Didier Caminade, Maire de Cuzorn et président de Fumel-Vallée du Lot


Arrivé au conseil municipal de son petit village en 2001 grâce à l’insistance du maire de l’époque Christian Rabot, Didier Caminade a pris les rênes en 2008 pour ne plus les lâcher. « Je suis tombé dedans un peu par hasard. J’étais à la tête d’une société de pneus réchapés poids lourds. C’est justement cette vision entreprise que mon prédécesseur recherchait. Et j’ai découvert le décalage immense qui existe entre ce monde du privé et celui des collectivités. Penser dépenses avant de parler recettes, l’inertie administrative, des instances périphériques qui retardent les projets… » Cette plongée dans la vie publique s’est faite directement dans le grand bain. Néanmoins, grâce à l’apport fiscal considérable de feu-Parquets Marty, Cuzorn avait les moyens des ambitions de ses élus. « Pendant vingt ans, on a pu faire énormément de choses, se réjouit Didier Caminade. Je ne suis pas sûr que ce soit possible dans les décennies qui viennent avec des budgets beaucoup plus contraints. » Et c’est justement l’une des raisons qui le poussent à arrêter. « Je suis un homme de projets structurants. Il est temps de laisser place à des générations qui sauront appréhender le monde autrement pour servir les intérêts de la population. » L’âge entre aussi en ligne de compte. Malgré sa grande forme apparente, Didier Caminade va sur ses 76 printemps. « Physiquement, c’est plus dur. Quand il faut enchaîner les réunions de 8h à 22h, le corps grince un peu et il est plus difficile de rester pleinement attentif. » En revanche, le temps n’a eu aucun effet sur sa motivation. « Si j’avais eu dix ans de moins, je serais reparti sans aucun problème. J’ai passé un quart de siècle à m’éclater dans ce rôle. Ce n’est pas tous les jours tout rose mais j’ai été plutôt épargné par les arbitrages sur les guerres de voisinage et autres joyeusetés qui tombent parfois sur les maires. Surtout, j’avais vraiment le sentiment d’être utile. J’étais même encore plus à l’aise comme président de l’intercommunalité. » Car oui, Didier Caminade était aussi à la tête de Fumel-Vallée du Lot. « La taille de la structure la rapproche vraiment d’une entreprise. Il y a 150 salariés, plus de moyens et une compétence développement économique qui n’est pas pour me déplaire. Je serais volontiers resté à la com-com mais Cuzorn n’y ayant qu’un siège, il n’aurait pas été juste que je prenne la place de mon successeur à la mairie. » Parmi ses plus grandes satisfactions restera la paix politique qu’il a su instaurer au sein du conseil communautaire. « À notre échelle, il n’y a pas de place pour politiser le débat », affirme-t-il.
Gérard Régnier, Maire de Villeneuve-sur-Lot et président de la Communauté d’agglomération du Grand Villeneuvois


Il est peut-être celui qui aura exercé le moins longtemps, mais ce n’est certainement pas le moins expérimenté. Gérard Régnier est devenu maire en juillet 2024, succédant à Guillaume Lepers parti à l’Assemblée nationale. Cependant, cet ancien militaire de carrière a fait ses débuts en politique dès 1993, à la demande de Michel Gonelle, tout juste élu dans la Bastide. « C’est assez flatteur que l’on vienne vous chercher. On se fait embarquer puis on finit par prendre goût au fait de rendre à nos concitoyens ce qu’ils sont en droit d’attendre », explique-t-il. D’abord dans la majorité puis dans l’opposition (face à Jérôme Cahuzac) et enfin de retour au cœur de l’exécutif municipal avec une parenthèse d’attaché parlementaire, Gérard Régnier aura occupé « presque tous les postes d’adjoint » avant de prendre, sur le tard, l’écharpe tricolore. « Je pense que ça aide pour maîtriser le périmètre mais il y a des gens beaucoup plus rapide », sourit l’intéressé. Gérard Régnier, peut-être influencé par son passé dans la Marine et de directeur de clinique, n’est pas du genre à faire de la figuration. Depuis le premier jour du mandat 2020-2026, il s’est investi quotidiennement pour la Ville comme peu l’auraient fait. Aujourd’hui, celui qui se considère comme « un vieux briscard » est chargé de finir le travail de la meilleure des manières avant de laisser sa place à quelqu’un d’autre. « J’ai l’âge de rentrer à la maison », dit-il à l’aube de ses 78 ans. Son épouse ne s’en plaindra pas tant le poste s’avère prenant et chronophage. Un autre aspect a guidé cette décision de ne pas rempiler lors du prochain scrutin. « Je ne sais pas si je suis un bon maire mais je sais que je suis un très mauvais candidat. Je n’aime pas les campagnes. Je ne suis pas un commercial, plutôt un gestionnaire pragmatique. » Étant incapable de faire le nombre sans s’impliquer à fond, il ne sera donc même pas sur la prochaine liste de son équipe. « Tout ça m’a beaucoup plu. Le fait d’avoir déjà abordé la chose publique par le passé m’a permis de pouvoir assurer sereinement la fonction. Au printemps prochain, j’éprouverai sûrement un brin de nostalgie mais je pars en paix avec cette décision. » En revanche, il ne regrettera pas certains désagréments. Le pire d’entre eux étant le fait de « s’endormir la nuit en se disant qu’on sera en prison le lendemain ». Un premier édile est responsable de toutes les (innombrables) actions municipales. « Il faut une présence de tous les instants et une grande vigilance. C’est déjà dur à notre niveau, mais je n’envie pas les maires des petits villages qui n’ont aucun matelas sur lequel s’appuyer. »
Christian Delbrel, Maire de Pont-du-Casse

Journaliste incontournable de l’Agenais pendant très longtemps, Christian Delbrel n’aspirait pas du tout à s’engager dans la vie publique. « Après avoir arrêté d’écrire, j’avais pour projet de monter ma propre maison d’édition », révèle-t-il. Le destin en a décidé autrement. À l’automne 2013, il se retrouve propulsé à la tête d’une liste avec la lourde charge de succéder à Gilbert Fongaro, maire pendant près d’un demi-siècle, en défi ant notamment le fils de ce dernier. Fort d’une victoire nette et sans bavure, Christian Delbrel a endossé le costume… sans vraiment mesurer l’ampleur de la tâche. « Je n’avais jamais été adjoint de ma vie. Et c’était aussi le cas de toute mon équipe. On était des bleus, des novices. On a eu la chance d’avoir à nos côtés une directrice générale des services extraordinaires ainsi que des agents qui nous ont accompagnés. Je n’imaginais pas ce que c’était de piloter une collectivité avec 70 collaborateurs et 5 M€ de budget. Du jour au lendemain, on devient patron d’une belle PME. » Pas du genre à reculer devant l’obstacle, celui qui a, de sa belle plume, raconté la vie locale en est cette fois devenu un acteur central. « Je considère qu’au-dessus de 3000 habitants, c’est un boulot à plein temps. En plus de toutes les compétences qui nous incombent, les projets de mandat et les rencontres avec les administrés, les associations et les entreprises, il faut aussi régler les problèmes de voirie, les petites guerres de voisinage… Il ne faut pas avoir peur de le dire, c’est beaucoup de contraintes. » Avec une indemnité mensuelle de 1250€ en ce qui le concerne, heureusement complétée par quelques autres mandats, ce dévouement n’est pas cher payé. « L’aventure humaine fut tout de même incroyablement riche », avoue-t-il sans détour. Alors au moment de raccrocher les crampons après deux mandats, un « petit pincement au cœur » se profi le mais sans le moindre regret. « Je l’avais toujours annoncé et je m’y tiendrai. Deux mandats, c’est la bonne parenthèse. Le premier permet d’appréhender et le second d’être beaucoup effi cace dans l’action. À Pont-du-Casse, on a toujours essayé d’avoir un coup d’avance, toujours un dossier dans les cartons prêt à partir au cas où des subventions seraient accessibles. » Heureux de partir avec le sentiment du travail bien fait tant au niveau des réalisations que de la situation financière de la commune (capacité de désendettement d’un an seulement), il laisse maintenant la place à d’autres. « Le prochain maire ne devra pas faire du Delbrel, comme je n’ai pas fait du Fongaro. » Il souhaite désormais profi ter de sa nouvelle liberté pour prendre du temps pour lui, sa famille, ses petits-enfants, voyager… Tout ce que sa fonction ne lui pas vraiment permis de faire. Il sera aussi libéré de ses combats au sein de l’Agglo d’Agen qui l’ont un peu « épuisé », la faute selon lui à « une gouvernance un peu trop verticale ».
Pierre-Jean Pudal, Maire de Sainte-Livrade-sur-Lot

L’engagement civique de Pierre-Jean Pudal est un modèle du genre. Dès sa majorité, il s’est lancé dans la politique. Et si ses longues études de médecine l’ont éloigné un temps de ce monde, il n’en est pas moins resté actif sur d’autres champs. Après avoir créé un partenariat médical avec le Vietnam, il est devenu président de l’OGEC Saint-Pierre à Sainte-Livrade, participant notamment à la construction du nouveau collège. Il fut aussi médecin bénévole pour de nombreuses associations sportives de la commune. Chef de groupement chez les sapeurs-pompiers, il a également monté une école JSP au sein de la caserne municipale. Se lancer à l’assaut de la mairie n’était donc pas si vertigineux. Mais bon sang que ce fut dur ! Victorieux devant la maire sortante socialiste Claire Pasut après sa défaite contre elle lors des précédentes départementales, Pierre-Jean Pudal n’a pas navigué sur un long fleuve tranquille. « Ce premier mandat a été très politique avec une opposition vraiment très agressive. Tout était bon pour attaquer. Et je n’ai pas trouvé beaucoup de soutiens autour, n’ayant pas la bonne étiquette politique. J’ai dû me battre sur tous les sujets et trouver des subventions pour nos projets en dehors des sentiers battus », se remémore cet ex-LR. Annulation de son élection sur son canton en 2015, affaire de conflit d’intérêt d’une de ses adjointes… Les péripéties ont été nombreuses. Cela ne l’a pourtant pas empêché d’être reconduit assez aisément à l’Hôtel de Ville en 2020. Le contraste entre les deux périodes est saisissant. « Ce second mandat aura été fabuleux de bout en bout. Tout le travail entamé en amont, des erreurs du passé évitées, de bien meilleures relations avec toutes les autres strates au-dessus de nous (ndlr, Agglo, Département, Région), une opposition plus apaisée… tout est devenu plus facile, fluide », rapporte le premier édile qui n’a par ailleurs jamais été déstabilisé par la fonction d’un point de vue opérationnel ou émotionnel. « Piloter un organisme de taille importante, je l’avais déjà fait avec l’OGEC. Et le stress, j’en ai bien plus dans mon travail de médecin. La politique est justement une échappatoire. » Les stigmates du premier mandat n’ont cependant pas tout à fait disparu. « J’ai pris ma décision de ne pas aller au-delà de 2026 un an avant le Covid, en 2019. Je me suis représenté pour terminer le travail et c’est tout. Je sais que je n’ai pas tout bien fait mais je peux partir en sachant que beaucoup de choses ont été accomplies pour redynamiser cette ville. Je pense avoir apporté ma pierre à l’édifice. » D’autres éléments guident cette décision de ne pas se représenter. « Au cours de la dernière décennie, je n’ai pu prendre qu’une à deux semaines de vacances par an. Mes journées s’étalent de 8h à 22h. Et puis là où je m’épanouis le plus et me sens plus utile, c’est en tant que médecin. Jusque là, je voyais 40 à 50 patients jour, en plus de mes fonctions d’élu. Je vais pouvoir en recevoir un peu plus. J’ai aussi envie de faire de l’humanitaire », explique Pierre-Jean Pudal. Il retirera de cette expérience des enseignements « passionnants » sur la vie d’une collectivité, la collaboration avec des techniciens de mairie qui lui ont donné les moyens « d’assumer [s]es rêves ». En revanche, il est un peu revenu de la politique de partis qu’il affectionnait à ses débuts. « Elle n’a pas sa place dans une commune comme la nôtre. »
Joël Ponsolle, Maire de Brax

C’est l’histoire d’un groupe de quatre parents d’élèves qui souhaitaient améliorer la politique éducative de leur commune et qui ont fini à la tête de l’exécutif municipal. Incarnée par Joël Ponsolle, cette équipe s’est imposée avec six petites voix d’avance en 2014. « En réalité, l’enjeu était bien plus grand, admet-il. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de communes qui en l’espace de dix ans se retrouve avec un échangeur autoroutier, un nouveau pont pour se raccorder à d’autres territoires, une zone d’activités économiques de 250 hectares et en bonus une gare LGV… Ce sont des perspectives énormes. J’avais pleinement conscience que c’était une chance, que nos terrains deviendraient des valeurs sûres. Il était essentiel d’anticiper. » Bien que nouveau venu dans le monde politique, Joël Ponsolle était déjà à l’époque rompu à l’exercice de la gestion des collectivités territoriales. Directeur général des services sur le Roquentin puis DG adjoint à l’Agglo du Grand Villeneuvois pendant de nombreuses années et même formateur dans ce domaine, il en maîtrisait parfaitement les arcanes. « J’étais comme un poisson dans l’eau. Je connaissais les rouages et j’ai pu aller vite tout de suite. Je savais également que tout projet d’ampleur qui n’est pas réalisé en concertation avec les habitants est voué au désastre. » Soucieux d’assurer un développement « raisonnable et raisonné » de son village, à la manière d’un patron de PME qui veut maîtriser sa croissance, Joël Ponsolle a tout mis en œuvre pour préserver l’histoire et l’identité de Brax, son bourg et ses commerces. Se transformer en cité-dortoir, très peu pour lui. Ce combat de tous les instants fut l’un des points d’accroche avec l’Agglo d’Agen où il siège. « C’est une grosse machine qui déroule son projet sans forcément écouter ce qui se passe en bas, sans prendre en considération tous les impacts. Essayer de se faire entendre est quelque chose qui m’a un peu usé », déplore-t-il. Ce n’est pas pour autant la principale raison de son retrait à venir. « Je suis un non-cumulard convaincu, à la fois en nombre et en durée. Deux mandats, c’est la promesse que j’avais formulée. Il faut laisser respirer la démocratie, permettre à de nouvelles idées d’émerger. Je vais même aller plus loin, je pense qu’on ne met pas assez en avant le travail collectif, des autres élus et surtout de nos services. Mais force est de constater que la population adore avoir un maire pour incarner sa ville. On n’a pas encore coupé la tête au roi. J’aurais voulu une gouvernance plus partagée, surtout à l’Agglo. » La famille pèse aussi beaucoup dans cette décision. « En étant maire, on met en parenthèse une partie de sa vie personnelle. Je n’ai par exemple pas assez profité de l’adolescence de mes filles. On perd un temps précieux pour des choses qu’on aimerait faire à côté », estime Joël Ponsolle qui se voit continuer la politique mais « autrement ».
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