle, et je savais que je n’aurais pas marqué (rires). C’est un exercice tellement spécial, qui demande autant de mental que de technique. Ce qui m’a marqué, c’est l’image de Bernard Viviès à la fin. Il était effondré après son tir manqué, moi, j’étais un peu en retrait de tout ça, je n’avais pas d’émotion particulière.

La finale 1984, plus douloureuse que 1986 et 1990 ?

J.G. : Non, la plus difficile à digérer, c’est celle de 1990 contre le Racing (défaite 22-12). Cette année-là, on devait vraiment gagner. On avait une équipe exceptionnelle, mais il s’est passé des choses en dehors du terrain qui nous ont coûté le titre. En 1984, on n’a pas vraiment perdu. C’était différent, j’ai trouvé ça moins frustrant sur le moment que cette véritable défaite au bout du temps réglementaire six ans plus tard. Mais ça reste un souvenir marquant.

« C’était une période dorée, mais on ne s’en rendait pas compte »

J.G. : Entre 1982 et 1990, j’ai disputé 7 finales en 8 ans avec Agen, entre le championnat de France et le Challenge Yves-du-Manoir, et j’en ai gagné trois. Avec le recul, c’était une période dorée. Mais à l’époque, on ne s’en rendait pas compte. On vivait dans l’instant, enchaînant les matchs et les compétitions. Agen était une place forte du rugby français, et on avait des joueurs d’exception. Mais ce n’était pas un poids, c’était juste notre quotidien et il faut dire qu’on s’en accommodait bien.

La difficile expérience d’entraîneur le SUA

J.G : Elle n’était pas évidente cette demi-saison en 1998. Les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Après une finale de Challenge Européen ratée (défaite 43-5 contre Colomiers), la direction a décidé de changer les choses. C’est toujours difficile à vivre, mais ce sont les aléas du métier. Heureusement, ça n’a pas entaché mes relations avec Philippe (Mothe), avec qui j’entraînais à l’époque. Heureusement On avait d’autres souvenirs plus joyeux ensemble (rires), et c’est ça qui compte.

Agen contre Béziers, vendredi soir

J.G. : Je pense que ça va être un match difficile pour Agen parce qu’actuellement Béziers, c’est une des meilleures équipes de la Pro D2. Agen fait des bons matchs, ils essayent de faire du jeu mais ils ont quand même des difficultés, je pense, physiquement, ils ont du mal à jouer les grosses équipes. Honnêtement, je pense que Béziers va gagner. Mais c’est le rugby, et on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Agen a le potentiel pour faire un coup, mais il faudra être solide.

« Les joueurs ont besoin de s’étoffer physiquement »

J.G. : Je sens qu’il y a un petit renouveau au niveau du jeu dans le SUA actuel. On voit qu’ils essayent de faire le jeu, j’ai vu de la bonne volonté. On a vu quelques bons matchs, on a vu des beaux essais. Mais je trouve que l’équipe est encore un peu tendre. Ils ont besoin physiquement de s’étoffer. C’est en grande partie ce qu’ils leur manquent. C’est un sujet qui va devenir de plus en plus important pour espérer mieux en fin de saison.

Le petit questionnaire //

Quidam Hebdo : vous comptabilisez 10 sélections avec le XV de France. Avec le recul, pensez-vous que vous auriez pu en avoir plus ?

J.G : Peut-être. Mais à l’époque, la concurrence était féroce. Quand tu sors du groupe, c’est difficile de revenir. J’ai eu la chance de vivre de grands moments. La tournée d’été en Nouvelle-Zélande en 1984, pour mes débuts avec les Bleus, reste mon plus beau souvenir en carrière. On avait perdu les deux matchs disputés contre les All Blacks, mais c’était le gratin du rugby mondial, j’étais directement dans le grand bain. J’ai aussi pu disputer le Tournoi des Cinq Nations à plusieurs reprises et j’en ai même un à mon palmarès, c’est déjà une belle satisfaction.

Q.H. : Un joueur en particulier vous a-t-il marqué au SUA, à votre époque en tant que joueur, comme dans l’équipe actuelle ?

J.G. : Je veux mentionner Dominique Erbani, qui incarnait le leadership et la constance. Il avait un charisme incroyable, on avait une alchimie particulière. Quant aux joueurs de notre époque, j’aime beaucoup Arnaud Duputs. J’ai joué au même poste que lui, mais ce n’est pas le même profil de joueur que moi, mais il donne tout sur le terrain et est très régulier dans ses performances. Il n’est jamais mauvais.

Q.H. : Après avoir entraîné Agen et Fleurance, maintenant on peut vous voir sur les terrains d’Armandie avec depuis quelques années les U8 et maintenant les moins de U10. C’est une nouvelle vocation ?

J.G. : Non, pas vraiment. J’accompagne mon petit-fils, qui joue depuis qu’il est en moins de 8 ans. C’est une belle expérience. Travailler avec les enfants, c’est une autre vision du rugby, plus spontanée, plus joyeuse avec des gamins enthousiastes. Ils nous rappellent les fondamentaux de ce sport : le plaisir et l’envie.

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