Grippe aviaire : La colère noire des éleveurs

La préfecture de Lot-et-Garonne a annoncé, en fin de semaine dernière, le dépeuplement de 7 foyers de contamination à la grippe aviaire, détectés dans le Nord du département. Ce sont 70 000 canards qui ont dû être abattus. Du côté des éleveurs, la pilule est très dure à avaler

0 Shares

Après les épisodes de gel, l’inquiétude et la colère montent de nouveau chez les agriculteurs du département. La Préfecture de Lot-et-Garonne a confirmé ce jeudi que sept foyers de contamination à la grippe aviaire, dans des élevages de canards, avaient été identifiés à Beaugas, Cancon, Pailloles, Lougratte, Sérignac-Peboudou, Lauzun et Castelnaud-de-Gratecambe, des communes situées au Nord du département. « Conformément aux sanitaire, les foyers ont été dépeuplés en vue de prévenir une éventuelle diffusion du virus », confirmait le Préfet, dans un communiqué. La réglementation prévoyant un abattage systématique dans un rayon de 3 km autour de cas confirmés, pour les élevages de canards, ce sont près de 70 000 bêtes qui ont ainsi été abattues.

Alors que l’épidémie fait rage en France, avec 1 330 foyers identifiés en fi n de semaine dernière, les services de l’Etat appellent les éleveurs à la plus grande vigilance : « Une zone réglementée comprenant 127 communes est mise en place autour des foyers sur un périmètre de 20 kilomètres, complète le communiqué. Un blocage des mouvements de volailles vivantes est mis en place pendant une durée d’au moins 8 jours. » Parmi ces mesures, les instances sanitaires rappellent que « les mouvements de personne et de matériel sont des risques majeurs de propagation du virus et de contamination » et préconisent notamment « d’utiliser des tenues propres et des bottes désinfectées ou à usage unique avant d’entrer dans les bâtiments d’élevage ou encore d’interdire la circulation de tout véhicule extérieur ou l’introduction de matériel non préalablement nettoyé et désinfecté. »

« Une grippe aviaire administrative »

Profondément choqués par cet événement, rares sont les éleveurs à vouloir s’exprimer face à ce principe de précaution qui ne passe pas. C’est Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’Agriculture, qui se fait le porte-parole de leur douleur et leur colère : « Nous sommes tristes et dépités de voir la façon dont se sont déroulées les choses. Tous les éleveurs nous disent : ‘quel gâchis’. Dans les premiers élevages abattus, on n’a tué que des canards sains et en pleine forme, avec zéro symptôme. Il paraît que certains en avaient dans les derniers cas. Nous avons toutefois la démonstration que ces mesures ne fonctionnent pas car on continue à trouver des cas positifs et cela ne va pas aller en s’améliorant. » Inquiet et révolté, le président de la chambre consulaire dresse un constat glaçant tout en tâchant de trouver des responsables. « C’est ce que j’appelle une grippe aviaire administrative, poursuit-il. Avant les fêtes, c’était 1 million de canards abattus dans les Landes, maintenant c’est 1 million en Bretagne et en Pays de la Loire, principalement dans des couvoirs où on fait grandir les petits poulets et canetons qui sont censés rejoindre nos élevages ensuite. Au final, nous n’aurons plus de canards. »

Serge Bousquet-Cassagne dit avoir un « début de piste » et tourne son regard vers les intégrateurs fournissant aux éleveurs les jeunes animaux et leur alimentation. « Quand vous êtes intégrateur, que vous vous emmerdez (sic) à faire livrer de la céréale de plus en plus chère aux producteurs et que vous avez un personnel dédié pour vérifier que le gavage est fait dans les règles, peut-être qu’il est plus facile d’avoir une bonne grippe aviaire administrative, où tout le monde est indemnisé juge-t-il. Il y a une complicité active de l’Etat dans tout ça avec le même ‘quoiqu’il en coûte’ que durant le Covid. Sauf que nous foutons complètement en l’air des productions et toute une filière emblématique de la France et du Sud-Ouest. Je ne sais pas qui tire les ficelles, peut-être qu’une personne veut supprimer le gavage en France ? On voudrait s’y prendre autrement, qu’on ne ferait pas mieux. »

Du foie gras bulgare pour Noël ?

Si, à l’instar des intégrateurs, les éleveurs seront aussi indemnisés pour compenser leurs pertes, Serge Bousquet-Cassagne rencontrera le Préfet ce jeudi afin de demander « une indemnisation des exploitants durant toutes les périodes de nettoyage, désinfection et repeuplement. Tant qu’ils ne travaillent pas, ils doivent être indemnisés. » Enfin, vient une question qui va toucher plus largement la population : y aura-t-il de la volaille et du foie gras français sur nos tables, pour les fêtes de fin d’année ? Les services de l’Etat se sont montrés rassurants en affirmant que « les produits à base de volaille peuvent être consommés en toute sécurité. » Les éleveurs sont, eux, plus pessimistes. « En n’ayant plus de canard en France, on n’a plus à s’inquiéter du bien-être animal, souffle, non sans ironie, Serge Bousquet-Cassagne. Maintenant, le foie gras va arriver de Bulgarie. On dira qu’il a été transformé en France et il sera vendu quatre fois plus cher. » Après la crise liée à la guerre en Ukraine et les épisodes de gel, les agriculteurs lot-et-garonnais se seraient bien passés de cette nouvelle catastrophe.

// Le Département affirme son soutien à la filière

Dans un communiqué, le Conseil départemental a exprimé « sa totale solidarité avec les éleveurs impactés par cette nouvelle crise sanitaire qui intervient dans un contexte déjà très difficile » et assure rester « très vigilant pour que les dispositifs d’aide aux exploitants impactés soient mis en œuvre par l’Etat le plus rapidement possible. » Le Département confirme également qu’il « se tient prêt à abonder le fonds de l’Association pour la prévention et le redressement des exploitations en difficulté (APRED) afin de venir en aide aux éleveurs victimes de la grippe aviaire. Cette contribution exceptionnelle permettra, lorsqu’un état des lieux précis aura été dressé, d’apporter un soutien aux agriculteurs rencontrant des difficultés économiques et sociales et de gérer les dossiers des éleveurs en détresse concernés par la grippe aviaire. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

93 − 85 =