La remise en question du secteur de la publicité face à « Oui Pub »

En place depuis le 1er septembre sur l’Agglomération d’Agen, l’expérimentation du système « Oui Pub » a contraint le secteur de la publicité à revoir sa manière de faire, avec ou sans papier.

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Les chiffres de la publicité papier en France ont de quoi donner le tournis. Ce sont entre 800 000 et 900 000 tonnes qui sont imprimées chaque année, soit 40 kg par foyer. Une enquête de l’ADEME (Agence de la transition écologique) réalisée en 2020, révélait que 44% des Français interrogés jetaient la publicité sans même y avoir prêté attention. Il n’est pas étonnant que la Convention citoyenne pour le climat se soit attaquée à ce gaspillage, dans ses conclusions rendues en juin 2020 et qui a débouché sur un article dans la Loi climat et résilience du 22 août 2021.

Il faut désormais apposer un autocollant « Oui Pub » sur sa boîte aux lettres pour continuer à recevoir de la publicité. Le texte sera appliqué en 2025. Quinze collectivités l’expérimentent depuis le 1er septembre. Parmi elles, l’Agglomération d’Agen où les imprimés publicitaires représentent 40% des 1 390 tonnes de papiers recyclés chaque année.

La profession saisit l’enjeu, moins le calendrier

Un calendrier qui a pris de court les professionnels de la publicité. « Sur le fond, je ne suis pas contre que l’Etat légifère en ce sens et on savait que ça allait arriver, dit en préambule Yan Baudoux, gérant d’Action Groupe Communication, dont l’impression de prospectus publicitaires représente 50% du chiffre d’affaires. Le calendrier me dérange car on se retrouve très impactés sans avoir pu se préparer. Aujourd’hui, nous savons recycler le papier et l’utiliser. Il faudrait peut-être encore plus sensibiliser les particuliers à la question du tri. » Au terme de négociations, l’agence a obtenu de pouvoir continuer à distribuer son magazine phare, au titre de publication de presse bien que majoritairement composé de publicités.

Une dérogation qui sera étudiée en séance communautaire ce jeudi, à l’instar des publications des collectivités, des secteurs culturels et cultuels, ainsi que des commerçants et artisans (pour des flyers en format A5). Le secteur de la distribution* est également fortement impacté. « Il y aura moins de publicités dans la pile donc les distributeurs augmenteront indéniablement leurs prix pour compenser leurs pertes, commente Yan Baudoux. On estime qu’une centaine d’emplois, souvent précaires, pourraient être menacés. »

Le ménage des grandes surfaces

Grands producteurs de prospectus, les hypermarchés comme Intermarché ou E.Leclerc ont décidé de ne les distribuer qu’en magasin. Ces grands groupes se tournent vers le numérique. « On imprimait près de 35 000 catalogues par semaine, on passe désormais à 2 000, détaille Pierre Uguet, directeur de E.Leclerc à Castelculier. Cette économie devrait sauver une centaine d’arbres par an. Si on s’y met tous, ce sera des forêts entières. A l’heure où le Médoc est encore en proie dans les flammes, je trouve que ça a beaucoup de sens. »

Les promotions du magasin se retrouvent sur l’application mobile de l’enseigne, directement accessible via un QR Code à flasher et visible partout. Un changement important pour une partie de la clientèle, plutôt âgée, et habituée à comparer les promotions entre plusieurs magasins. « Nous faisons des économies sur le papier donc cela nous a permis de proposer plus d’offres commerciales. Il faut savoir que les promos représentent 15% de notre chiffre d’affaires, on ne peut vraiment pas s’en passer. » Encore plus vieille que la création de l’imprimerie, la publicité est en passe d’entrer dans le troisième millénaire.

* Joints par nos soins, les professionnels de la distribution n’ont pas répondu à nos sollicitations.

La Père Noël aussi est impacté

Pour les magasins de jouets, la distribution des catalogues de Noël est le moment le plus important de l’année. Il faudra avoir l’étiquette « Oui Pub » sur sa boîte aux lettres pour le recevoir. Un indispensable pour que les enfants fassent leur liste ? « C’est un peu de la magie de Noël qui s’en va, estime Thomas Porcarelli, patron des magasins JouéClub à Agen, Boé et Nérac. Moins de catalogues distribués, c’est forcément moins de visibilité. D’un autre côté, je vais économiser les coûts d’impression et de distribution et on estime que ça va compenser la perte de chiffre d’affaires.

Afin de pallier ce manque, nous faisons un envoi de mail et SMS groupés via notre fi chier clients. Si je comprends tout à fait la démarche écologique, il faut rappeler que le papier utilisé est recyclable à 90%. J’estime que l’aspect économique n’a pas été pris en compte. J’imprimerai cette année 40 000 catalogues, contre 60 000 en temps normal. Ils seront présents en points de vente et j’espère trouver des points de dépôt un peu partout. »

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