Pour Jean Dionis, « le centre-ville d’Agen doit se réinventer »

Alors que les fermetures et les difficultés s'enchaînent pour les commerces du centre-ville, le maire d'Agen revient sur l'actualité du moment et livre son analyse avec un certain optimisme.

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Quidam l’Hebdo : Quel est votre sentiment sur le sursis accordé aux Galeries Lafayette ? Êtes-vous optimistes, est-ce que vous y croyez ?

Jean Dionis : Je prends les choses comme elles viennent. Il faut être ni optimiste ni pessimiste mais pragmatique. La décision du tribunal de Bordeaux renvoie à un délibéré le 20 mars, on va attendre cette date pour avoir la décision. Quoi qu’il arrive, on est dans le court terme.

Q. H. : Quelles seraient les conséquences pour Agen ?

J. D. : Il faut d’abord penser aux femmes et aux hommes qui y travaillent. Suivant les saisons, on parle de 30 à 40 personnes. C’est ça la priorité, avant de parler des conséquences pour le centre-ville. Ce sont des nôtres, des Agenaises et des Agenais qui sont dans une situation difficile et qui risquent de perdre leur travail. On doit voir comment on peut éventuellement les aider.
Ensuite, se pose effectivement la question de l’attractivité du centre-ville. Les Galeries Lafayette en sont l’une des locomotives sans être la seule. 6 M€ de chiffre d’affaires, c’est beaucoup mais d’autres établissements sont dans le même ordre de grandeur, à commencer par la librairie Martin-Delbert. Il est aussi essentiel de remettre un peu de contexte. Ce contexte, c’est celui de la transformation profonde et structurelle du prêt-à-porter en France. Cette activité a l’un des moteurs principaux des centres-villes de villes moyennes de l’après-Guerre jusqu’à aujourd’hui. Les dépenses d’habillement étaient très importantes pour les Français avec plus de 10% du budget. On est tombé à 3-4%. La période que l’on a connue est finie, il faut le mesurer. Bien sûr, il restera du prêt-à-porter mais il doit se réinventer autour du conseil et de la personnalisation de l’expérience.
Cette tendance de fond s’illustre avec d’autres cas que les Galeries Lafayette : la fermeture de Burton, les difficultés de Jennyfer, Naf-Naf, etc. Agen n’est absolument pas un cas unique en France. On anticipe sur la façon de réinventer les centres-villes. Cela passe par intégrer des enseignes plébiscitées par la population. C’est le cas de Monoprix, qui est très attendu.

Q. H. : Monoprix est avant-tout une enseigne alimentaire…

J. D. : Pas que. C’est une enseigne généraliste avec aussi de l’aménagement de la maison, de la déco. Et quoi qu’il en soit, c’est significatif de la tendance du moment. Regardez le début du Boul’ côté Jasmin. Vous avez maintenant un opticien qui fonctionne très bien, un centre dentaire. Il y a d’un côté une adaptation très rude à faire pour le prêt-à-porter mais il y a aussi de bonnes nouvelles puisque les gens reviennent en centre-ville pour y vivre. D’importantes opérations immobilières y sont de nouveau menées. Cet afflux de population doit nous amener à nous questionner sur ce que veulent les gens. Le centre-ville doit se réinventer pour les standards de 2024 et pas ceux de 1980. Et s’il y a toujours des gens qui viennent dans le cœur d’Agen en tant que pôle commercial, on doit d’abord penser à celles et ceux qui y habitent. C’est une nouvelle stratégie qui inclut plus d’alimentaire, plus de santé, plus de services. On voit aussi émerger beaucoup de restaurants. Cela fait débat chez certains mais je ne suis pas là pour faire de la régulation à ce niveau. Avant même que la mairie ne s’empare de ces sujets, la mutation commence à s’opérer sur le boulevard.

Q. H. : Les plaintes des commerçants concernant le stationnement sont toujours présentes, car cela participe selon eux à leurs difficultés.

J. D. : C’est une constante depuis 60 ans. Oui, il faut faire attention au stationnement mais en s’inscrivant dans notre époque. Plus jamais on construira de parking en plein cœur de ville comme cela a été fait au Marché couvert. Plus jamais, car c’est un aspirateur à voitures. On veut au contraire restaurer une certaine convivialité dans l’esprit d’une galerie marchande. Le stationnement est vraiment une cause secondaire des difficultés actuelles, loin derrière la transformation de la consommation chez les nouvelles générations. L’approche que nous devons avoir aujourd’hui, c’est sans doute instaurer des zones gratuites pas trop loin, par exemple à Agen Agora, avec une navette gratuite. C’est peut-être rajouter un étage au parking de la gare qui fonctionne de mieux en mieux. Mais l’idée de remettre des places de stationnement en plein centre-ville, cela équivaut à revenir en 1970.

Q. H. : La piétonnisation a-t-elle eu les effets escomptés et n’a-t-elle pas été trop loin ?

J. D. : Sur la piétonnisation, personne ne reviendra en arrière. Vraiment personne, pas un seul commerçant y compris de ceux qui ont des difficultés. On l’a fait et on a eu raison. Mais on le fait en 2008, on est en 2024… La vie continue et les comportements changent. Les Français et le prêt-à-porter, les Français et le centre-ville, ce n’est plus pareil.

Q. H. : On sait que les difficultés actuelles sont multifactorielles. On peut citer le prix des loyers des locaux commerciaux ou encore les surfaces exploitables.

J. D. : On observe des problèmes de court terme mais sur le long terme, je suis très optimiste. Sur les loyers commerciaux, vous avez raison. Il y a eu des années avec des loyers très élevés parce que de nombreuses activités, notamment le prêt-à-porter, étaient profitables avec de bonnes marges. Cette époque-là est sûrement aussi révolue. Sur ce point, il faut faire confiance au marché, être un peu libéral. Ça finira par se réguler.

Q. H. : Qu’est-ce que la Ville et l’Agglo peuvent faire pour améliorer les choses

J. D. : Notre plan d’action consiste à rendre Agen dynamique. Au niveau Agglo, quand on fait le Technopole Agen-Garonne, quand on développe les infrastructures économiques et routières, on fait venir des gens sur le territoire. On essaie aussi d’être fort sur la transition écologique. La municipalité, elle, doit amener un niveau de services élevé dans tous les domaines. Et on s’en sort pas mal à ce jeu multicritères. On est 55e au palmarès des villes où il fait bon vivre. Et puis je pense clairement que l’on entre dans l’ère des villes moyennes.

Q. H. : Ces aspects-là seront-ils suffisants pour rebooster le centre-ville ?

J. D. : Il ne faut surtout pas confondre ce qui se passe dans le prêt-à-porter et ce qui se passe dans le centre-ville. En 2023, il y a eu plus d’ouvertures dans le centre-ville que de fermetures. Nettement plus. C’est simplement que ça se transforme. Les difficultés sectorielles dans l’habillement ne permettent pas de tirer des conclusions pour l’ensemble du quartier.

Q. H. : Donc le centre-ville est plutôt dynamique selon vous ?

J. D. : Oui, le cœur d’Agen est identifié comme se portant bien parmi les villes moyennes. Il aura à se réinventer dans certains secteurs. Ce ne sera pas simple. Je me mets à la place des gens qui auront à le faire. Mais pour le reste, je suis très optimiste. Les gens reviennent. Avant, on avait les étudiants, les anciens et on perdait tous les 30-50 ans qui préféraient habiter un peu plus loin. C’est en train de changer. Notre centre-ville a une belle carte à jouer. Pour accompagner, on consacre beaucoup de budget, à la fois sur les animations et la digitalisation des commerçants, afin qu’ils puissent être présents là où sont leurs clients.

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