Jean-François Berthoumieu : Du ciel aux champs, un engagement pour le climat et l’agriculture

Du sud de la France à l’Alberta canadien, Jean-François a traversé les disciplines et les continents, animé par la recherche et l’innovation. Aujourd’hui, à la tête du cluster « Eau et Climat », il met son expertise au service d’une agriculture résiliente face au réchauffement climatique. Il nous partage son parcours, les défis rencontrés, et ses espoirs pour les générations futures.

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À l’occasion de la 9ᵉ édition du Cluster « Eau et Climat », le jeudi 28 novembre, Jean-François Berthoumieu s’est démarqué par son rôle central dans les discussions sur les enjeux environnementaux. Scientifique passionné et fils d’agriculteur, il a su faire de son parcours atypique une mission pour l’avenir : conjuguer agriculture, climat et énergie pour un développement durable. Il revient sur les moments clés de sa carrière et nous parle des enjeux actuels sur lesquels il travaille au cluster eau et climat, implanté dans l’agropole d’Agen.

Quidam Hebdo : Jean-François Berthoumieu, pouvez-vous nous raconter ce qui vous a mené à vous spécialiser dans votre domaine ?

Jean-François Berthoumieu : Mon parcours est un peu atypique. Fils d’agriculteur, j’ai repris la ferme familiale avec ma mère après le décès de mon père, tout en continuant mes études. Très vite, l’aviation m’a passionné grâce à la proximité de l’aérodrome de Revel (31). Mon rêve de devenir pilote de ligne m’a poussé à étudier les mathématiques et la physique à l’Université de Toulouse. Mais, en parallèle, je me suis intéressé à l’énergie solaire, un sujet encore balbutiant dans les années 70.

Q.H. : Votre carrière aurait-elle pu prendre une autre direction ?

J-F.B.  : Oui, j’ai failli devenir pilote de ligne. Mais lors de mes études, j’ai découvert la physique de l’atmosphère, qui m’a conduit à travailler sur des projets innovants comme la pluie provoquée en Afrique ou encore une thèse sur les flux de chaleur solaire au CNRS. Par la suite, un post-doctorat au Canada m’a permis d’approfondir mes recherches. Là-bas, j’ai aussi pris conscience des conséquences à venir du réchauffement climatique, bien avant que le sujet ne devienne central.

Q.H. : Quelles ont été vos premières réactions face à cette prise de conscience climatique ?

J-F.B. : Quand je suis rentré en France pour en parler, on m’a souvent regardé avec scepticisme. Certains professeurs minimisaient ces avertissements. Mais les premières augmentations de température dans les années 80 ont confirmé ce que j’avais appris au Canada. Cela m’a convaincu de me concentrer sur l’adaptation, notamment dans la gestion de l’eau, un domaine où j’ai pu innover avec des partenaires locaux et internationaux.

Q.H. : Parlez-nous de la création du Cluster « Eau et Climat ».

J-F.B. : L’idée est née en 2013-2014, après des collaborations avec des sociologues et des élus locaux. Nous avons compris que le lien entre l’eau et le climat n’était pas suffisamment intégré. Avec des partenaires espagnols, nous avons travaillé sur des solutions adaptées à nos régions, car ce que vit l’Espagne aujourd’hui, nous le vivrons demain. En 2014, nous avons lancé le cluster, qui a célébré, jeudi 28 novembre, sa neuvième édition.

Q.H. : Comment cette édition s’est-elle déroulée ?

J-F.B. : J’étais ému parce que je voyais des choses en action. Je vois des gens et des personnes qui sont en action pour faire quelque chose et pour s’adapter. Donc il me semble que là ça y est, c’est lancé, ces personnes-là vont continuer. 

Q.H. : Quels exemples d’actions concrètes pouvez-vous partager ?

J-F.B.: Un exemple marquant est une entreprise, près de Boé, qui a planté des arbres et des plantes grimpantes autour de ses bâtiments pour s’auto-climatiser. Ils collectent l’eau de pluie pour irriguer ces végétaux. Une autre initiative, menée par une commune, a transformé une cour d’école en béton en un espace verdoyant, permettant aux enfants de découvrir la nature tout en atténuant la chaleur urbaine.

Q.H. : Quelle est la place des agriculteurs dans cette transition ?

J-F.B. : Ils sont au cœur de notre avenir. Avec leurs vastes surfaces, ils peuvent jouer un rôle clé dans la gestion de l’eau et du carbone. Par exemple, en maintenant des sols riches en eau et en végétation, on peut limiter l’augmentation des températures locales. Il est urgent de soutenir une agriculture capable de produire non seulement des aliments, mais aussi de l’énergie renouvelable et un climat plus agréable. J’ai conclu là-dessus à la fin du cluster, je ne sais pas si les gens ont compris, mais je me suis dit que j’allais travailler les prochaines années là-dessus, sur ce concept, pour faire comprendre comment notre agriculture peut nous aider à ne pas avoir les quatre degrés de plus qu’on risque d’avoir si on continue sur la même démarche, celle d’utiliser de l’énergie fossile pour faire marcher ces machines.

Q.H. : En tant que chercheur, comment imaginez-vous l’avenir si vos recommandations sont appliquées ?

J-F.B. : Un monde plus conscient de son rapport à la nature et aux autres. Une société où la coopération prime sur l’idéologie. Et surtout, un équilibre retrouvé entre l’énergie solaire, les sols et les hommes.

Q.H. : Et enfin, quel message aimeriez-vous adresser à la nouvelle génération d’experts ou d’étudiants dans votre domaine ?

J-F.B. : Donnez envie aux jeunes de comprendre toute cette complexité. L’intelligence artificielle peut être une alliée, mais ne perdez jamais de vue l’objectif : trouver des solutions qui fonctionnent pour tous.

Q.H.  : Un dernier mot pour conclure ?

J-F.B. : Il est déjà trop tard pour attendre, mais il n’est jamais trop tôt pour agir. Les 15 prochaines années seront décisives. Nous avons les outils, reste à changer les mentalités.

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