C ’est une mauvaise surprise dont le commerce du centre-ville de Villeneuve-sur-Lot se serait bien passé. Le 3 janvier dernier, les Allées Gourmandes, installées du côté de la halle Lakanal, affichaient porte close. Pour les visiteurs qui y ont pointé le bout de leur nez, un simple mot à l’entrée indiquait : « Les Allées Gourmandes ont fermé leurs portes pour mieux vous retrouver au printemps 2023 avec un nouveau concept, de nouveaux produits et plein de surprises », tout en promettant qu’il ne s’agit que d’un simple « au revoir ». En face de la halle, le boucher-traiteur Didier Vidal a pignon sur rue. Il n’a jamais vu son voisin comme un potentiel concurrent. Pour lui, c’était au contraire une aubaine, générant du flux dans le quartier. C’est donc peu dire que cette nouvelle n’a pas réjoui l’artisan. « C’est forcément dommage d’assister à cette fermeture, confirme-t-il. Une réouverture sous un nouveau concept semble promise. C’est tout ce que l’on peut espérer. » Du côté de la municipalité, propriétaire des lieux, aucune communication officielle n’a été faite sur le futur du site. Joint par nos soins, Guillaume Lepers a simplement déclaré : « Il y a un travail en cours sur l’évolution du concept. La mairie y participe mais il est trop tôt à ce stade pour en dire davantage. » Un projet emblématique du mandat Cassany L’équipe du maire aurait pu tomber dans un écueil facile en rappelant que ce projet est emblématique de la fi n de mandat de Patrick Cassany. Rappelons qu’à l’origine, Damien Christ souhaitait s’installer en périphérie de Villeneuve-sur-Lot. La réglementation de l’OAP Commerce l’en avait empêché et la municipalité précédente l’avait alors redirigé vers la halle Lakanal où elle a consenti d’importants efforts financiers (plus d’un million d’euros) pour rénover les lieux. Les Allées Gourmandes avaient été inaugurées en grande pompe, fi n 2019, en présence d’Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine. Damien Christ était alors le seul maître à bord. Sa structure a approché la trentaine d’employés, répartis entre la partie commerce alimentaire et le restaurant. C’est d’ailleurs cette seconde activité qui semblait jouer les locomotives pour l’ensemble de l’établissement. L’été dernier, le resto-bar, aux commandes du chef Thomas Caumartin, a atteint voire dépassé les objectifs fixés. De bons résultats saisonniers qui n’ont pas pu empêcher la fermeture… Il faut dire que les difficultés sont multi-factorielles. L’exploitation par un gestionnaire unique est pointé du doigt par certains clients et commerçants. D’autres s’interrogent quant au positionnement tarifaire dans un quartier qui demeure populaire. L’explosion des coûts énergétiques dans ce lieu mal isolé aurait aussi participé à la dégradation des finances. Un point qui fait d’ailleurs l’objet de discussions entre la mairie et l’entrepreneur même si les solutions risquent d’être difficiles à trouver (voir encadré).
Qui pour accompagner Damien Christ ?
Alors que vont devenir les Allées Gourmandes et plus largement la halle Lakanal ? On imagine mal la municipalité laisser vacante une telle friche en plein centre-ville sans se battre. Si l’on ne sait encore rien du « nouveau concept » annoncé, une piste semble être actuellement à l’étude selon nos informations. Celle-ci verrait Damien Christ revenir pour gérer la partie boucherie-conserverie (son cœur de métier puisque sa famille dirige la ferme du Vignal). Les autres lots commerciaux seraient loués (ou sous-loués) à d’autres artisans indépendants. Quid du restaurant ? Il faudra attendre encore un peu pour avoir toutes les réponses… Ce qui semble certain, c’est que personne dans la bastide ne souhaite voir cette belle halle se rendormir…
Une halle qui pose ses limites
Si le bâtiment est peut-être le plus bel atout des Allées Gourmandes, c’est aussi une source de contraintes. Cette construction, dans le plus pur style des halles Baltard du XIXème siècle, constitue un patrimoine d’exception pour la commune. Légèrement transformée à l’occasion de plusieurs rénovations pendant la seconde moitié du XXème siècle, la halle Lakanal a fi nalement été restaurée en 2019 pour retrouver son lustre d’antan. C’est l’architecte villeneuvois Michel Marès qui s’était vu confi er le chantier. « Il est important de resituer le contexte, avance ce dernier. On n’a pas aff aire à n’importe quel bâtiment. Celui-ci est protégé et présente des caractéristiques particulières. Très vite, avec les ingénieurs du bureau d’études thermiques qui nous a accompagnés, on s’est rendu compte qu’il était impossible de suspendre quoi que ce soit à la charpente. Il s’agit d’une structure assez légère qui doit déjà supporter une couverture en tuiles assez lourde. En ajoutant à cela le volume colossal du site (ndlr, près de 6000 m3 ), le cahier des charges de la RT2012 n’était absolument pas tenable. On a donc conclu avec le maître d’ouvrage et le futur exploitant que le bâtiment ne serait pas chauffé ni climatisé mais seulement tempéré, ce qui n’est pas du tout la même chose. Ça correspondait bien à un usage de halle gourmande avec des commerces de bouche. Comme il était prévu de créer un corner de restauration, on a plafonné l’espace dédié et ajouté des panneaux rayonnants pour un surplus de confort. Mais cela ne pouvait en aucun cas permettre de manger en bras de chemise en plein hiver. Tout le monde était d’accord avec cela. Si l’on avait tout isolé, cela aurait non seulement explosé le budget déjà conséquent mais aurait en plus dénaturé le lieu. Quand on investit une halle comme celle-là, il faut tenir compte de ces aspects. »
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