PORTRAIT. Patrick Franken, le lieutenant devenu commandant de la Chambre d’agriculture

Un enfant du Lot-et-Garonne, agriculteur dans l'âme, militant par conviction. Patrick Franken, figure incontournable du syndicalisme agricole local, a gravi les échelons jusqu'à devenir, en ce mois de février, président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne sous la bannière de la Coordination Rurale 47.

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1969 : Racines et formation d’un agriculteur

Le nouveau rôle qu’il endosse ne semble guère lui triturer l’esprit. Pourtant, son quotidien change désormais du tout au tout. Les allers et retours entre le siège de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, à Agen, et son exploitation, en pleine campagne vallonnée de Saint-Pierre-de-Caubel, vont se multiplier. Patrick Franken n’a jamais cherché la gloire ou la reconnaissance, mais force est de constater que sa lente et linéaire ascension, entremêlée de quelques aléas, a fait de lui aujourd’hui le représentant de ses semblables dans le département.

Une histoire qui débute en 1969, année de naissance de ce dernier, en plein cœur du Lot-et-Garonne, à Tonneins. Tels les pruniers qui trônent fièrement sur ses terres de nos jours, on pourrait dire de Patrick Franken qu’il a, lui aussi, poussé dans la terre. Fils d’agriculteurs hollandais arrivés en France en 1956, il grandit dans un environnement rural, où le travail de l’élevage est une affaire de famille. « Mes parents étaient agriculteurs et ne parlaient pas un mot de français en arrivant, mais ils ont su s’adapter et construire une exploitation solide », raconte-t-il.

Patrick suit une scolarité jusqu’à ses 20 ans, puis file à l’armée avant de revenir sur l’exploitation familiale en 1992, où il s’associe avec deux de ses frères. « On était quatre frères, trois d’entre nous ont choisi de travailler ensemble. C’était une évidence pour nous. » Dans les années 2000, face aux difficultés économiques, la famille arrête l’élevage pour se concentrer sur l’arboriculture, notamment la prune. Depuis, côté exploitation, les années défilent, non sans l’appréhension de certains imprévus climatiques qui pourraient endommager les cultures, mais tout de même avec une certaine virtuosité qui permet à ce domaine de Saint-Pierre-de-Caubel de perdurer dans le temps.

1993 : Premiers pas en syndicalisme

Nous sommes allés jusqu’aux années 2000 dans notre récit, mais il est nécessaire de revenir quelques années en arrière, à l’heure où Patrick Franken pose son attention sur un tout nouveau syndicat en 93. Créé deux ans auparavant, ce dernier, nommé Coordination Rurale, ne tardera pas à faire voir se propager ses couleurs jaunes et noires aux quatre coins du 47. « J’avais des voisins agriculteurs déjà impliqués dans la CR 47. J’ai suivi le mouvement parce que je voulais défendre notre métier. On était encore à une époque de structuration pour le syndicat », se souvient-il. Déjà à l’époque, il partage les valeurs portées par la CR : « autonomie des agriculteurs, refus des contraintes administratives excessives et défense des productions locales ».

2013 : De militant à président

Vingt ans plus tard, il atteint une position plus qu’importante au sein de la CR 47 en devenant tout simplement son président. En 2013, le syndicat a déjà la main sur la Chambre d’agriculture lot-et-garonnaise depuis 2001. On peut naturellement imaginer que la tête de la CR 47 était alors déjà une place plus que prisée par beaucoup… mais pas pour Patrick Franken, qui ne l’a jamais revendiquée comme une ambition personnelle.

« Il fallait bien quelqu’un pour la présider. Personne ne revendiquait vraiment le poste, alors je me suis engagé. Il ne faut pas croire que c’est si simple. On a plus tendance à s’arracher les cheveux pour trouver quelqu’un prêt à assumer cette casquette, plutôt qu’à voir débouler des prétendants par dizaines », précise-t-il avec un brin d’ironie. L’homme n’est pas d’un naturel bavard et ne joue pas souvent la carte du sentimental, mais assume « avoir ressenti de la fierté à représenter tous ses confrères », avant de la jouer collectif, une fois de plus : « Le président n’est jamais seul. Chacun des succès de la CR résulte d’un travail de groupe. Le syndicalisme est usant, car nous passons notre temps à relever les défauts de notre profession, mais je me remémore de ce temps une aventure humaine très intéressante ».

2018 : Le combat du lac de Caussade

C’est peut-être son plus grand fait d’arme. Une initiative qui a coûté, au sens propre comme au figuré. Aux côtés de Serge Bousquet-Cassagne, l’homme échappe à de la prison ferme en appel pour la création du lac de Caussade, mais pas aux 150 000 € d’amendes exigés aux deux hommes ainsi qu’à la Chambre d’agriculture 47, dont ils étaient les dirigeants. « Sans eau ici en été, on a du mal à faire pousser quoi que ce soit. Et de l’eau, localement, il n’en manque pas, mais seulement, elle n’est pas répartie de manière égale toute l’année, ce qui est normal. C’est pour cela que le lac a vu le jour. » Cette retenue artificielle d’eau de 920 000 m³ profite aujourd’hui à près d’une quarantaine d’agriculteurs de Saint-Pierre-de-Caubel qui « vivent autour du lac et grâce au lac ».

Cette affaire sur-documentée a beau avoir sept ans en 2025, elle n’a toujours pas écrit son dernier chapitre. Au mois de décembre 2024, la préfecture du Lot-et-Garonne exigeait la mise en conformité du lac par la Chambre d’agriculture. « Le lac n’est peut-être pas légal, mais il est légitime. Cela me préoccupe de voir l’État remettre encore en cause son utilité. Il remplit son office à tous points de vue. C’est une tension lourde, inutile, pour l’État, comme pour nous. On a payé pour ce qu’on a fait, maintenant c’est de l’histoire ancienne, laissez-nous travailler. » De quoi donner du grain à moudre pour ses premiers mois en tant que nouveau président de la Chambre.

2025 : Dans la lignée des « Présidents-CR »

Jeudi 20 février, Patrick Franken accédait à la présidence de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, succédant à Serge Bousquet-Cassagne, confortant ainsi la position du syndicat dans l’institution locale depuis plus de 24 ans. « Serge était un leader naturel. Il a fait le job de manière inattaquable. J’ai une pensée aussi pour Michel de Lapeyrière (président de la Chambre de 2001 à 2013 et affilié CR 47) », reconnaît-il. Son accession à la tête de la Chambre n’était pas une ambition affichée, mais une continuité logique selon lui : « Il fallait quelqu’un pour prendre la suite. On me l’a demandé. Et puis, on a une équipe derrière nous, des générations qui arrivent. »

Parmi ses priorités, Patrick Franken veut maintenir un élevage dynamique dans le département. « D’ici cinq à dix ans, 30 à 40 % des agriculteurs partiront à la retraite. Si on ne trouve pas de solutions, on risque de voir disparaître l’élevage laitier et porcin. Ce serait un désastre », alerte-t-il. Il compte aussi peser à l’échelle régionale, alors que la CR se targue de résultats satisfaisants dans une majeure partie de la Nouvelle-Aquitaine. « On a une chance historique de diriger la Chambre régionale. Cela nous donne un pouvoir et une influence qu’on n’a jamais eus. Il faut être à la hauteur, car on n’aura d’autre choix que de nous écouter. »

Ainsi, lui qui était souvent présenté comme le « lieutenant » de Serge Bousquet-Cassagne, accepte aujourd’hui sa nouvelle stature. « Moi, je ne suis pas un chef de guerre. Je ne cherche pas à remplacer Serge, ce serait une erreur. Mais on garde la même ligne, avec peut-être une méthode plus consensuelle. » Il ne cherchera pas l’ultra-médiatisation de son mandat, mais à coup sûr, sera le représentant d’une Coordination Rurale toujours plus puissante, localement comme régionalement.

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