Jean-François Vinet, directeur de l’hôpital Agen-Nérac : « Il faut garder la maîtrise du destin de l’hôpital » 

Arrivé le 2 janvier dernier, Jean-François Vinet est le nouveau directeur du centre hospitalier Agen-Nérac. Déjà passé par le Lot-et-Garonne à la tête du Pôle de santé du Villeneuvois, l’ancien directeur de l’hôpital de Paul doit aujourd’hui redresser la barre d’un hôpital avec 10M€ de déficit. Rencontre. 

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Quidam Hebdo : Vous êtes aux manettes du Centre hospitalier Agen Nérac (CHAN) depuis le 2 janvier dernier mais ce n’est pas votre premier poste en Lot-et-Garonne. Pouvez-nous nous parler de votre parcours avant votre arrivé à la tête de l’établissement ? 

Jean-François Vinet : J’ai commencé ma carrière en tant que directeur adjoint à l’hôpital général de Saint-Nazaire, de taille similaire à celui d’Agen, puis je suis passé du côté de Bordeaux et d’Aurillac.
Avant d’arriver, j’étais depuis un peu plus de 8 ans au Centre Hospitalier de Pau, établissement de taille équivalente à celui d’Agen, faisant partie du groupement hospitalier du territoire comme Agen. Ce sont tous deux ce qu’on peut appeler le navire amiral des hôpitaux publics du territoire. Ce qui m’a intéressé, c’est l’idée de renforcer la collaboration entre les établissements et de faire partie du groupement hospitalier du territoire : Villeneuve-sur-Lot, Marmande, Tonneins, la Candélie et Casteljaloux.
Mon parcours en tant que chef d’établissement était également connu à Villeneuve-sur-Lot, où j’ai été directeur Pôle de santé du Villeneuvois, qui fusionnait alors avec la clinique lors de son ouverture début 2015. Cela a été un moment passionnant pour organiser les activités entre l’hôpital et l’ancienne clinique.

Q.H : Vous arrivez dans un nouvel établissement dont la situation est délicate, quel est votre sentiment ? 

J-F.V. : C’est un nouvel établissement, donc toujours un défi. De nouvelles têtes, de nouveaux acteurs locaux à découvrir, de nouvelles logiques qui peuvent différer de celles des autres territoires. Je ne suis pas en terrain totalement inconnu car j’ai travaillé au CHU de Bordeaux, ainsi qu’en tant que délégué régional de la Fédération Hospitalière de France Nouvelle-Aquitaine, ce qui m’a permis d’avoir des contacts réguliers avec Didier Laffage (ancien directeur de l’hôpital, NDLR), mais aussi avec le président de la commission médicale de l’établissement, Jean-Marc Faucheux. J’étais conscient de la situation budgétaire, depuis la crise du Covid, les hôpitaux ont connu des secousses et une tension budgétaire dans toute la Nouvelle-Aquitaine, à quelques rares exceptions près.

Q.H : Aujourd’hui, à combien se monte le déficit et quelles en sont les causes, selon vous ? 

J-F.V. : Un hôpital comme le CHAN, est une communauté humaine, scientifique et médicale comptant plus de 2000 salariés. C’est un gros navire à manœuvrer. Pour bien comprendre comment piloter et réorganiser ces grands établissements, il faut du temps. Je suis prudent, car je ne suis en poste que depuis deux mois et je n’ai pas encore eu le temps de visiter en détail tous les services, mais j’ai quelques idées, notamment sur l’ampleur du déficit. Ce déficit ne sera définitivement connu qu’au mois de mai, une fois que l’État aura annoncé les dernières dotations budgétaires de l’exercice précédent. À ce jour, le déficit se chiffre à 10M€, ce qui est élevé par rapport au budget de 200M€.
Un déficit de 5 % est important et préoccupant, d’autant plus que l’établissement avait consenti de gros efforts entre 2016 et 2019 pour revenir à l’équilibre, sans y parvenir, puis le Covid-19 est venue bouleverser complètement les activités hospitalières, entraînant un déficit de 3 à 4M€. Ce déficit a doublé en 2023. Les causes sont multiples, mais des éléments se cumulent. Les factures d’énergie ont augmenté de 3M€. Ensuite, il y a eu la revalorisation par les pouvoirs publics, légitime et nécessaire, mais il est important de discuter des ressources supplémentaires allouées par l’État pour financer ces augmentations. Globalement, les dotations versées ne couvrent pas la totalité des augmentations. Le dernier tiers du déficit dépend de nous : certaines activités se portent bien tandis que d’autres ne sont pas revenues à leur niveau d’avant le Covid.

L’équilibre financier n’est pas une fin en soi mais un moyen de conserver notre indépendance et de financer nos investissements. C’est pourquoi nous nous mobilisons pour tout mettre en œuvre afin de rétablir cet équilibre, bien que cela ne se fera pas en un claquement de doigts ni en un an. Nous avons besoin de soutiens extérieurs, mais nous devons également mobiliser nos ressources internes derrière cet objectif.

Q.H : Quel sont ces investissements ? Il était question d’un plan de restructuration à 67M€. 

J-F.V. : Un plan de reconstruction de l’hôpital a été élaboré, dans le cadre du programme Ségur mis en place à la suite de la crise sanitaire. Il y a un projet de restructuration important en cours au centre hospitalier pour 67M€ dédiés à l’immobilier. Cela offre une opportunité d’améliorer le travail personnel et l’accueil des usagers. Les enjeux sont de repenser l’organisation interne de l’hôpital, avec une restructuration progressive qui aura un impact majeur sur l’activité et qui s’étalera sur plusieurs années. D’après ce que j’ai pu voir dans la dernière version du plan, les travaux sont prévus jusqu’en 2030.

Certains services devront être rénovés rapidement, en particulier les services d’urgence, que j’espère voir rénovés dès cette année 2024, avant de s’attaquer au projet principal : le bâtiment principal de 8 étages, qui domine la colline. Un défi considérable qui prendra plusieurs années.

Q.H : On connaît les relations délicates entre syndicats et direction de l’hôpital, notamment dans ce contexte financier fragile…

J-F.V. : Je crois que nous sommes tous dans le même bateau. Il est normal que les partenaires sociaux défendent leurs intérêts et préservent leurs outils de travail tout en cherchant à les améliorer. Le rôle de la direction est de travailler dans le même sens que les instances de gouvernance, en rendant le service attendu tout en respectant le cadre posé par les tutelles, l’État et l’ARS (Agence régionale de Santé), notamment sur le plan budgétaire et juridique. Je n’ai pas ressenti de tensions particulières, mais il est nécessaire d’avoir une communication transparente. Je m’efforcerai de le faire dans le cadre du travail sur les différentes hypothèses de retour à l’équilibre que nous devons atteindre. Il existe plusieurs moyens pour cela : contrôler et maîtriser les dépenses, mais aussi développer de nouvelles activités mais pour lesquelles nous sommes encore en discussion, car comme au football, tant qu’elles ne sont pas signées, elles n’existent pas.

Q.H : En quelques mots, quelle va être votre ligne directrice, pour, comme vous l’avez dit, piloter « ce gros paquebot « ? 

J-F.V. : Avec quelques années d’expérience, je pense qu’il est essentiel de garder la maîtrise de notre destin. Cela signifie toujours se remettre en question et agir en conséquence. Il faut porter des projets. Chaque jour, en arrivant au CHAN, la préoccupation d’une infirmière est le travail à effectuer, la planification, les patients, mais aussi les conditions dans lesquelles les professionnels travaillent : comment améliorer la qualité des soins et la prestation rendue. C’est notre travail de tracer ces perspectives pour que demain, les conditions soient améliorées dans l’intérêt des patients et des personnels. Nous devons être dynamiques, constructifs et partager cette énergie pour convaincre notre équipe que nous pouvons améliorer les choses si nous sommes prêts à remettre en question nos organisations et nos pratiques.

Un nouvel EPHAD pour le pôle néracais

A Nérac, il y a un EHPAD, une unité de médecine et de soins de suite, ainsi qu’une antenne SMUR en activité, et l’ARS ainsi que les élus locaux attachent une grande importance à ce que cette antenne continue de rendre service. Nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour la maintenir et la renforcer. Pour ce qui est de l’EHPAD, j’ai récemment visité les installations et les conditions d’accueil sont désormais plus acceptables. Mon prédécesseur a travaillé sur ce projet, le financement est bouclé, le plan de restructuration est prêt, le permis de construire a été obtenu, et je m’apprête à signer très prochainement l’ordre de service pour le début des travaux. Il n’y a pas encore de calendrier précis, mais l’établissement devrait sortir de terre d’ici 2025 et sera financé par les résidents. Un terrain a été identifié à 1 km de l’établissement actuel.

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