ARCHIVES. Les ports oubliés du Lot-et-Garonne

En 47, de nombreux ports fluviaux se font témoin d'une époque où le commerce au fil de l'eau rythmait le quotidien.

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Agen, le géant éteint

Au fil des siècles, le port d’Agen, siégeant sur la rive droite de la Garonne, s’affirme comme un point névralgique du commerce fluvial en Aquitaine. Dès le XIIIᵉ siècle, les archives municipales mentionnent l’arrivée régulière du sel depuis Saint‑Macaire et La Réole, donnant à la ville le statut de « porte du sel atlantique » et un système de taxes encadré par les jurats. Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, les gabares chargées de blé, de vin et de bois croisent les édits réglementant les droits de passage à Port‑Sainte‑Marie et la surveillance des rives. Les bateaux embarquent aussi les célèbres pruneaux d’Agen, dont la renommée européenne se développe entre le XVIIᵉ et le XIXᵉ siècle. Les registres d’arpentement révèlent des quais bordés d’entrepôts et de chantiers bateliers, illustrant l’organisation minutieuse du commerce à l’époque. La prospérité culmine avec le canal latéral à la Garonne et la construction du pont‑canal d’Agen (1845‑1856), prouesse d’ingénierie assurant une navigation continue. L’avènement du chemin de fer, et notamment la ligne Bordeaux‑Sète inaugurée en 1857, provoque un déclin du transport fluvial. En 1856, le canal transporte 47 000 tonnes de marchandises, contre 18 000 tonnes en 1874. Pourtant, au début du XXᵉ siècle, suite au rachat du canal par l’État, le fret connaît un regain d’activité : en 1963, plus de 250 bateaux acheminent 455 000 tonnes de marchandises. Mais depuis, le calme a repris le dessus sur l’activité qui se concentre aujourd’hui sur de la plaisance pour les bâteaux. Les quais préservés restent les derniers témoignages physiques de cette époque.

Penne-d’Agenais, carrefour fluvial au pied de la colline

Au Moyen Âge, Penne-d’Agenais domine la vallée du Lot depuis sa colline, tandis que le Port-de-Penne, en contrebas, s’affirme comme un centre de commerce et de batellerie. Dès le XIIIᵉ siècle, des travaux d’amélioration de la navigation fluviale sont signalés, attestant d’un trafic déjà organisé et vital pour la région. Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, le port accueille le transport de céréales, de sel et de produits locaux, grâce à des gabares et à des bacs qui assurent la traversée du Lot pour les marchandises, les animaux et les personnes. Le grand et le petit passage structuraient le trafic quotidien, tandis qu’un éperon artificiel stabilisait les points d’embarquement. Propriété de l’Évêché et lieu d’activité économique dense, le Port-de-Penne contribuait au dynamisme des bastides alentours. Aujourd’hui, le port est une halte de plaisanciers ou, comme souvent de nos jours, un site où la location de bateaux prédomine.

Villeneuve-sur-Lot, le commerce au fil du Lot

Fondée en 1264 par Alphonse de Poitiers, Villeneuve-sur-Lot se distingue comme une bastide fluviale majeure, traversée par le Lot et dotée d’un plan orthogonal centré autour de la place Lafayette. Ce positionnement stratégique favorise naturellement son développement en tant que centre commercial prospère. Du XIIIᵉ au XVIIᵉ siècle, le port de Villeneuve devient l’un des principaux hubs fluviaux du Sud-Ouest, après Cahors. Les gabarres, ces bateaux à fond plat, y accostent pour charger et décharger des marchandises telles que bois, vin et céréales, reliant la région au réseau fluvial plus large. Les berges sont bordées de chemins de halage encore visibles aujourd’hui. La construction du pont des Cieutat en 1289 renforce la connectivité entre les deux rives, facilitant les échanges commerciaux. Jusque vers 1800, on y pratiquait même le halage pour la remonte des gabarres à l’aide d’une corde attachée au mât et tirée par un équipage depuis les berges. Aujourd’hui, bien que la navigation commerciale ne soit plus à l’ordre du jour, le Lot conserve une importance certaine dans la Bastide, qui multiplie les activités et services sur ce dernier.

Clairac, au service du commerce et de la mer

Clairac, dernier port fluvial du Lot avant le confluent avec la Garonne, s’affirme comme un carrefour stratégique du commerce fluvial dès le Moyen Âge. Au XVIIᵉ siècle, la ville, à la fois bastide protestante et centre de la Réforme, se distingue par son activité maritime. L’achat en 1760 de gabares par des locaux, renforce la vitalité du port. Ces embarcations, souvent halées par des bœufs à la « remonte », transportaient des marchandises essentielles telles que le sel, le vin, le blé et les pruneaux, contribuant à la prospérité de la région. Le port de Clairac servait de point de transit entre l’intérieur des terres et Bordeaux, facilitant l’acheminement des produits agricoles vers les grands centres commerciaux. Cette activité portuaire était soutenue par l’abbaye de Clairac, qui, dès le XIIIᵉ siècle, bénéficiait de privilèges royaux pour expédier ses produits sans payer de droits de péage à Bordeaux. Au début du XXᵉ siècle, bien que le transport fluvial ait connu un déclin avec l’avènement du chemin de fer, Clairac maintient son rôle grâce à une gestion adaptée et à l’entretien de ses infrastructures portuaires. Elle accueille même l’École navale en 1943 et 1944, transformant le port fluvial en escale pour des marins de haute mer. Un bel exemple ici aussi des atouts fluviaux du Lot-et-Garonne et de leurs activités d’antan.

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