ARCHIVES. Ces industries qui ont un temps régné en Lot-et-Garonne

Outre la célèbre usine de Fumel, le Lot-et-Garonne et ses communes ont brillé par bien des industries et usines au fil de leur histoire. Petit tour d’horizon de certaines d’entre elles, aujourd’hui disparues ou presque…

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L’usine Granges, géant agenais de la métallurgie

À Agen, bien avant que la zone du Pin ne devienne un quartier résidentiel, elle vibrait au rythme des marteaux et des fourneaux. Là, dans ce faubourg autrefois relégué aux marges de la ville, l’usine Granges s’impose dès le début du XXe siècle comme un colosse industriel. Tout commence avec M. Granges père, puis se transforme radicalement en 1910 lorsque son fils, Louis Granges, reprend les rênes. Visionnaire, ce dernier oriente l’entreprise vers la fabrication de cuves en acier vitrifié, une innovation alliant robustesse et hygiène, destinée au transport de denrées liquides à travers le monde.

Très vite, la maison Granges diversifie sa production : escaliers mécaniques pour le métro parisien, puis pelles, pioches et obus au fil des conflits mondiaux. L’usine devient un poumon économique pour la ville, au point d’employer jusqu’à 3 000 ouvriers sur un site de 13 hectares. Mais derrière l’éclat industriel, la discipline patronale fait grincer les dents : les années 30 sont marquées par des grèves et des tensions sociales. À la Libération, malgré un sursaut lié aux commandes militaires, le déclin s’amorce. Le 2 février 1965, la fermeture est un coup de massue pour Agen. En quelques années, c’est tout un pan de la mémoire ouvrière qui s’efface, emportant avec lui un savoir-faire, une communauté, une fierté. Aujourd’hui encore, le nom de Granges résonne dans les souvenirs, même si la plupart ne sauraient plus situer exactement son emplacement.

Quand le bouchon de liège régnait à Mézin

Avant de se fondre dans l’image d’une paisible commune de l’Albret, Mézin résonnait du bruit des scies et de l’odeur du liège chauffé. De la fin du XIXe siècle aux récentes décennies, la cité médiévale vivait au rythme de son or local : le chêne-liège. En 1906, sur les 2 700 âmes qui peuplaient le village, plus de la moitié travaillaient directement ou indirectement pour la trentaine de bouchonneries locales. Un âge d’or industriel, partagé dans tout l’Albret, de Lavardac à Barbaste en passant par Nérac ou Vianne. À Mézin, on produisait chaque semaine jusqu’à 5 millions de bouchons, exportés via la Baïse et Bordeaux, quand l’écorce venait, elle, d’Algérie ou du Portugal. Artisanale à ses débuts, cette activité s’est mécanisée au fil des révolutions industrielles, sans jamais perdre son savoir-faire manuel.

C’est dans ce contexte de prospérité que la ville éleva, en 1906, un Arc de Triomphe en liège pour accueillir son illustre enfant, Armand Fallières, devenu président de la République. Mais cette vitalité a fini par s’éteindre : la dernière usine a fermé en 2009, emportant avec elle un pan entier de l’identité mézinaise. Pourtant, de ces années laborieuses, la commune a su faire un patrimoine : en 1983, d’anciens ouvriers créent le musée du liège et du bouchon. Installé aujourd’hui dans un bâtiment municipal, il conserve vivante la mémoire d’une époque où Mézin, humble village du 47, était le centre névralgique d’un commerce mondial.

Miramont-de-Guyenne, capitale oubliée du chausson

Avant que le cuir ne se taise, Miramont-de-Guyenne a été, des décennies durant, le cœur battant de l’industrie du chausson et de la chaussure. Tout commence en 1885, quand Joseph Soussial invente le « Kroumir », un chausson de basane cousu sur le côté. Une idée simple, mais promise à un destin national. En quelques décennies, la bastide devient un pôle industriel majeur. À partir des années 1930, le chausson cède la place à la chaussure moderne, et l’ère des manufactures débute, menée tambour battant par Gaston Imbert, fondateur en 1935 de la première usine sur la zone de La Brisse. Dans les années 1950, Miramont fournit à elle seule 75 % des chaussons de basane vendus en France. C’est l’âge d’or : 2 000 salariés font vivre l’économie locale, répartis entre les géants Imbert, Housty, Maillé ou Prunet. Mais à l’or succède le revers. Les années 1970 marquent un tournant : mondialisation galopante, choc pétrolier, concurrence étrangère… les fondations vacillent. Le premier coup dur tombe à la fin des années 1970 avec le règlement judiciaire d’Imbert. Puis la lente hémorragie : Imbert ferme en 1989, Housty en 1994, les autres suivent. Même les tentatives de relance sous d’autres noms, comme la Nouvelle Société Imbert, n’y feront rien. En quelques années, c’est tout un pan de l’histoire locale qui s’effondre. Aujourd’hui, il ne reste que des souvenirs de cuir et la nostalgie d’un temps où Miramont chaussait la France.

La conserverie Pauliac à Villeneuve, saga familiale et industrielle

Au début du XXe siècle, la conserverie Pauliac s’impose comme l’un des piliers de l’industrie agroalimentaire à Villeneuve-sur-Lot. Fondée en 1905 par Octave Pauliac, industriel et ancien maire par intérim, l’usine est érigée selon les plans de l’architecte local Gaston Rapin. Située à proximité de la rue Sully, en plein sur la route d’Agen, sa construction nécessite la transformation d’un ruisseau en égout pour accueillir le bâtiment principal, flanqué de hangars, d’une maison d’habitation et de deux cheminées emblématiques. À son apogée, l’établissement emploie une centaine d’ouvriers, principalement dans la mise en conserve de légumes. L’usine se fait alors célèbre dans la région. L’histoire de l’usine est intimement liée à celle de la famille Pauliac, dont fait partie Madeleine, célèbre résistante villeneuvoise et petite-fille du fondateur de l’usine. La conserverie reste ainsi un symbole de l’engagement familial, tant sur le plan industriel que social. Au fil des décennies, l’usine change de propriétaires : après les fondateurs, elle est reprise par M. Senchou. Ce dernier, confronté à l’exiguïté des lieux, transfère l’activité à Casseneuil, puis à Sainte-Livrade, où l’entreprise devient successivement Cérébos, Vétillard, avant d’être intégrée à Raynal et Roquelaure. La production cesse définitivement à Villeneuve en 1965. Des deux cheminées d’origine, une seule est conservée, avant d’être démolie en 2008 pour des raisons de sécurité. Il reste aujourd’hui tout de même l’immense bâtisse qui n’a pas dans sa forme que peu bougé au fil du temps.

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