Avec Éric Morival, retour sur une année à la tête des Restos du Coeur

Un an après son arrivée en tant que responsable départemental des Restos du coeur 47, Éric Morival dresse le bilan de ses actions et des défis relevés au cours de ces 12 derniers mois. Entre les engagements tenus et les combats inhérents à cette association, ce premier anniversaire marque une étape clé de son mandat.

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Quidam Hebdo : Est-ce que le contrat d’objectif qui avait été fixé, quand vous êtes arrivé à la tête des Restos du Cœur, a été rempli? 

Éric Morival : Notre problème est toujours le même, c’est effectivement d’une part d’avoir suffisamment de denrées pour fournir et répondre aux besoins des personnes que nous accueillons, et d’autre part d’avoir suffisamment de bénévoles pour pouvoir animer toutes ces activités de distribution mais aussi d’aide à la personne. Donc on a augmenté très légèrement, de 7%, on est à peu près à 450 bénévoles au niveau du Lot-et-Garonne. Le contrat est respecté mais évidemment il y a toujours un flux important de personnes dans le besoin donc il faut continuer d’entretenir ce dynamisme.

Q.H. : En un an de mandat justement, quel constat pouvez-vous faire par rapport à ces personnes dans le besoin ?

E.M. : Nous sommes sur une année de décalage, donc nous avons fait le point en mai 2024 en remontant jusqu’à mai 2023. Les dernières statistiques qu’on a, c’est un accueil d’environ 17 000 personnes dans le département. C’est un petit peu moins que l’année précédente, compte tenu de la réduction de voilure. Les personnes s’inscrivent sur la base de ce que l’on appelle un “reste à vivre”, qui correspond globalement à leurs ressources, leurs charges. Puis elles rentrent, ou non, dans le barème. Il est donc resté le même sur deux campagnes car il fallait que l’association puisse aussi suivre financièrement. Je peux dire d’ailleurs que tout cela nous permet d’accueillir le public dans de meilleures conditions finalement. On avait imaginé à un moment donné qu’on pouvait un petit peu décroître en puissance, mais c’est quelque chose qui n’est plus d’actualité.

Aussi, depuis la rentrée scolaire, nous voyons une augmentation du nombre d’étudiants dans le besoin. Ces gens sont en difficulté de nouveau de façon significative et il faut répondre aux besoins de tous.

Q.H. : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué, si vous deviez résumer votre année en un mot ?

E.M. : Je pense que c’est la solidarité. Parce que justement dans cette période extrêmement compliquée, tout le monde s’est serré les coudes. Tous les bénévoles ont bien compris les mesures à prendre, et chacun s’est énormément investi, comme chaque année. C’est vraiment remarquable. Personnellement, je trouve cette association extraordinaire. Nous sommes une très grande organisation, avec 72 000 bénévoles à travers la France. Rien que dans le Lot-et-Garonne, nous en comptons plus de 450. Cela signifie que notre fonctionnement repose entièrement sur le bénévolat, un modèle très particulier mais qui s’avère incroyablement efficace. Si nous devions remplacer demain les bénévoles par des salariés, la valorisation de leur travail représenterait plus d’un million d’euros pour le département. Je ne vois pas comment les collectivités locales, ou même l’État, pourraient assumer un tel coût. Si nous devions cesser nos activités, qui prendrait le relais ? C’est là toute la question.

Q.H. : Vous avez évidemment d’autres combats à mener, pour cette deuxième année de mandat…

E.M. : En ce moment, nous travaillons beaucoup avec la Croix-Rouge, notamment sur la question de la mobilité, car notre principal défi réside dans l’accessibilité de nos centres. Par exemple, sur celui de Guignard à Boé, nous avons instauré une navette pour faciliter l’accès, car l’arrêt de bus est assez éloigné. C’est particulièrement difficile pour les personnes qui doivent repartir avec des charges lourdes, celles qui ont de jeunes enfants, ou quand la météo est défavorable. Nous avons également déployé ces navettes pour les étudiants sur les campus, ce qui est une nouveauté. Cependant, dans les centres ruraux, nous rencontrons encore des difficultés. Certains bénéficiaires nous demandent s’ils peuvent venir tous les quinze jours au lieu de chaque semaine, car ils n’ont pas les moyens de mettre de l’essence dans leur voiture ou ne peuvent pas compter sur leurs voisins pour les conduire. Nous faisons face à des situations très compliquées.

Q.H. : Et qu’est-ce qui est prévu pour le lancement de cette quarantième campagne des Restos ?

E.M. : Le prochain grand défi qui nous attend est de réussir le lancement de la 40e campagne, qui démarre très bientôt, le 18 novembre. Cette campagne d’hiver va marquer le début d’une nouvelle forme d’aide proposée par les Restos. Je ne peux pas en dire trop pour le moment, car le lancement officiel se fera à la fin de cette semaine. Cependant, je peux dire que ce nouveau dispositif sera beaucoup plus généreux pour les bénéficiaires, ce qui nous permettra d’accompagner un plus grand nombre de personnes. Nous allons notamment nous concentrer davantage sur les familles monoparentales, car nous avons constaté qu’elles sont particulièrement vulnérables.

L’aide à la petite enfance sera aussi une priorité. Nous avons décidé d’élargir notre soutien aux enfants jusqu’à 36 mois, en matière d’alimentation, d’hygiène et d’équipement. C’est une initiative ambitieuse, mais nécessaire pour lutter contre la reproduction de la pauvreté. Aujourd’hui, 40% des personnes aidées par les Restos du Cœur sont des enfants, ce qui est considérable. Il est donc essentiel que nous fassions tout notre possible pour soutenir ces familles.

Q.H. : Vous voulez faire perdurer ce que votre prédecesseure, Mirelle Gené Monturet, avait instauré avec les “Restos Bébés”?

E.M. : Exactement, car historiquement, c’est elle qui a contribué à la création des “Restos Bébés”, notamment à la cité Barleté à Agen, où nous avons un espace dédié à l’accueil des familles avec des nourrissons. Dans ce lieu, nous distribuons des produits d’hygiène, du lait, et proposons des activités comme le massage pour bébés ou l’éveil musical. Actuellement, nous organisons également des sorties pour les mamans, afin qu’elles puissent voir autre chose et créer des liens. L’un de nos rôles est justement de briser cet isolement, car beaucoup de nos bénéficiaires, même ceux vivant en ville, sont extrêmement isolés. Pour certains, venir une fois par semaine à nos centres est leur seule sortie, leur unique moment de contact avec les autres. C’est pourquoi ces échanges sont si importants. Créer du lien social est une part essentielle de notre mission, et c’est vraiment quelque chose dont nous sommes fiers.

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