Vers la fin des passoires thermiques dans le parc locatif, quelles conséquences ?

Pour répondre à l’urgence écologique mais aussi pour offrir des conditions décentes aux locataires, l’Etat français a voté une série de lois imposant de nouvelles restrictions aux propriétaires-bailleurs.

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Si rien ne remplace le cachet de l’ancien, force est de constater que les constructions de certaines époques sont loin d’être exemplaires en matière de consommation énergétique. Certains logements sont si mal isolés que l’on parle alors de « passoire thermique ». En plus d’impacter négativement l’environnement, les occupants se retrouvent parfois avec des factures délirantes simplement pour se chauffer. Heureusement, tout cela devrait bientôt s’arrêter, du moins dans le parc locatif. Les lois Energie et Climat de 2019 ainsi que Climat et Résilience de 2021 prévoient des mesures drastiques pour en finir avec ces situations, en s’appuyant sur les scores du DPE récemment réformé.

Des changements dès maintenant

Plusieurs de ces mesures vont entrer en application dans les plus brefs délais (voir calendrier ci-après). La première grande date à retenir est celle du 1er janvier 2023. À ce moment, seront considérés comme « logements décents » ceux dont la consommation n’excède pas les 450 kWh par mètre carré et par an, un seuil déjà au-delà de la classification G dans les DPE en vigueur. Les biens qui ne respecteront pas ce cadre seront interdits à la location. À noter que cette mesure s’appliquera aux baux conclus ou renouvelés (y compris par tacite reconduction). Le ministère de la Transition écologique estime qu’environ 90 000 logements sont concernés. Derrière, le calendrier va encore se resserrer. Les étiquettes G seront interdites dès 2025. Puis ce sera au tour des habitations notées F en 2028 et enfin les classes E en 2034. Des échéances à (très) court terme qui vont fatalement obliger les propriétaires-bailleurs à rénover massivement le parc locatif.

Des mesures incitatives nationalement et localement

Mais la coercitive épée de Damoclès qui se dresse au-dessus d’eux s’accompagne de mesures incitatives, avec d’importantes aides publiques pour les plus volontaristes. Ces subventions, pas si nouvelles au demeurant, vont se poursuivre dans le cadre du programme MaPrimRénov’. Localement aussi, les propriétaires ont la possibilité de se faire aider. La Ville d’Agen a par exemple mis en place une « Opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (OPAH-RU) en partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et l’Agglomération d’Agen. Plusieurs types de travaux sont soutenus : économie d’énergie, adaptation au vieillissement ou réhabilitation d’habitat dégradé. L’accompagnement, 100% gratuit, permet d’obtenir une information complète sur l’ensemble des aides mobilisables en fonction du projet et des critères d’éligibilité, de définir précisément un programme de travaux cohérent et même d’établir un plan de financement prévisionnel. « On bouge vraiment sur ce sujet et ce dispositif nous permet de sortir de très beaux logements, qui seront conventionnés pendant six ans avant de basculer dans le marché libre. Mais il faut savoir que nous restons vigilants sur certains aspects… Notamment sur la taille des appartements livrés. Nous voulons un maximum de mixité sur l’offre proposée en centre-ville, afin de ne pas déséquilibrer les quartiers. Avec l’OPAH-RU, nous ne finançons plus de T1 et de T2 car il s’en produit déjà beaucoup, et nous avons aussi des besoins sur plus grand », tient à souligner Jean Pinasseau, adjoint au maire d’Agen. En complément, une Opération de restauration immobilière (ORI) a été mise en place sur 15 immeubles vacants et dégradés, résultat d’un travail de plusieurs années avec les propriétaires pour trouver une destination à chacun d’eux. D’autres communes comme Villeneuve-sur-Lot accompagnent aussi des opérations de restauration immobilière.

Nouveau DPE : quels changements

Le gouvernement a décidé de réformer le DPE (diagnostic de perfor- mances énergétiques) pour en améliorer la lisibilité. Les deux volets, consommation d’énergie d’une part et émission de gaz à effet de serre d’autre part, sont unifiés sous une seule « double-étiquette. Le score le moins favorable sera celui retenu. Les énergies fossiles comme le gaz seront donc pénalisées. Certains professionnels craignent que de nombreux logements voient leur classement baisser drastiquement. Pour ce qui est de la consommation, la méthode dite « sur facture » est abandonnée par manque de fiabilité au profit d’un calcul basé sur les caractéristiques de l’habitation. Enfin, ce DPE ne sera plus seulement indicatif mais opposable, engageant ainsi la responsabilité du propriétaire bailleur ou vendeur.

À noter

Les DPE réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 sont valides jusqu’au 31 décembre 2022 ; ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 sont valides jusqu’au 31 décembre 2024. Il faudra donc rapidement se mettre à jour.

L’avis de Franck et Clotilde Chatelet //

(Maison de l’immobilier à Villeneuve-sur-Lot)

On constate déjà, depuis presque un an, des conséquences concrètes de cette nouvelle règlementation. Au-delà de la loi, c’est le marché qui va imposer ses exigences aux propriétaires car les locataires sont aussi plus vigilants quant au montant des factures d’énergie. Les passoires thermiques sont plus nombreuses qu’on ne le croit. Il faut dire que lorsqu’on évoque les mauvais classements DPE, on pense souvent à des logements indécents mais on peut en trouver qui sont entièrement refaits d’un point de vue esthétique et parfaitement habitables… On estime, sur notre secteur, que près de 50% des bailleurs vont se trouver dans l’obligation de mener des travaux conséquents et coûteux. Cette situation a une incidence sur le stock de biens à vendre puisqu’on enregistre une augmentation de 25% dans cette catégorie. Même si on fait en sorte de les accompagner au mieux, beaucoup de propriétaires préfèrent se désengager et confier cette charge à quelqu’un d’autre. On peut se poser la question d’une raréfaction des biens à louer à moyen et long terme. Mais en étant positif, on peut aussi y voir de belles opportunités pour les futurs investisseurs. Idem pour les personnes à la recherche d’une résidence principale, avec des prix plus attractifs. Et puis dans un certain nombre de cas, l’obtention d’un meilleur DPE n’est pas si difficile. Il ne faut donc pas trop noircir le tableau.

Le calendrier

  • 25 août 2022 : Interdiction d’augmenter ou in- dexer les loyers des logements classés F ou G, même au moment de renouveler le bail, même en cas de « clause travaux ».
  • 1er septembre 2022 : obligation de fournir un au- dit énergétique pour les logements classés F ou G. Cet audit comprend des propositions des opé- rations à effectuer pour améliorer la performance énergétique du logement concerné. Il doit présen- ter au moins deux scénarios de travaux à réaliser en plusieurs étapes ou en une seule pour atteindre la classe C.
  • 1er janvier 2023 : interdiction de mettre en loca- tion des logements dont la consommation excède 450 kWh par mètre carré et par an.
  • 1er janvier 2025 : interdiction de mettre en loca- tion des logements classés G.
  • 1er janvier 2028 : interdiction de mettre en loca- tion des logements classés F.
  • 1er janvier 2034 : interdiction de mettre en loca- tion des logements classés E.

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