Gel tardif : le pruneau fortement menacé après de lourdes pertes

Il y a presque un an tout pile, les gelées noires provoquaient des pertes agricoles majeures. Un épisode de retour en 2022, aux conséquences plus dramatiques cette fois. La prune d’Ente est notamment très touchée, menaçant directement les stocks de pruneaux.

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C’est un scénario catastrophe qui se répète pour nos agriculteurs. Alors que l’on avait remis les manteaux au placard avec l’arrivée du printemps, une vague de froid est survenue en fin de semaine dernière. Samedi 2 avril, les températures ont atteint jusqu’à -4,5° par endroits. Le gel noir* a endommagé de nombreuses cultures, notamment les arbres fruitiers qui sont légion en Lot-et-Garonne. Le même phénomène qui s’est produit un an en arrière. Cette fois encore, difficile de lutter, et c’est une année de travail qui s’envole une nouvelle fois pour nos agriculteurs. Sébastien Bons, installé près de Tournon d’Agenais, cultive la prune d’Ente, utilisée pour la fabrication de pruneaux, sur pas moins de 27 hectares. Il ne peut que constater les lourdes pertes suite à ces trois nuits dévastatrices… « L’an dernier, j’étais à 90% de pertes, mais cette année j’ai tout perdu. Dès la première nuit, c’était réglé. C’est bien simple, j’ai zéro kilo à commercialiser et je n’ai plus de stock. Je suis président d’une coopérative de séchage et le constat est le même chez l’ensemble des producteurs du coin, tout le monde a plus souffert que l’an passé », se désole-t-il.

Nous faisons un métier magnifique, mais dans lequel nous apprenons à être sur un ring, prendre des coups et se relever

Pascal Roques de la ferme Roque à montesquieu

De l’autre côté du département, à Montesquieu, Pascal Roques, de la ferme éponyme, a réussi à sauver une petite partie de sa production. « Mes 15 hectares de pruniers ont été impactés à 80%. Et avec d’autres phénomènes climatiques comme la grêle qui crée aussi beaucoup de dégâts, je suis inquiet pour la culture de prune d’Ente. J’ai également quelques variétés de pommes qui ont souffert, comme la Pink Lady dont la floraison était en avance. Cet épisode hivernal au printemps fait très mal. Nous faisons un métier magnifique, mais dans lequel nous apprenons à être sur un ring, prendre des coups et se relever. » Cette année, la production de pruneaux va forcément être impactée, mettant à mal tout une économie. Tous ont pourtant essayé de limiter la casse, utilisant des techniques variées, comme l’aspersion, des bougies antigel, chaufferettes ou encore des bottes de foin brûlées permettant de réchauffer l’air ambiant. « Il faut compter 3 000 à 4 000€ de bougies pour couvrir un hectare, quand on sait qu’il y a 7 000 hectares de pruniers en Lot-et-Garonne, c’est impossible d’en protéger la totalité », appuie Rémy Muller, ingénieur conseil en arboriculture et irrigation.

« Je ne sais pas où l’on va »

Côté viticulture, les dégâts semblent moindres. « Les tailles ont pour beaucoup été effectuées plus tard que l’an passé, nous avons donc espoir que les pertes soient moins importantes », ajoute l’ingénieur. Maintenant que le mal est fait, on ne peut pas s’empêcher de penser à l’après, tandis que les trésoreries sont pour beaucoup en berne. La Coordination rurale 47, par le biais de son président Pascal Béteille, évoque le ‘pire scénario’. « Les agriculteurs, déjà lourdement impactés par la période de gel 2021 vont devoir affronter l’année 2022 dans de graves difficultés. L’État devra actionner les leviers le plus rapidement possible pour pouvoir soutenir les exploitations déjà fragilisées. La MSA doit également agir. Bon nombre d’agriculteurs n’ont toujours pas été indemnisés de l’année 2021 ! » En effet, malgré les aides majeures débloquées l’an passé et la promesse d’un traitement plus rapide, certains ont reçu un début d’indemnisation, d’autres rien. « Je ne sais pas où l’on va, mais il va falloir qu’il se passe quelque chose. Nous devons investir mais nous arrivons au bout de nos ressources », constate amèrement Sébastien Bons. Le Premier ministre a annoncé dès ce lundi que l’Etat serait une nouvelle fois à leurs côtés. « J’ai demandé au Ministre de l’Agriculture de mobiliser le dispositif des calamités agricoles, en particulier pour l’arboriculture, pour permettre aux exploitations déjà durement éprouvées de faire face. Si cela s’avérait nécessaire, un fonds d’urgence sera ouvert à disposition des préfets des départements les plus concernés ». Si pour l’ensemble des producteurs touchés, le moral en a pris un sacré coup, certains voient déjà plus loin et s’interrogent sur la suite. « Il va falloir se poser des questions sur la culture des arbres fruitiers. Je n’aurais jamais imaginé vivre deux épisodes similaires deux années de suite, provoquant la perte totale, ou presque, de mes vergers. Mon père n’avait jamais connu ça, c’est dire. Mais que va-t-on faire si cela se reproduit tous les ans ? », lance le producteur de prunes, Sébastien Bons. Un aspect également mis en avant par Guillaume Lepers, président de la Communauté d’agglomération du Grand Villeneuvois, un secteur qui a particulièrement souffert : « Il faut étudier de près les nouvelles règles proposées depuis le début du mois de mars dernier par la nouvelle loi qui réforme le système de l’assurance récolte en établissant une couverture contre les risques climatiques. Ce dispositif, qui vise à inciter les agriculteurs à assurer leurs cultures, doit être plus accessible. Seules 30% des surfaces agricoles en France sont actuellement assurées : il faut mieux accompagner nos arboriculteurs dans cette démarche. » Désormais, la Chambre d’Agriculture travaille de concert avec la Direction Départementale des Territoires pour dresser le constat des pertes engendrées par ces gelées, qui devrait être rendu la semaine prochaine.

*On parle de gel noir quand l’air est sec, provoquant la destruction directe des cultures

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