Agen : Les Fêtes d’Agen font-elles toujours recette ?

Les Fêtes d'Agen ont-elles réussi à séduire cette année ? Avec une formule réduite à une seule soirée payante, la ville a pris un pari risqué. Entre nostalgie du Pruneau Show et nouveaux défis, les Fêtes cherchent encore leur identité.

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Le week-end dernier, la ville d’Agen a refermé les portes de sa nouvelle édition des Fêtes, un événement devenu incontournable du calendrier agenais. Mais cette année, un changement de taille s’est imposé : une formule réduite, concentrée sur une seule soirée de concert. En 2023, les festivités s’étaient déroulées sur deux jours, mais en 2024, une conjoncture exceptionnelle a contraint la municipalité à revoir ses ambitions à la baisse.

Des contraintes de taille en 2024

L’année 2024 est marquée par plusieurs événements majeurs. Outre le calendrier des Jeux olympiques, le passage du Tour de France à Agen a également pesé sur l’organisation des festivités estivales. Pour accueillir cette étape du Tour, la Ville d’Agen a dû débloquer un budget de 115 000 € (sur un coût total de 230 000 €, partagé entre la Ville, le Département et des partenaires privés), mobilisant par ailleurs de nombreux services municipaux. Un effort conséquent qui a justifié la décision de « réduire la voilure » des Fêtes d’Agen, habituellement plus fournies en animations.

Ainsi, cette édition 2024 a été recentrée sur une seule soirée de concert, avec toutefois l’ambition de marquer les esprits en programmant des artistes renommés. Olivia Ruiz et Pascal Obispo, deux figures emblématiques de la chanson française, ont été choisis pour séduire les spectateurs agenais. Cette soirée unique s’est accompagnée d’une formule festive, baptisée « midi-minuit », offrant diverses activités gratuites : des jeux, des démonstrations sportives et des concerts de rue dans plusieurs quartiers de la ville.

Un pari risqué pour la Ville

Ce recentrage de la programmation autour d’une seule soirée payante représentait un pari osé pour la municipalité. Depuis la refonte des Fêtes d’Agen en 2022, un grand changement avait déjà fait débat : le passage d’un festival gratuit à un événement payant. Ce choix stratégique visait à garantir la viabilité économique des festivités, mais a soulevé des interrogations parmi les habitants, habitués au modèle gratuit du Pruneau Show, l’ancien festival de la ville.

Pour autant, la municipalité semble satisfaite de cette édition 2024, malgré les réticences initiales. « En ce qui concerne la fréquentation des concerts du IN, nous avons atteint nos objectifs, avec 3 000 personnes présentes lors de la soirée », se réjouit la mairie d’Agen. « On voit qu’il y a de plus en plus de monde, notamment cette année sur le OFF. La formule midi-minuit, avec ses activités et animations gratuites, a séduit, et nous en sommes très contents. »

Des résultats financiers à la hauteur

Sur le plan financier, cette édition réduite semble également avoir porté ses fruits. « En termes de bilan, nous sommes bien dans ce que nous avions prévu. Nous restons dans les clous par rapport à notre budget initial », explique la municipalité. Ce résultat encourageant permet à la Ville de souffler après une année marquée par de nombreuses dépenses exceptionnelles, notamment avec le Tour de France et l’organisation de la soirée de concert payante.

Toutefois, les responsables municipaux restent prudents dans leur enthousiasme. La programmation, bien que couronnée de succès, a été particulièrement allégée cette année, avec seulement deux artistes sur scène. Une configuration qui ne reflète pas le format habituel des Fêtes d’Agen et qui ne sera pas reconduite à l’avenir. « Les Fêtes retrouveront leur format originel dès l’année prochaine », précise la mairie. Ce retour à une formule plus étoffée permettra une évaluation plus complète de l’attractivité de l’événement.

L’ombre du Pruneau Show

Malgré ces résultats prometteurs, les Fêtes d’Agen peinent encore à se défaire de l’héritage du Pruneau Show, le festival qui a longtemps rythmé la fin de l’été agenais. Ce dernier, gratuit et axé autour du pruneau, emblème gastronomique local, a laissé une empreinte durable dans le cœur des habitants. Pour certains, les nouvelles Fêtes d’Agen n’ont pas encore trouvé leur identité propre.

Marie, une habitante d’Agen et fidèle spectatrice des concerts estivaux, exprime ce sentiment partagé par de nombreux Agenais : « Ça me fait un peu mal de payer cette année pour voir Olivia Ruiz, alors que je l’avais vue gratuitement au Pruneau Show il y a quelques années », confie-t-elle. Toutefois, elle concède que la programmation des Fêtes d’Agen a évolué dans le bon sens : « Je trouve que la programmation s’est améliorée avec des artistes qui me parlent un peu plus. L’an dernier, il y avait Trois Cafés Gourmands, cette année Olivia Ruiz. C’est plutôt positif. »

Pierre et Audrey, un autre couple d’habitués, partagent cette nostalgie. « Nous étions de fervents spectateurs du Pruneau Show. J’ai vu Vianney, BB Brunes, Boulevard des Airs, Olivia Ruiz, et tout ça gratuitement », se souvient Pierre. « C’était un festival qui avait un ADN très agenais. Il y avait du pruneau partout, et c’était un événement qui nous rassemblait tous. »

Une identité en quête de renouveau

Pour Pierre, le principal reproche fait aux nouvelles Fêtes d’Agen est leur manque de singularité : « Je ne retrouve pas l’identité festive qu’on avait avec le Pruneau Show. Si l’on essaie de ramener un esprit de fêtes basques ou gersoises à Agen, je ne le vois pas. Il manque quelque chose. »

Cette question d’identité est au cœur des débats entourant la refonte des Fêtes. Pourquoi avoir arrêté le Pruneau Show, un festival emblématique, pour le remplacer par un événement payant qui peine encore à convaincre ? La mairie met en avant des raisons pratiques et économiques : « Il y a dix ou quinze ans, lorsque nous organisions le Pruneau Show, nous n’avions pas les mêmes contraintes de sécurité », explique la municipalité. « Il n’y avait pas de plan Vigipirate, et les exigences en matière de sécurité étaient beaucoup moins strictes. »

De plus, le coût des artistes a considérablement augmenté. La mairie cite en exemple Olivia Ruiz, qui était venue au Pruneau Show il y a une dizaine d’années : « Son cachet a été multiplié par trois depuis sa première venue. Nous n’avions pas d’autre choix, économiquement, que de passer à une formule payante pour équilibrer le budget. »

Des perspectives pour l’avenir

« Cette année encore, nous avons encore vu beaucoup de choses à améliorer mais c’est normal et nous allons y travailler », poursuit la municipalité. Pour 2025, les Fêtes d’Agen devraient retrouver un format plus large, avec plusieurs soirées de concerts et une programmation plus diversifiée. La municipalité doit encore composer pour trouver une forme qui permettra de réconcilier les nostalgiques du Pruneau Show avec les nouvelles générations, tout en trouvant un équilibre entre festivités accessibles et impératifs économiques.
Le défi est donc de taille pour les années à venir : réussir à faire évoluer cet événement tout en préservant l’âme festive d’Agen.

Alain Veyret : « On aurait pu faire perdurer le Pruneau Show »

Élu maire d’Agen en 2001, Alain Veyret avait promis à ses administrés la création d’un grand évènement festif. Quatre ans plus tard, le Pruneau Show voyait le jour et s’installait durablement comme un rendez-vous majeur du calendrier. « Notre ambition était de rassembler les gens autour de concerts gratuits et cela ne nous a pas empêché d’avoir des artistes de grande qualité. Même les personnes qui n’avaient pas les moyens ont pu en profiter. Ça touchait véritablement tout le monde. Ce n’est peut-être pas mon plus grand accomplissement en tant que maire mais je suis assez fier d’avoir pu le faire aux côtés de mon équipe », résume l’ancien premier édile. En 2022, après les deux années blanches frappées du sceau du coronavirus, le Pruneau Show a laissé sa place aux Fêtes d’Agen. « Ce n’est plus le même état d’esprit. On est désormais dans une dimension plus proche d’un festival traditionnel », constate Alain Veyret.

Ce dernier refuse néanmoins de critiquer son successeur Jean Dionis pour avoir changé d’ère. « C’est une décision politique qui revient à celles et ceux qui sont aux commandes. Chacun prend ses responsabilités en fonction de ses contraintes budgétaires et autres. La municipalité actuelle a sûrement ses raisons. » Toutefois, le chirurgien estime que l’ancienne formule avait ses vertus. « Cela correspondait plus aux valeurs de convivialité et de partage qui caractérisent notre territoire. Le fait de devoir payer aujourd’hui pour assister aux concerts réduit l’accès à certaines familles et poussent les autres à faire choix, par exemple en n’allant pas au restaurant. Concernant la sécurité, on avait l’appui de compagnies de CRS et on n’a jamais eu à déplorer le moindre incident majeur. Et pour ce qui est des coûts, entre les sponsors et les négociations serrées auprès des artistes, on parvenait à limiter les charges pour la ville. À mon époque, le Pruneau Show nous coûtait entre 150 et 200 000 €.  Je pense qu’on aurait pu faire perdurer ce format, qui avait aussi le mérite de nous faire rayonner bien au-delà d’Agen. Pour Yannick Noah en 2007, il y avait près de 150 000 personnes (sic) dans les rues de la Ville. Le public venait de partout en France pour ces derniers jours de festivités avant la rentrée. » 

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